N° 141, août 2017

« Soudain, à quatre-vingt-quatre ans »
Exposition des tableaux de
Mme Raafat Sarrâf


Babak Ershadi


Photos : Tableaux de Mme Raafat Sarrâf. Photos par Râmonâ Miriân

Depuis plusieurs décennies, les experts connaissent certaines vertus thérapeutiques de l’activité artistique. L’art-thérapie en général, et le soin par la peinture en particulier, ont été utilisés d’abord par la psychiatrie et la psychologie en tant qu’instrument de guérison de la pathologie mentale. Mais au fur et à mesure, on a découvert aussi les vertus de l’activité artistique pour le soin et le bien-être des personnes âgées. Ces vertus ont été d’ailleurs reconnues par la communauté scientifique.

Quand on se sert de l’activité artistique (peinture, théâtre, chant, collage…) en tant qu’instrument thérapeutique pour les personnes âgées, on n’exige en fait aucune compétence artistique. Autrement dit, les personnes âgées n’auront pas besoin d’avoir un talent artistique particulier. Les études montrent d’ailleurs que si l’art soigne, ce n’est pas uniquement à travers l’œuvre créée, mais surtout à travers la pratique créative. Dans ce sens, le soin par l’art est applicable à tous les âges (enfants, adolescents, adultes, personnes âgées).

Il est également intéressant de savoir que cette art-thérapie pour les personnes âgées peut s’effectuer de manière individuelle ou sous la forme d’une activité collective, sans que les personnes âgées qui les pratiquent aient nécessairement besoin d’un goût ou talent esthétique très développé. L’art-thérapie est ainsi à la portée de tous.

Photo : Mohammad Khodâbakhsh

Selon les experts, l’activité artistique est un moyen de développement personnel. Elle permet à la personne malade ou aux personnes âgées de gérer leur stress. Elle est également efficace pour remédier aux dépressions.

Pour les personnes âgées, l’activité artistique permet de développer la concentration et de dissiper les mauvaises pensées. Les projets artistiques leur donnent de la confiance en soi, mais aussi l’envie de se projeter vers l’avenir.

La plupart des experts croient que ces facultés thérapeutiques se trouvent plutôt dans la pratique elle-même que dans l’œuvre d’art.

 

* * *

 

« À 84 ans et aux prises avec une maladie, elle se met pour la première fois de sa vie à peindre pour se distraire. Mais cette artiste peintre autodidacte crée des œuvres pleines de passion pour la vie, pleines de couleurs et d’espoir. C’est donc une exposition à ne pas manquer ce printemps », écrit Leili Golestân, directrice de la Galerie Golestân, dans la lettre d’invitation à l’exposition de 36 tableaux de Mme Raafat Sarrâf qui a eu lieu du 26 au 31 mai 2017 dans cette célèbre galerie d’art de la capitale.

Mme Raafat Sarrâf est sans doute un exemple rare parmi les artistes peintres autodidactes. C’est à l’âge de 84 ans qu’elle a découvert son talent de peintre, la peinture étant pour elle une thérapie créatrice.

Sa fille, Ameneh, est graphiste. Elle apprend la peinture aux enfants dans une association caritative pour personnes handicapées. En 2014, la maladie de Mme Raafat Sarrâf s’aggrava, et sa fille sentit que sa mère se trouvait dans un état physique - et surtout moral - peu favorable. Le plus difficile est qu’elle était devenue allergique, ce qui entraînait des réactions cutanées avec de vives démangeaisons. Pour l’empêcher de se gratter, sa fille eut l’idée d’initier sa mère à la peinture tant pour lui remonter le moral que pour « occuper ses mains ». Pour lui donner l’envie de peindre, elle lui parlait de son expérience avec les enfants au centre des personnes handicapées. Finalement, Raafat Sarrâfa accepta le conseil de sa fille et se mit à peindre.

Elle n’avait pas confiance en elle au départ et pour ses premières tentatives, elle demanda à sa fille de lui faire des esquisses. Dans un souci thérapeutique, sa fille accepta initialement de le faire et aida sa mère qui lui posait aussi de nombreuses questions sur l’usage et le choix des couleurs, ou encore sur les techniques de contraste et de clair-obscur. Mais très vite, Raafat Sarrâf s’est mise à créer elle-même ses esquisses et a continué à travailler de manière autonome. Au début, elle travaillait toute la journée et restait concentrée sur ses tableaux jusqu’à 2 heures du matin. Sa fille témoigne qu’elle peignait parfois un tableau par jour. Mais ces derniers temps, Mme Sarrâf mettait beaucoup plus de temps pour peindre un tableau. Certains de ses derniers tableaux ont été réalisés à l’hôpital. « Soudain, à quatre-vingt-quatre ans » est ainsi le titre de l’exposition de 36 tableaux de Mme Raafat Sarrâf à la Galerie Golestân, ces derniers mesurant chacun 42×32 centimètres.


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