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65 000 mètres carrés. Le chiffre donne le tournis mais c’est pourtant sur cette surface que le « Book Garden », inauguré récemment, s’étend dans le centre-ville de la capitale iranienne. En plus de son architecture remarquable, cette librairie est tout simplement la plus grande jamais construite.
Pour se donner une idée de la taille du « Book Garden », il suffit de penser au stade Azadi, l’un des plus grands stades de la planète. Et de se dire que cette librairie, inaugurée début juillet dernier, est l’équivalent en mètres carrés de quasiment… huit stades Azadi ! Monumental. Avec ses 65 000 mètres carrés, elle détrône et explose même ce que le Guinness considérait jusqu’ici comme la plus grande librairie du monde. Il s’agit de la Barnes Noble Bookstore, située à New York, et qui ne s’étend « que » sur 14 000 mètres carrés.
Ce record ô combien symbolique ? Sam Tehranchi n’a pas de mal à nous avouer qu’il s’agissait bien d’un objectif visé : « Oui, c’en était un. L’idée était de dédier un endroit immense à la vente et la découverte de livres, ainsi qu’aux activités liées, sur une échelle autant nationale qu’internationale. » À 47 ans, ce diplômé de la faculté d’architecture Shahid Beheshti vient de réaliser un grand coup. Depuis le lancement en 2000 de son cabinet Design Core [4S] (Design Core Architecture & Urban Designers), il s’intéresse au design de bâtiments grand public et aux plans d’urbanisme en vue « d’améliorer la qualité de vie des villes majeures comme Téhéran ». Le « Book Garden », dont il a été le principal designer et architecte en lien avec l’entreprise Kayson (ingénierie et construction) rentre clairement dans ce cadre-là. « Je peux dire que c’était notre plus gros projet et notre plus gros challenge, en utilisant par exemple les dernières technologies de construction, poursuit l’architecte, Et c’est ce qui a rendu le projet excitant pour nous. »
« Lorsque nous avons démarré le projet, il y a 10 ans, on s’était mis en tête de construire un projet vraiment unique en son genre dans la région du Moyen-Orient », poursuit Sam Tehranchi. « C’est un grand moment culturel dans le pays », décrivait encore Mohammad Baqer Qalibaf, encore maire de la capitale au moment de l’inauguration, quelques semaines avant que Mohammad-Ali Najafi ne lui succède à ce poste.
Après plus de 10 ans de travaux et un chantier à près de 50 millions d’euros, ce « Jardin du livre » a élu domicile à deux pas de deux parcs du centre-ville, Taleghani et Ab-o-Atash. Ils sont reliés par une autre structure qui fait la renommée architectural du pays sur le plan international, le célèbre pont Tabiat. Cette proximité avec la verdure a beaucoup influencé le projet. La librairie, élevée sur trois étages, est d’ailleurs surmontée par une toiture végétalisée de 25 000 mètres carrés. « Les espaces verts et la conservation de l’environnement jouent un rôle important dans le quartier de Abbas Abbad, décrit son concepteur. Par conséquent, dans le design du projet, nous avons essayé de construire quelque chose inspiré par la nature et qui collait avec l’environnement du site. Ce toit est la clé dans l’harmonisation entre la librairie et le quartier environnant. » Tant et si bien que ce toit ne doit pas être vu comme un simple « couvre-chef » de la structure. « On ne le considère pas comme un élément de couverture mais comme une partie de la nature. Quelque chose qui évoque parfaitement la continuité. Le jardin du toit a cette fonction de parc public culturel. » Idéal pour se poser et dévorer un ouvrage donc.
Cette influence « verte » se ressent également à l’intérieur des lieux. « Dans le design, on a imaginé le lieu comme un vaste espace qui fonctionne en jardins en terrasse inspirés par les jardins traditionnels iraniens », poursuit Sam Tehranchi. Des jardins à l’intérieur du jardin dans lesquels on trouve de tout. D’abord des livres bien sûr, par dizaines de milliers et la capacité de proposer… jusqu’à un million de titres ! Mais ce lieu se veut être plus qu’une simple librairie en tant que telle. « Ce projet vise à apprendre à nos enfants à être actif et créatif via des méthodes et des équipements modernes », définissait Ali Larijani, le président du Parlement iranien le jour de l’inauguration.
Outre les livres, on retrouve ainsi une galerie d’art, des boutiques proposant des produits culturels, des espaces de travail… « L’idée est de proposer un espace public de haute qualité culturelle, note Sam Tehranchi. C’est un accès à la connaissance pour les familles iraniennes, pour tous les âges en particulier pour les enfants et la jeunesse. Un lieu où ils peuvent passer leur temps libre autour des univers littéraires, médiatiques et scientifiques. On peut dire que c’est une sorte de parc de loisirs. »
Une construction d’une telle envergure va nécessairement participer tant au rayonnement régional qu’international du pays. Cette librairie, connectée au pont Tabiat grâce au sentier pédestre appelé « chemin de la culture », est aussi un bon moyen de montrer cette expertise iranienne en termes d’architecture contemporaine. « Ces structures sont bien acceptées par la population, juge le maître à penser des lieux. C’est la principale satisfaction de cette architecture moderne et de ces espaces de détente créés en Iran. L’objectif est vraiment d’améliorer la qualité de vie urbaine et de créer des lieux publics pour profiter, apprendre et explorer. Cette architecture ouvre des horizons d’espoir et un meilleur futur pour la population, tout en faisant la promotion de la culture iranienne dans le monde. »