N° 145, décembre 2017

Le changement de capitale en Iran


Babak Ershadi


Une capitale est la ville qui est le siège des pouvoirs d’un État. Cette ville s’impose comme le foyer du pouvoir politique et économique, et a souvent une prééminence socioculturelle par rapport aux autres villes du pays. C’est la définition moderne que l’on pourrait donner pour désigner la capitale constitutionnelle d’un état. La notion existe pourtant depuis l’Antiquité, et nous pouvons considérer la Mésopotamie ancienne comme le berceau des premières capitales du monde (comme Ur et Babylone). Le concept existait également en Iran depuis des temps très anciens avec Suse (élamite), Ecbatane (médique) ou Persépolis (achéménide). Athènes et Rome étaient les versions européennes des capitales anciennes.

Mais la notion moderne ou antique de la capitale n’est pas valable pour toutes les périodes historiques. En Europe de l’Ouest médiévale, la notion de “cour itinérante” a parfois remplacé celle de capitale permanente. Au début du Moyen Âge, la cour itinérante était le seul système politique existant, le royaume n’étant pas un centre réel et permanent.

Carte des capitales de l’Iran au cours de l’histoire

L’histoire iranienne connut une autre évolution de ce point de vue après l’invasion arabe, l’effondrement des états centralisés de la période préislamique. De plus, le système politique arabo-musulman (califat) était essentiellement décentralisé. Les Iraniens préservèrent le concept d’état centralisé et de capitale permanente de l’Antiquité, mais un autre phénomène devint courant en Iran islamique : celui du “changement de capitale”. Dans ce sens, l’Iran a le record mondial de changement de capitale, car chaque dynastie préférait souvent établir sa propre capitale en tant que centre des pouvoirs et de l’administration. Il arrivait aussi qu’une seule dynastie change une ou plusieurs fois sa capitale, mais il était rare (contrairement à l’époque préislamique) que le royaume ait deux ou plusieurs capitales à la fois. Ce “changement de capitale” s’explique par diverses raisons politiques, géographiques, militaires, stratégiques, économiques et ethniques. Néanmoins, il est intéressant de savoir que ce changement n’eut jamais des motivations religieuses.

Les vestiges de la ville d’Ecbatane (ou Hegmatâneh)

Le “changement de capitale” est loin d’être un phénomène spécifiquement iranien, ni d’être un phénomène historique appartenant à une époque lointaine. Cependant, cela n’a pas toujours été le cas. Ankara (Turquie) est devenue capitale en 1923. Brasilia (Brésil) est une jeune capitale inaugurée en 1960. Astana (Kazakhstan) n’a un statut de capitale que depuis 20 ans (1997). La notion de “changement de capitale” reste dans l’actualité et concerne parfois les capitales historiques les plus célèbres : en égypte, on parle souvent de la “nécessité” de trouver une nouvelle capitale pour remplacer Le Caire ; en Russie, il y a un débat sur la “nécessité” de transférer la capitale de Moscou à une autre ville. Quant à Téhéran, le débat est vieux de plusieurs décennies.

Le record auquel nous avons fait allusion est semble-t-il imbattable : de la Suse élamite au Téhéran de la République islamique, nous pouvons recenser plus de 40 capitales dans l’histoire de l’Iran. Parmi ces capitales anciennes et actuelles, la plupart se trouvent sur le territoire actuel de l’Iran, tandis qu’une dizaine se situe dans les pays voisins : Irak (3), Pakistan (1), Afghanistan (3), Turkménistan (2) et Ouzbékistan (2), ce dernier pays n’ayant pas de frontière terrestre avec l’Iran actuel. La situation géographique de chaque capitale peut expliquer en partie la situation géopolitique d’une période historique, les rapports de force, ou les origines ethniques d’une telle ou telle dynastie.

1- L’Antiquité

L’Elam n’est pas la civilisation la plus ancienne de l’Iran, mais elle est sans doute la première à former un état et des administrations étatiques. Occupant les régions du sud-ouest du plateau iranien (correspondant aux provinces actuelles d’Ilam, du Khouzestân et du Fârs), l’Elam fut voisin des civilisations antiques de la Mésopotamie. Des textes antiques de la fin du IVe millénaire av. J.-C. jusqu’au Ier millénaire apr. J.-C. font allusion à Suse et à Anshan, les plus grandes villes élamites. L’Elam et Suse (Chouchan) sont également mentionnés dans la Bible. Le tombeau du prophète biblique Daniel est vénéré à Suse. Le royaume élamite perdit son autonomie après le pillage de Suse vers 639 av. J.-C. par Assurbanipal, dernier grand roi d’Assyrie (669-627 av. J.-C.), puis sa conquête par Cyrus le Grand (559-530 av. J.-C.), fondateur de l’Empire perse des Achéménides. Quant à la ville d’Anshan, mentionnée en tant que Suse dans de nombreux textes antiques, les archéologues la placent tantôt dans la province de FArs, tantôt au Khouzestân (ville actuelle d’Izeh). La ville ancienne de Suse fut peuplée jusqu’au XVe siècle, et la ville actuelle fut fondée en partie sur les ruines de la Suse antique.

Ecbatane (ou Hegmatâneh), "ville des rassemblements", fut la capitale du premier grand royaume fondé par les Aryens en Iran vers le début du VIIe siècle av. J.-C., dans les régions du nord-ouest (Zagros occidental et l’Alborz). L’Antiquité accordait une place importante aux Mèdes. Ces derniers ne laissèrent pas de documents textuels, et il faut s’appuyer sur les documents extérieurs (assyriens, babyloniens et grecs) pour les connaître, ce qui rend difficile pour les historiens de tracer les frontières du royaume médique. Pendant l’Antiquité, il existait deux types de plans pour des villes murées : des plans rectangulaires, et des plans ronds. Ecbatane avait un plan rond, ce qui mettait en relief, selon les archéologues, le caractère religieux de la ville. Plus tard, les empereurs achéménides transformèrent la ville en capitale d’été. Ecbatane perdit son importance politique après sa conquête par le roi de Macédoine Alexandre en 330 av. J.-C.

Les Achéménides fondèrent le plus vaste empire de l’Antiquité, ainsi que leurs propres capitales : d’abord à Pasargades, puis à Persépolis. Ils donnèrent aussi un caractère royal aux capitales des royaumes conquis comme la Suse des élamites, Babylone en Mésopotamie, et la Sardes des Lydiens en Asie Mineure. Selon Hérodote, Cyrus le Grand décida de fonder sa capitale à Pasargades (province du Fârs), car le lieu fut le berceau de la tribu perse dont il était issu. Le mausolée de Cyrus le Grand se trouve sur le même site. Persépolis fut fondée en 521 av. J.-C. par Darius Ier. Selon certains historiens, la Persépolis des Achéménides avait près de 44 000 habitants.

Après les conquêtes d’Alexandre, une dynastie hellénistique fut fondée en 305 av. J.-C. par Séleucos Ier pour régner sur la majeure partie des territoires conquis par Alexandre de l’Asie Mineure jusqu’à l’Indus. Séleucie du Tigre (Irak) fut la première capitale des Séleucides de 305 à 240 av. J.-C. Le transfert de la capitale à Antioche (Turquie) en 240 av. J.-C. est significatif, dans la mesure où les Parthes avançaient progressivement vers l’ouest et au milieu du IIe siècle av. J.-C., ils prirent en main le contrôle des provinces iraniennes et mésopotamiennes.

Selon la tradition achéménide, les Parthes arsacides et les Perses sassanides eurent plusieurs capitales, mais la longue rivalité avec Rome les amena à installer le siège principal de leur pouvoir à Ctésiphon, dans la partie occidentale de leurs empires. Ctésiphon fut fondée par les Parthes juste devant la Séleucie du Tigre des Séleucides, sur la rive gauche du Tigre, à 30 kilomètres de la ville moderne de Bagdad, capitale actuelle de l’Irak. Sous les Arsacides, Ctésiphon fut capitale et résidence d’hiver de neuf rois à partir du règne du 20e roi de la dynastie, Gotarzès II (en persan, Goudarz, roi de 40 à 51 de notre ère) jusqu’au règne de Artaban V (en persan Ardavân, 28e et dernier souverain arsacide, roi de 216 à 224). Ctésiphon garda son statut de capitale pendant tout le règne de la dynastie des Sassanides, de 224 à 651. Ctésiphon fut capitale pendant six siècles. En 637, la ville fut conquise par les troupes arabes pendant la conquête arabe de la Perse à l’époque du deuxième calife, Omar ibn al-Khattâb. Selon les historiens, tout comme Alexandre le Macédonien, les Arabes incendièrent Ctésiphon qui fut entièrement dévastée par un feu continu pendant six semaines.

2- Les premières dynasties iraniennes de la période islamique

Les premières dynasties iraniennes de la période islamique n’apparurent que deux siècles après la conquête arabe et l’islamisation de la Perse. Ces royaumes prirent forme au départ dans les régions les plus éloignées de Bagdad, capitale des califes abbassides. Ces dynasties musulmanes iraniennes marquèrent peu à peu leur indépendance par rapport à la domination arabe.

Les Tâhirides (820-872) furent les premiers à accéder à une sorte d’autonomie dans le grand Khorâssân. Ils proclamèrent leur indépendance à Merv (Turkménistan) et choisirent Neyshâbour comme capitale. Pourtant, ils se soumirent politiquement et religieusement au califat, et l’arabe fut la langue officielle de leur cour.

La situation changea avec les Saffârides qui fondèrent leur dynastie, un peu plus vers le sud, au Sistan et dans une partie de l’Afghanistan actuel. Leur capitale, Zarandj, se trouvait au sud-ouest de l’Afghanistan actuel, non loin de la frontière iranienne. Le fondateur de la dynastie, Yaqoub Layth (840-879), entra en conflit avec le califat, conflit qui ne fut pas religieux, mais plutôt national, les Saffârides se présentant comme descendants des princes sassanides. Il interdit l’usage de l’arabe à la cour et réhabilita l’usage du persan dans les administrations et les correspondances.

Emarat Chehelsotun à Qazvin, mémorial de la capitale safavide

Les Samanides étaient originaires de Balkh et se présentaient comme descendants de Vahram VI (Bahrâm, en persan), empereur sassanide de 590 à 591. Le règne des Samanides fut l’époque de la résurrection de la langue persane. à Boukhara, leur capitale, ils rétablirent les administrations comme à l’époque des Sassanides. Les souverains samanides se couronnaient comme les rois d’antan, mais étant de confession sunnite, ils évitaient d’utiliser le titre “shâh” et étaient officiellement appelés “émir” pour marquer leur allégeance aux califes abbassides. Les Samanides étaient d’origine zoroastrienne, mais en faisant preuve d’un prosélytisme ardent, ils rendirent le plus grand service au sunnisme en convertissant les grandes tribus turques de l’Asie centrale pendant l’islamisation de cette région. Cependant, pendant leur règne, le chiisme, le zaydisme et l’ismaïlisme se propagèrent largement dans leur royaume.

Avec les Alavides et les Ziyarides, nous assistons à l’apparition des dynasties zaydites concentrées, non pas dans l’est, mais dans les régions du nord de l’Iran. Les Bouyides chiites fondèrent une dynastie très puissante. Avec eux, les foyers du pouvoir et les capitales furent transférés plus à l’est, ce qui marqua, en même temps, leur suprématie par rapport au califat des Abbassides. En 945, les Bouyides occupèrent la Bagdad des Abbassides et mirent sous tutelle le calife Al-Muti. Le prince bouyide Moezzeddolleh obtint le pouvoir à Bagdad, tandis que le calife n’avait plus qu’une autorité protocolaire.

3- Les grandes dynasties turques

Les Samanides furent supplantés par leurs anciens esclaves turcs qu’ils avaient convertis eux-mêmes à l’islam. Parmi ces esclaves se trouvaient de grands généraux et chefs de guerre de la famille Ghaznavide, qui prirent finalement le pouvoir dans le grand Khorâssân, et établirent leur capitale à Ghazni (Afghanistan), leur fief. La ville devint un foyer culturel important en raison du soutien que les Ghaznavides accordaient aux poètes, aux écrivains, et aux savants. De confession sunnite, ils renouèrent des liens avec le califat abbasside. Le plus célèbre souverain de cette dynastie, Mahmoud de Ghazni (997-1030), se présenta comme dirigeant d’un état indépendant, mais fit allégeance au calife abbasside de Bagdad. Il fut le premier à porter le titre de “sultan”. Cependant, les successeurs de Mahmoud négligèrent l’importance du danger qui les menaçait : le mécontentement des habitants du Khorâssân en raison de lourds tributs que leur imposaient les gouverneurs, d’où la montée progressive des Seldjoukides.

Comme les Ghaznavides, les Seldjoukides, originaires de l’Asie centrale, étaient des tribus turques oghouzes au service des Samanides. Toghrul-Beg (990-1063), chef des tribus seldjoukides, se rebella contre les Ghaznavides dès 1030. Ses troupes vainquirent les Turcs ghaznavides près de Merv (Turkménistan). Toghrul-Beg se proclama sultan et monta sur le trône à Neyshâbour en 1038. Les souverains seldjoukides, qui étaient de confession hanafite, bénéficièrent aussitôt du soutien du califat abbasside qui leur donna le titre de “sultan”. Toghrul-Beg choisit Rey, au sud de Téhéran, comme capitale. Il entra pacifiquement à Bagdad en 1058, et libéra le calife abbasside de la tutelle des Bouyides chiites. Les Seldjoukides fondèrent le plus grand empire de l’Iran pendant la période islamique, de l’Asie centrale à la Méditerranée. Dès le début de leur règne, les Seldjoukides s’iranisèrent et adoptèrent le persan comme langue officielle de leur empire. Après le règne des grands sultans seldjoukides, leur royaume fut divisé parmi leurs atabegs (titre de noblesse en turc signifiant : “les régents”) qui fondèrent chacun leurs dynasties locales.

Arg-e Karim Khân Zand (Citadelle de Karim Khân Zand), dynastie zand, Shirâz

Les Khwârezm-Shâhs furent la dernière grande dynastie d’origine turque de l’Iran. Originaires des tribus turques qiptchaqs du sud de la mer d’Aral en Asie centrale, ils furent longtemps au service des souverains seldjoukides d’origine oghouze. Les Khwârezm-Shâhs furent, en réalité, les derniers héritiers de l’empire seldjoukide et de leur formidable système d’administration. Leur capitale, Gorgândj (Kounia-Ourguentch moderne), se situe au Turkménistan actuel. Gorgândj était l’une des villes les plus riches de l’Asie centrale. Les grands savants iraniens, Avicenne et Biruni y ont vécu vers la fin du Xe siècle. Pendant l’invasion mongole, une troupe des armées de Gengis Khân détruisit entièrement la ville de Gorgândj en 1221. Les Mongols massacrèrent la majorité des habitants de la capitale des Khwârezm-Shâhs.

4-Les invasions mongoles et turco-mongoles

L’invasion mongole des années 1218-1221 mit fin au règne de la dynastie des Khwârezm-Shâhs, aux dynasties locales des Atabegs, et au califat des Abbassides. Les princes mongols, qui étaient les descendants de Gengis Khân, fondèrent la dynastie Ilkhânide en Iran en 1256.

Ils établirent leur capitale en Azerbaïdjan, tour à tour à Marâgheh, Tabriz et Soltâniyeh. Le fondateur de la dynastie mongole des Ilkhânides fut Houlagou Khân qui installa sa capitale à Marâgheh où son grand vizir iranien, Nassireddin Toussi (1201-1274), grand savant, mathématicien et philosophe de l’Iran, fonda son grand observatoire. Les premiers khâns mongols étaient bouddhistes ou chamanistes. Mais le septième khân mongol, Ghazan Khân (1271-1304) se convertit à l’islam sunnite et transféra la capitale à Tabriz. Son frère Ildjaïtou (Mohammad Khodâbandeh) se convertit au chiisme et transféra la capitale des Ilkhânides à Soltâniyeh. Il fut le premier, deux cents ans avant les Safavides, à faire du chiisme duodécimain la religion d’état en Perse. Après l’éclatement de la dynastie des Ilkhânides, leur royaume fut divisé entre plusieurs dynasties locales. Les régions de l’ouest furent réparties entre les chefs de guerres d’origine mongols, mais devenus musulmans et turcophones comme les Choupânides (Tabriz) et les Jalâyirides (Bagdad et Tabriz). Les régions de l’est étaient dominées par les dynasties locales iraniennes et persanophones comme les Kerts (Hérat), les Sarbedârân (Sabzevâr) et les Mozaffarides (Yazd, Shirâz et Kermân).

La deuxième vague d’invasion commença en 1369, avec la prise du pouvoir à Samarcande par Tamerlan (1336-1405). Il était issu d’une tribu mongole de l’Asie centrale, Barlas, lointainement apparentée à Gengis Khân, devenue musulmane et turcophone. Bien qu’il fût d’origine mongole, on ne lui donna jamais le titre de “khân” mais se fit appeler “Amir al-Kabir” en arabe (le grand émir), puis “güregen”, “gendre” en mongol, pour faire croire qu’il était de la lignée de Gengis Khân. Les descendants de Tamerlan fondèrent la dynastie timouride qui régna pendant plus de cent ans sur toute l’Asie centrale, l’ensemble du territoire iranien, l’Iran, l’Irak, l’est de l’Asie Mineure et le nord-ouest de l’Inde. La langue officielle de l’empire timouride était le persan, comme ce fut le cas sous toutes les dynasties turques et mongoles.

 

5- Les grandes dynasties nationales

Aux XIIIe et XIVe siècles, le processus d’assimilation et d’intégration des peuples turcophones, qui avait commencé dès le Xe siècle, semble se parachever. Si cette intégration n’a pas été linguistique, elle a été fortement culturelle et sociale, dans le cadre de la coexistence et de la cohabitation pacifiques des différents groupes ethniques marquant l’un des traits essentiels du monde iranien, où l’iranité se place à un niveau socioculturel et se définit au-delà de la question de l’ethnicité. Les tribus mongoles qui s’étaient installées en Iran se convertirent à l’islam et furent rapidement sédentarisées en devenant tantôt persanophones, tantôt turcophones.

L’affaiblissement de la dynastie timouride commença dès la mort de son fondateur Tamerlan en 1405 en raison de vifs conflits de succession parmi ses successeurs. Vers la fin du XIVe siècle, l’apparition de deux grandes fédérations turcomanes des Qara Qoyounlou et des Aq Qoyounlou choisissant tour à tour Tabriz pour capitale, rendit définitive la partition du territoire timouride, qui fut réunifié initialement sous les Aq Qoyounlou, puis de manière définitive à partir du règne des Safavides.

Bien qu’ils aient été d’origine turcomane, les Aq Qoyounlou prétendaient être descendants et héritiers des grands héros de la mythologie iranienne (Fereydoun, Jamshid, Key Kâvous). Contrairement à la majorité des dynasties de la période islamique, les souverains Aq Qoyounlou ne se nommèrent pas “émir” ou “sultan”, mais “shâh”. Leurs correspondances avec les sultans ottomans montrent que ces derniers les reconnaissaient également comme “shâh d’Iran”. Idem pour les dynasties suivantes (safavide, afsharide, zand, âQdjâre et pahlavi). Ce retour vers la tradition préislamique des Sassanides est significatif dans la mesure où il témoigne d’une volonté de consolider l’unité “nationale”. Les capitales historiques de cette période comme Téhéran, Shirâz, Mashhad, Ispahan et Tabriz comptent aujourd’hui parmi les grandes métropoles de l’Iran et sont les pôles politiques, économiques, culturels et sociaux les plus importants du pays.

Dans les documents historiques datant d’avant le XIe siècle, la capitale était nommée souvent “Dâr-ol-Emareh” (siège de l’émirat). Plus tard, quand les souverains portèrent le titre de “sultan”, les capitales furent parfois appelées “Dâr-ol-Saltaneh” (siège du sultan). D’autres termes furent également utilisés pour désigner les capitales, comme “Dâr-ol-Hokumeh” (siège du gouvernement) ou “Dâr ol-Molk” (siège du royaume). Sous les souverains de la dynastie âQdjâre, Téhéran fut parfois appelée “Dâr-ol-Khelafeh” (siège du califat), bien que le système califal n’ait jamais existé à cette époque-là.

En ce qui concerne le concept de “capitale”, un néologisme apparaît vers la fin du règne des Safavides et au début du règne de Nâder Shâh fondateur de la dynastie afsharide, pour marquer l’évolution de l’état et la transition vers l’unité nationale et le concept d’”état-nation”. Le mot persan “Pâyetakht” vient remplacer toutes les expressions arabes susmentionnées. Aujourd’hui, le mot qui signifie littéralement “pied du trône” est utilisé indifféremment pour désigner la capitale de l’Iran et des autres pays, mais il n’est pas usuel pour désigner le chef-lieu des provinces.


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