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D’une superficie de 16 264 kilomètres carrés, la province de Kohkilouyeh va Boyer Ahmad se situe au sud-ouest de l’Iran, entre la latitude 29.52° et 31.26° N et la longitude 49.55° et 51.53 E. Elle avoisine les provinces d’Ispahan au nord, de Tchahâr Mahâl va Bakhtiâri à l’est, de Fârs et de Boushehr au sud, et du Khouzestân à l’ouest. C’est une région montagneuse aux paysages pittoresques et à la nature préservée. Elle compte actuellement une population d’environ 1,4 million d’individus dont la moitié habite dans des zones rurales. Elle se divise en huit communes, 16 districts et plus de 1700 villages. Les huit chefs-lieux de la province sont Choram, Boyer Ahmad, Bahmaï, Denâ, Kohkilouyeh, Bâsht, Landeh et Gachsârân.
Le territoire très ancien qui se nomme aujourd’hui Kohkilouyeh va Boyer Ahmad faisait naguère partie de la province de Fârs. Il était composé de deux régions, l’une froide et montagneuse située au nord-est, la Poshteh-Kouh, et la Nareh-Kouh et Behbahân, qui comprenait les plaines tempérées du sud-ouest.
Durant l’Antiquité préislamique, cette région était appelée Anshan ou Anzan et comprenait l’actuelle Kohkilouyeh ainsi que le territoire Mamassani. En 1842, les districts de Râmhormoz, Shâdegân, Hendijân et Zidoun ont été séparés de la province qui s’appelait alors Kohkilouyeh va Behbahân. En 1945 et pour des raisons politiques, Boyer Ahmad est détachée du territoire de Kohkilouyeh pour être annexée à la province de Fârs. La ville de Dogonbadân fut par la suite créée dans les années 1950, sur le domaine de la tribu Babouï. En 1959, Kohkilouyeh est détachée de Behbahân pour devenir une division administrative à part entière avec la ville de Dehdasht comme capitale. Elle est alors incluse dans la province du Khouzestân. C’est seulement en 1976 que le territoire de six grandes tribus nomades Boyer Ahmad, Taïebi, Bahmaï, Choram, Doshman-Ziâri et Bâbouï, devient une province avec pour chef-lieu la ville de Yâsuj. Elle possède aujourd’hui les sept comtés de Boyer Ahmad, Kohkilouyeh, Gachsârân, Denâ, Bahmaï, Basht et Choram.
Les habitants de cette province parlent en lori beyrahmâï, le dialecte méridional du lori. La caractéristique sociale la plus importante de la population de cette province est la structure tribale, héritage de l’histoire et de la culture de cette région. Même si aujourd’hui ces caractéristiques ont subi des évolutions, les liens tribaux et l’appartenance aux clans jouent encore un rôle éminent dans la culture locale et les logiques identitaires. Outre les Lors, la province compte une minorité de turcophones, représentant environ 2% de sa population.
La province de Kohkilouyeh et Boyer Ahmad est un territoire montagneux. Près de trois quarts de sa superficie sont composés de hauteurs, de monts, de collines et de coteaux. Les plaines ne constituent que le quart de son étendue. Le sommet le plus haut est le mont Denâ, qui culmine à 4409 mètres, tandis que la zone la plus proche du niveau de la mer est Charezan, situé au sud-ouest de Bibi-Hakimeh, près de la ville de Gachsârân, à 197 mètres. Seuls deux cents kilomètres séparent ces deux points.
Les montagnes de cette province appartiennent à la chaîne Zagros, dont les glaciers ont créé de nombreuses rivières. Ces montagnes, telles que le mont Khâïz au sud de Dehdasht, Nil et Hajjal au sud-est de Yâsuj, le mont Khâmi au nord-est de Gachsârân ou encore le mont Nour au centre de la province, sont réputées pour leur beauté et attirent chaque année randonneurs et alpinistes.
La beauté naturelle des plaines de Sarvak et Dashtroum aux alentours de la ville de Boyer Ahmad, Emâmzadeh Jafar, Lishtar, Gaz et Bashte près de Gachsârân, Choram et Dehdasht à Kohkilouyeh sont également des invitations aux randonnées et à la découverte d’une nature vierge.
L’altitude considérable des montagnes qui s’étendent sur l’axe nord-ouest et sud-est agit tel un barrage contre les masses atmosphériques, créant un climat varié qui divise la province en deux régions, froide et chaude.
Recouvrant près de la moitié de la province, la région froide s’étend du nord à l’est. Les zones froides se divisent elles-mêmes en deux parties de régions froides et régions frontalières. Dans ces dernières, les précipitations abondantes ont créé des forêts denses de chênes, de bâneh (Pistacia atlantica), de karkou [1] d’amandiers. Les pluies commencent vers la mi-octobre et continuent jusqu’à la fin du printemps. La quantité de précipitations varie entre 540 et 884 mm.
Occupant plus de la moitié de la province et située au sud et à l’ouest, la région chaude subit les vents brûlants venant du Khouzestân. Chaude et sèche en été, elle jouit d’un temps doux et printanier en automne et en hiver. Les pluies commencent vers la mi-décembre et continuent jusqu’à début d’avril. La moyenne des précipitations varie entre 300 et 420 mm.
Ils se divisent en vents saisonniers et régionaux. Les premiers génèrent des situations pluviogènes en hiver. Il existe également un vent saisonnier nommé Le vent gauche qui souffle vers le sud/sud-ouest, endommageant les champs agricoles et détériorant les produits en raison de son extrême sécheresse. Les plus importants vents régionaux sont le vent Ashoub en amont de la rivière Boyer Ahmad, le vent Zirrouz à Bahmaï, le vent Kouhbâd au sud de Boyer Ahmad, et enfin le Chughân à Bahmaï.
Les rivières abondantes créées par la présence des montagnes et les vents humides quasi-permanents constituent une part importante des ressources en eau douce de cette province. Les cours d’eau les plus notables sont le Mâroun qui, quittant la province à Tang-e-Takâb, traverse plus loin la ville de Behbahân dans le Khouzestân avant de se jeter dans le golfe Persique ; le célèbre fleuve Kâroun, dont l’un des affluents principaux naît sur les hauteurs du mont Yâsuj pour ensuite confluer avec d’autres affluents tels que Dez et Arvandroud qui prennent leur source en Irak, et enfin le fleuve Hendidjân qui prend sa source dans les monts environnants la ville de Mamassani.
Le lac le plus important de cette province est le lac Mourzard. Avec une superficie de 14 hectares, ce lac montagneux est situé à 135 km de la ville de Yâsuj, à une altitude de 2180 m. Entouré de monts calcaires, il abrite plusieurs espèces aquatiques rares, mais aussi communes comme la carpe ordinaire.
Poutak est une cascade située dans un creux profond de 5,3 km dans la zone naturelle protégée de Denâ. Une autre cascade, dénommée Darrenâri, se trouve à 6 km au sud de la zone naturelle protégée de Denâ. Elle est d’une hauteur approximative de 40 à 70 mètres et l’abondance de son eau crée des paysages uniques, en particulier au printemps, malgré le froid. Toufshâh est une autre cascade située à 10 km des monts australs de Denâ. Elle possède une hauteur de saut de 100 mètres.
Mishi est une source thermale très connue de la province. Elle est située à 5 km de la ville de Sisakht - centre administratif de Denâ -, sur la route Sisakht-Padna, à la frontière méridionale de la province. Elle permet l’approvisionnement en eau douce de la ville de Sisakht, et couvre les besoins locaux du secteur agricole. Cependant, bien qu’elle demeure un haut lieu de randonnée pour les habitants de la région, l’importance des avalanches hivernales rend impossible la création d’un parc ou d’un lieu d’agrément dans les alentours. Les zones proches de la source sont donc dénuées de végétation. Il existe aussi une autre source thermale connue, Flât, plus petite et d’un débit moins important, située au sud du mont Khamin près du village de Gonâveh. Cette source, entourée d’une superbe forêt de chênes, est aussi un lieu de randonnée privilégié pour les habitants de Gachsârân.
L’unique et singulière Ghâr-e-Yakhi (la grotte gelée) est située sur une paroi rocheuse du versant nord du mont Denâ. Château souterrain aux stalactites permanentes comme des colonnes, elle accueille chaque année les spéléologues et alpinistes iraniens. La grotte Shâh, elle, est située aux environs du village de Shâh-Bahrâm à 150 km de la ville de Dogonbadân, en plein cœur de denses forêts de chênes, bâneh, frênes élevés et amandiers sauvages. La grotte Dofiri ("Deux narines") se trouve sur les hauteurs occidentales du mont Samsâl, aux environs du village de Ben-Zard. Selon le témoignage des locaux, elle servait autrefois de tour de garde pour surveiller les alentours.
La ville de Sisakht, le nouveau centre administratif de Denâ tire l’origine de son nom de « Si » qui signifie trente en persan. Si+Sakht signifiant « les Trente de Bonne volonté ». Ces « Trente de bonne volonté » dont on a tiré le nom de Sisakht font référence à trente héros mythologiques iraniens de la période de Keykhosrow Kiâni [2], morts en ces lieux lors d’une terrible tempête de neige. Les archéologues ont récemment découvert à Sisakht des tombes anciennes datant du IIIe millénaire av. J.-C.
Outre sa production pétrolière (25% de la production du pays), la province possède d’importants gisements de phosphate, de silice, de soufre, de cuivre, de pierre ornementale, de bauxite, de plâtre, de chamotte et d’argile industrielle.
Plus de 80 % des forêts de cette province sont composées du chêne de Zagros – Quercus Persica - et les 20 % restant par le bâneh, l’amandier sauvage – Prunus scoparia -, l’aubépine, le poirier asiatique -Pyrus Pyrifolia -, le frêne élevé, le genévrier grec, le daphné, ainsi que d’autres plantes plus rares.
Les plantes médicinales les plus importantes de la province sont la férule gommeuse, le thym asiatique ou Zataria multiflora, la Chicorée amère, la réglisse, une variété de vipérine - Echium amoenum -, la Grande Bardane, la millefeuille, une variété d’Echinops, l’Alcea, l’Ephédra et la Prêle des champs.
La province abrite un artisanat constitué de divers objets décoratifs comme les tapis, les kilims et les gabbeh.
La ville de Yâsuj est située sur les flancs enneigés du Zâgros et parmi les forêts de chênes et de Karkous. Elle a été construite en 1965 à six kilomètres de la ville antique de Tal Khosrô, vieille de plus de deux mille ans. Reconstruite en 1930, celle-ci fut de nouveau abandonnée en 1944, changeant bientôt de visage pour devenir un coteau de poussière et de terre. La nouvelle ville de Yâsuj avoisine la rivière Bachar qui creuse son lit à une altitude de 1870 mètres. Alors qu’en 1965, elle ne comportait qu’une seule rue principale, Yâsuj jouit aujourd’hui d’une grande prospérité. Il y neige beaucoup en hiver et la plupart de ses hauteurs environnantes restent longtemps couvertes de neige, ce qui en fait un lieu de choix pour pratiquer les sports d’hiver. Yâsuj, qui occupe une superficie de 18 km2, a été promu en 1963 au rang du siège du gouverneur et en 1976, à celui du centre administratif d’une nouvelle province.
Dogonbadân ou Gachsârân est une autre ville située au sud-est de la province. Elle jouit d’un climat tempéré grâce aux rivières qui la traversent, dont la Zohreh qui coule au sud-ouest de la ville. Plusieurs exploitations et mines de pétrole sont à l’origine de la richesse et de la prospérité perpétuelle de Gachsârân. C’est une ville entourée de nombreux jardins et de champs verdoyants. Mârin est un village situé au nord de cette ville, près de la route Gachsârân-Dehdasht. Ce village est caractérisé par son architecture rarissime voire unique : ses maisons rustiques construites à flanc de montagne descendent à partir d’une inclinaison à soixante degrés vers des jardins de citrus.
Dehdasht est une autre ville de la province et le centre administratif d’un département à part. Elle avoisine la ville d’Izeh au nord, de Gachsârân au sud, de Behbahân à l’ouest et les hauteurs de Boyer Ahmad à l’est. Sa principale ressource en eau douce est la rivière Choram qui vient de l’est et se jette dans Nazmkan. Un autre cours d’eau traversant la ville s’appelle Mâron, qui rencontre Behbahân avant se jeter dans le golfe Persique. Les sommets les plus importants de son voisinage sont Siâhkâroun, Nil, Chast-Khâr et Dil.
Parmi les attractions touristiques de la province, citons l’antique pont Patavach à Yâsuj, ainsi que le cimetière Pây-e Chol (Pied boiteux), de même que la colline Khosravi où se trouvent des ruines achéménides. On retrouve également, sur la route Yâsuj-Shirâz, le col Tang-e Meyran où Alexandre de Macédoine vainquit autrefois les forces achéménides.
Autour de Yâsuj se trouvent aussi des forêts de chênes et les cascades de Tang-e Tâmrâdi.
Les alentours de Sisakht, eux, abritent de nombreux vestiges et ruines sassanides, mais aussi des monuments de l’ère safavide. Citons aussi la station de ski de Kakan, la cascade de Kamardugh et la grotte Shâh. Finalement, pour les amateurs de nature, les nombreux sommets montagneux dont quatre dépassent les 4000 mètres ainsi que le million d’hectares de forêts naturelles de la région constituent la principale attraction de la province.
Bibliographie
Dastâr, Azdi et al., Ostân-shenâsi-e- Kohkilouyeh va Boyer Ahmad (Connaître la Province de Kohkilouyeh va Boyer Ahmad), Téhéran, éd. Nashr-e-ketâb-hâye darsi-e Irân, 2013.
Taghavi-Moghaddam, Seyed Mostafâ, Târihk-e siâsi-e Kohkilouyeh va Boyer Ahmad (L’Histoire politique de Kohkilouyeh va Boyer Ahmad), Revue Saisonnière Motâleât-e melli (Etudes nationales), 19, cinquième année, numéro 13, 2004.
Sitographie
[1] Une variété d’érable nommé Acer monspessulanum ou érable de Montpellier.
[2] Chronologie imaginaire de la mythologie iranienne, présentée dans Le Livre des Rois de Ferdowsi.