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Le 1er mai est la journée internationale du travail. Cette journée est peut-être également l’occasion de faire le bilan sur la situation de l’emploi en Iran. Le chômage n’est pas un problème récent pour l’économie iranienne, même si avec un taux actuel de 11,4 %, ce problème a pris une envergure considérable nécessitant la mise en place de solutions urgentes sans délais. Les problèmes de l’après-guerre, le changement des structures sociales, l’urbanisation massive, les changements des cadres du marché etc., ont contribué à l’émergence d’un nouveau problème que les gouvernements successifs ont été incapables de gérer : créer suffisamment d’emplois pour les quelques 4 millions de jeunes baby-boomers qui arrivent sur le marché de l’emploi chaque année, suite à l’explosion démographique des années 1980. De 1976 à 2006, la population iranienne est passée de 34 millions à 70 millions d’habitants. Selon les estimations, la part de la population âgée de 15 à 24 ans est passée à 25%. Ceci alors que jusqu’à maintenant et depuis des années, l’Etat n’a été capable de répondre qu’à 60% à peine de ce besoin de création d’emploi. Résultat, le taux de chômage n’a cessé d’augmenter depuis 27 ans avec un record de 9% par an durant les années 90. Il est d’autant plus urgent de trouver une solution à cette question que les plus touchés par le manque de travail sont les jeunes de 15 à 24 ans dépourvus d’expérience professionnelle. Ainsi, le taux de chômage de cette couche de la population atteint les 22%, c’est-à-dire 10% de plus que celui de l’ensemble de la population active. Le manque de travail est la raison principale de l’augmentation de l’âge du mariage des jeunes citadins. Pourtant, il faut préciser qu’avec la spécialisation du travail et l’augmentation du nombre des centres de formation professionnelle, ce chiffre tend à baisser progressivement. Les femmes sont également touchées par le chômage. En Iran, le taux de chômage des femmes est largement plus élevé que celui des hommes. Cela tient d’une part à la structure sociale iranienne, caractérisée par le fait que beaucoup de femmes se consacrent à temps plein à leur famille, et d’autre part à leur niveau d’études qui est, malgré les profonds changements de ces dernières années, moins élevé que celui des hommes. Cela dit, le chômage touche plus les citadines que les femmes des zones non urbaines. Le nombre des femmes professionnellement actives est plus élevé dans les zones rurales où nombre d’entre elles travaillent au sein de coopératives agricoles et il est à signaler que plus de 40% des coopératives en Iran sont dirigées par des femmes.
Concernant l’emploi, un autre défi à lever par le gouvernement est de remédier à la disparité des taux de chômage entre les différentes provinces. Dans certaines régions telles le Kurdistan ou l’Azerbaïdjan, le taux de chômage est de moins de 5% alors que dans le Lorestan, il dépasse les 15%. Le ministère de l’économie et de l’emploi tente actuellement de résorber la baisse de création d’emploi observée au cours de la première année du quatrième plan quinquennal où, à cause du changement du gouvernement et des élections, le secteur de l’emploi eut tendance à être négligé avec pour conséquence la création de 100 000 emplois de moins que ce qui était prévu initialement.
Pourtant, cette année débute avec de bonnes nouvelles. Le taux de chômage a baissé de 1% sur l’ensemble de l’année, passant de 12,1% au début de l’année 1385 (fin mars 2006) à 11,1% début 86 (fin mars 2007). Le quatrième plan quinquennal prévoit de ramener le taux de chômage à 8,4%. Ce plan prévoit la création de plus de 2,5 millions de nouveaux emplois jusqu’à la fin de ce plan. Cette baisse du taux de chômage est due aux nouvelles réformes amorcées depuis un an et demi par le neuvième gouvernement et tout particulièrement la nouvelle loi 44 de privatisation qui comprend la privatisation d’une grande partie du secteur jusqu’alors public. En Iran, la mainmise de l’Etat sur plus de 85% du secteur économique avait constitué jusqu’alors un frein important au progrès économique. Depuis près de cinq ans, de nouvelles réformes visant à réorganiser une économie au rendement insatisfaisant ont été mises en place. Ces dernières se sont montrées efficaces mais insuffisantes. Cela dit, il est encore trop tôt pour savoir quel sera leur résultat à long terme.
Plus précisément, cette année et l’année passée ont été abordées par le gouvernement sous la bannière de la création d’emploi et par une volonté de mettre en œuvre une politique favorable à la création d’emploi et au soutien des travailleurs, la priorité remplaçant celle de l’insertion professionnelle et des relations employeur/employé qui avait mené à apporter quelques modifications au code du travail, dont l’efficacité était cependant restée douteuse. Quoiqu’il en soit, depuis un an et demi, le ministère de l’Emploi a changé d’orientation. Depuis sa création en 1953, il a suscité de nombreuses espérances même s’il a été prouvé qu’il ne peut créer tout au plus que 100 000 postes par an et que la création d’emplois ne fait pas partie de ses prérogatives et obligations. Aujourd’hui, il tente cependant de trouver des solutions effectives au problème du chômage, sur la base des statistiques les plus récentes et en exploitant une documentation précise et inédite, résultat d’un travail préliminaire de quatre mois. Le but est de découvrir et planifier les stratégies conduisant au développement du potentiel humain, réglementer ces stratégies et finalement veiller à leur bonne exécution.
Parmi les plans effectivement appliqués jusqu’à maintenant, on peut faire allusion au triplement du nombre d’écoles professionnelles, à l’assouplissement du code du travail afin de favoriser la constitution de groupements de travailleurs et la mise en place d’un centre de documentation et de statistiques, sorte d’observatoire de l’emploi.
Mais la plus importante innovation politique en matière d’emplois est la création de petites entreprises à rendement immédiat et visible. En Iran, même si 98% des entreprises emploient moins de 50 employés et sont donc considérées comme des petites entreprises, la création des PE est pour la première fois considérée comme pouvant être un moyen de réduire le chômage, alors que depuis trois décennies les PME tendaient déjà à être considérées comme étant des agents relativement fiables permettant de lutter contre le chômage. Quoiqu’il en soit, la plus importante des politiques appliquées par le gouvernement au cours de ce quatrième plan quinquennal a jusqu’à maintenant été la gestion et l’investissement des réserves bancaires, des taxes et de la masse monétaire dans le secteur de l’emploi et plus précisément dans le secteur des PE, d’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement de créer de nouvelles entreprises mais également de protéger et de subventionner les PE déjà existantes. Dans ce sens, 10% des plans d’investissements et des financements bancaires concernent les PE existantes et tentent de remédier à leur problème de liquidité. C’est dans le cadre de cette politique que plus de 7200 milliards de tomans de contrats ont été signés par les banques et que 6000 milliards de tomans ont déjà été versés aux PE. Avec la création de nouvelles PE, il a été prévu que ces dernières permettront la création de 500 000 à 600 000 emplois sur les 900 000 créations d’emplois prévues cette année par le plan quinquennal de développement, même si elles ne seront pas en mesure de réaliser de réels profits avant l’année prochaine. C’est également dans cette optique que le ministère de l’Emploi a établi des statistiques et des plans de lutte contre le chômage pour chaque département de façon à déterminer précisément la population active disponible dans chaque secteur professionnel au sein de chaque province pour les années à venir.
D’après le plan de développement, avec le démarrage des PE nouvellement créées, le taux de création d’emploi sera plus élevé que l’année dernière et il sera possible d’y intégrer un certain nombre de chômeurs n’ayant pas bénéficié des précédentes vagues de créations d’emplois.
D’autre part, il est évident que la pérennité de ces nouvelles PE dépendra de leur capacité commerciale à produire des biens de qualité, à les vendre et à faire des profits. Pour cela, il faut que les produits correspondent aux besoins du marché et qu’ils soient novateurs. C’est pourquoi, en 2006, des centres de recherche technologique et industrielle ont été ouverts et ont réussi à absorber une partie du potentiel humain qualifié n’ayant pas eu la chance jusque-là de trouver un emploi. Ces centres sont chargés de faire des recherches technologiques et industrielles à la place des petites entreprises qui n’ont pas assez de budget pour en consacrer une partie à la recherche-développement.
Jusqu’à présent, la politique gouvernementale de lutte contre le chômage a fait de la création de petites entreprises à rendement immédiat de capital sa priorité mais il est certain que le soutien - au travers de subventions et de l’investissement de capitaux - aux moyennes et grandes entreprises ne doit pas pour autant être négligé, car ce sont précisément ces MGE qui seront dans un second temps plus à même d’absorber un nombre considérable de travailleurs. Il semble ainsi évident que la stabilité de l’emploi au sein des petites entreprises dépend également du soutien de l’Etat aux MGE.
Tout cela nous amène à évoquer un autre secteur économique vital dans la lutte contre le chômage : le secteur bancaire. En effet, la réussite du plan prévisionnel en matière de baisse du taux de chômage dépend étroitement de la collaboration des banques et des conditions d’investissements, de financements et de prêts bancaires ; tout cela dans un contexte inflationniste qui n’en finit pas de grever l’économie iranienne. Aujourd’hui, plus de 38,5% du chômage est directement lié aux problèmes affectant le système bancaire, à la forte croissance de la masse monétaire, aux règlements bancaires inadéquats concernant les investissements et aux prêts bancaires aux entreprises. Près de 32% des problèmes du système bancaire proviennent également d’une mauvaise gestion interne. Actuellement, avec la mise en application de certaines réformes internes concernant la réglementation bancaire, l’impact négatif de l’inflation dans le secteur de l’emploi a été fortement amoindri, ce qui a diminué d’autant les revendications ouvrières les plus saillantes. Pour le gouvernement, il est clair que c’est avec la mise en place d’une réelle concurrence entre les différents producteurs qu’il sera possible de libérer tout le potentiel de ce secteur.
Avec la poursuite de la baisse actuelle du taux de chômage, une meilleure collaboration des banques et la modernisation des méthodes de la création d’emploi, il sera probablement possible d’atteindre le taux de chômage prévisionnel de 8,4%, à condition de remanier les politiques monétaires et bancaires. Si ces réformes ne sont pas appliquées au plus vite, le taux d’investissement n’augmentera pas suffisamment et le problème de l’emploi ne pourra être réglé de façon efficace. Comme nous l’avons évoqué, la priorité est désormais à la création de petites entreprises mais il est vital de ne pas négliger l’investissement au niveau des moyennes et grandes unités de production car c’est elles qui produisent la majeure partie des produits exportables et sont susceptibles de créer le plus grand nombre de postes, faisant du développement de ce secteur un facteur essentiel de la croissance économique. C’est pourquoi, 20% du total des investissements bancaires de cette année ont été accordés aux moyennes et grandes entreprises. Quoiqu’il en soit, il a été prévu que plus de cinquante mille milliards de tomans seraient consacrés à la mise en application du plan concernant la création et l’investissement dans les entreprises à rendement immédiat de capital.
La fin de la stagnation du secteur immobilier et le lancement de plus de 65 000 projets de construction est également une des bonnes nouvelles de cette année concernant le secteur de l’emploi. En effet, quelques 200 000 emplois vont ainsi être créés. Quant au secteur des importations, même si ces dernières ont augmenté de 46%, on importe désormais plus de matières premières, ce qui signifie également la création de nouveaux emplois dans le secteur secondaire.
Il reste à présent à voir quel sera l’impact de ces nouvelles politiques dans les années à venir. Bien entendu, elles ne seront efficaces que si elles sont appliquées avec sérieux et leur résultat ne sera visible qu’à long terme. En tout cas, la baisse de 1% du taux de chômage est une victoire qu’il ne faut pas négliger.