N° 162, mai 2019

Le concept d’odeur chez Hâfez


Mohammad Ali Eslâmi Nodoushan
Traduit par

Zeinab Golestâni


Travaillant sur la traduction de Baudelaire, il y a presque 10 ans, j’ai remarqué quelques aspects plus ou moins proches entre lui et Hâfez. Entre autres, l’odorat prodigieux des deux poètes. « Aucun poète ne bénéficiait d’un odorat aussi subtil que lui », dit-on à propos de Baudelaire. [1] J’ai pensé à Hâfez comme celui qui possédait la même particularité dans la langue persane, ce à quoi j’ai fait allusion dans la préface de ma traduction. [2] En fait, les recherches suivantes ont prouvé que je ne me trompais pas.

Hâfez évoque les odeurs plus que tout autre poète persan. Des mots tels que parfum, aromate, arôme, exhalaison, effluve, bouffée d’air ou souffle ne cessent de se répéter. Il les invoque aussi à l’aide des matières parfumées comme l’ambre gris, abir [3], ghâlié [4], le musc, la poche de musc, les fleurs et les vents, dans sa poésie.

Une comparaison entre la poésie de Hâfez où les odeurs sont si présentes, et ceux de quatre autres poètes lyriques révèle cette particularité : Anvâri mentionne l’odeur ou ses synonymes toutes les 21 odes, Khâqâni toutes les 7,5 odes, Molavi Jalâleddin Rûmi toutes les 20 odes dans son Grand Divân et toutes les six odes dans le Divan Elu, Saadi toutes les 7,2 odes, et Hâfez, toutes les 3,6 odes. [5]

Hâfez n’exploite pas des tropes nouveaux pour traiter les odeurs. Il reprend à son compte ceux exploités par ses prédécesseurs, en particulier Molavi et Saadi. Cependant, il les personnalise et ce qui souligne cette présence des odeurs est l’alliance entre sa vie et l’odeur, comme une habitude, comme un besoin. L’odeur chez Hâfez possède une profondeur et une présence particulières.

ہ mes yeux, ce n’est que le désir altéré et ardent de Hâfez qui suscite sa passion et sa sensibilité aux odeurs. Jouir de l’odorat, plus que de tous les autres sens, s’entend avec son esprit introverti, inextricable, aimant l’alchimie. On est capable d’apercevoir l’odeur de loin, sans avoir besoin de trouver sa source ou de l’effleurer. C’est cette caractéristique d’invisibilité, d’ambiguïté, d’insaisissabilité, et d’éloignement de l’odeur qui la rend tellement provocante. Par conséquent, tout ce qui parvient à ressusciter, dans l’esprit, l’odeur de l’aimé, en fournira la représentation la plus vive. Ainsi, si l’aimé n’est point présent, il laisse cependant quelque chose que l’on peut fréquenter, sans aucun embarras et sans craindre ni la curiosité du voisinage ni le muhtasîb [6].

Hâfez sera à jamais remarqué pour sa vie en « cellule ». Cet étudiant toujours en quête, cet amateur des solitudes nocturnes, des dénouements, des rêves bleus, des lectures, de l’insomnie, celui qui débute par l’école et par le khânqâh, qui arrive à la Taverne, qui en part pour la plaine telle une gazelle sauvage, sans trouver nulle solution, garde l’empreinte de cette période-là.

De fait, s’il existe un sorcier capable de rassembler les horizons lointains, les gens, les tumultes et les déserts où furent perdues les armées de Selm et de Tur [7] dans la salle d’une école, c’est sûrement Hâfez. Dans cette retraite où il n’existe pas même un trait de lumière, les magistrales roseraies fleuries [8] se rapprochent de lui, alors qu’envoûté [9], il entend en son for intérieur le tumulte de mille voix. [10]Ce sont les mystères qu’il connaît qui font naître ces envoûtements, ces mystères qu’il ne peut révéler. [11] Hâfez est assis à l’ombre d’un arbre intitulé « Croyance », mais dont les fruits sont ceux de l’incroyance. [12] En conséquence, son destin est d’être éternellement indécis entre le sacré et le profane, entre l’être et le néant, entre le céleste et le terrestre, et surtout entre les désirs du corps et les ambitions spirituelles. Comme celui qu’on persécuterait pour qu’il avoue. ةtonnamment, cet état de persécution n’est pas dépourvu de contraste : on y voit et la souffrance et la jouissance.

Chez Hâfez, se pose une question dialectiquecar il ignore sous quelle cendre cacher son désir brûlant et éclatant telle une braise dans l’obscurité. En même temps, elle est considérée comme l’un de ses arts, car il cache tout de cette passion aux yeux étrangers ; comme quand on cache une main souillée par le péché sous sa chemise ; poser la main sur le cœur n’est pas un signe de respect, on a quelque chose à cacher.

Dans ce discours qui aborde l’odeur chez Hâfez, nous rencontrerons un Hâfez terrestre. Alors même qu’ici encore, il mêle, comme toujours, l’abstrait et le concret et prend l’odeur comme moyen pour atteindre les univers intelligibles. Cependant, sur ce sujet, nous nous garderons de nous engager dans des exégèses et des interprétations spirituelles.

L’odeur, comme on le sait, est l’un des sens humains les plus animaux. Selon les anthropologues, quand l’être humain descendit de l’arbre et se tint debout, son odorat s’affaiblit progressivement ; en revanche, sa vue se renforça, car dans la nouvelle situation, il avait plus besoin d’yeux perçants que d’un odorat subtil. Aujourd’hui, l’odorat rapproche l’homme de l’animal, bien que l’odorat de l’homme soit moins développé que celui de nombreux animaux [13].

Photos : illustrations du Divân de Hâfez

Ceci dit, l’homme peut même dominer les animaux à l’odorat fin grâce à son aptitude à reconnaître différentes odeurs. L’odeur peut instruire l’homme, réveiller sa mémoire, percer son imagination, travailler sa pensée.

Pour Hâfez, la plus haute valeur de l’odeur est de créer un lien entre lui et l’être aimé [14], entre lui et le bien-aimé lointain, inconnu, présent aussi bien qu’absent. Le monde de l’odeur chez Hâfez est comme l’univers du rêve : ambigu, imprécis et intouchable ; il s’agit aussi d’un arc-en-ciel royal, d’une cruche dont, dans le rêve, vous buvez l’eau, sans que la soif ne s’apaise ; ce monde est comme celui que vous poursuivez dans le rêve sans l’attraper : vous courez, mais, vous n’avancez pas. Pourtant cette alternance et ce désir, cette intouchabilité sont, eux-mêmes, à la fois provocants et émouvants.

Polysémie de l’« odeur »

Le mot « odeur » est polysémique. Deux de ses significations, « aromate » et « espoir » ont été très exploitées dans la poésie persane. Hâfez reprend cette polysémie et l’enrichit davantage. L’odeur est une âme-sœur pour l’espoir, aussi liée à la vie que lointaine et inaccessible. Hâfez a envie de pleurer : « Aussi lointaine que Toi, Ton odeur fait revivre l’espoir, et m’accompagnant toujours, elle m’embrase. » Par la suite, l’affinité entre l’odeur et l’espoir justifie l’effet similaire qu’ils exercent tous deux sur Hâfez. Tous deux sont toujours présents : l’espoir condense l’espace rationnel du cerveau, et l’odeur agit de même sur l’air extérieur. L’air que respire Hâfez n’est jamais pur, il semble être mêlé aux senteurs et aux exhalaisons hardies, comme l’air des temples et des tavernes.

Ainsi, l’odeur de la chevelure, celle du corps de l’aimé, celle de son être, celle du zéphyr et du côté de chez lui, et même l’odeur de l’arrivée de l’heureux présage rejoignent l’essence du zèle ; l’espoir et l’odeur coexistent partout. (Vers 1-13)

Autre sens de l’odeur

Une autre ambiguïté de l’odeur apparaît dans les sens de signe et de trace. Il s’agit aussi d’un état éloigné, éliminé, raffiné, mystérieux et intangible, convenant à la relation de l’amant et de l’aimé qui, séparés, ne passent pas leur existence en s’entrelaçant, mais éloignés et se souvenant l’un de l’autre. Effectivement, tous les propos de Hâfez, quand il avoue ressentir l’odeur de l’aimé, rêver de le sentir, ou s’être brûlé durant toute la vie sans ressentir aucun parfum de Lui, et désirer apercevoir un effluve d’amabilité de sa part (distiques 13-17), évoquent l’état spirituel d’un amant dont l’amour est exalté non pas par la liaison corporelle, mais par des souvenirs et des signes.

C’est cette ambiguïté qui permet à Hâfez de créer, avec l’odeur, de nombreuses métaphores délicates ; ainsi, parfum de Dieu, exhalaison de l’âme, odeur de l’affection, bonne senteur de l’union, émanation de l’amélioration, odeur de la fidélité, effluve de l’amitié, arôme de la vitalité, souffle de la bonté, et bouffée d’hypocrisie (vers 18-37) ; évidemment, il faut un odorat très fin afin de pouvoir sentir une odeur à travers l’imagination. Dans ce cas aussi, l’odeur signifie signe ; un signe aperçu non pas par la vision ou le sens tactile, ni par la conscience, mais par l’odorat ; un signe fiable mais si lointain que seule une odeur le distingue ; un signe ambigu comme son odeur [15]. Comme nous le savons, l’association du sensible et du conscient (supra sensible) caractérise entre autres le style de Hâfez. Comme la perception par les sens est plus directe et plus animale, qu’elle ne demande aucune justification et qu’elle porte son discours en elle-même, afin d’exposer les concepts les plus vifs, il exploite aussi les sens ; d’où la présence des expressions comme : « épris de parfum [16], effluve de la raison et exhalaison des vœux. »

L’odeur, plus que tout autre signe, rassure l’esprit et le comble avec la présence du bien-aimé. Quand Hâfez dit : « Un salut comme un doux parfum de familiarité », il tient à exposer un salut élevé dans le souffle de familiarité ; et si un parfum accompagne cette intimité, c’est afin de ne pas omettre son aspect corporel et animal. D’ailleurs, n’est-il pas vrai que l’amour n’appartient qu’à l’être humain ? N’est-il pas un dépôt qui lui est confié, qui fait prévaloir l’homme sur l’ange [17], le dépôt qui lui coûta l’exil du paradis ? Néanmoins, l’homme est composé d’un esprit et d’un corps : aux yeux de Hâfez, la fertilité de l’amour ne se réalise pas seulement spirituellement, mais c’est une pousse qui ne survivra pas sans le soleil d’embrassement, (…), ni le zéphyr de la chevelure.

L’odeur de la chevelure

L’odeur de la chevelure est l’odeur la plus perçante que Hâfez mentionne – elle est mentionnée via les termes d’épi, de frisottis, de boudin (vers 38-46).

Les cheveux embaument plus que toute autre partie du corps. D’une manière mystérieuse et indécise, des milliers de fils se sont tissés, comme s’ils se réunissaient afin de jouer un tour ; le seul signe de vie qu’ils détiennent vient de leur fluidité et de leur parfum. Tels un serpent léthargique, ils se réveillent soudainement ; tandis que cette distance entre la vitalité et la léthargie, entre la résignation et l’insurrection n’étant que d’un cheveu, accroît ce mystère.

En fait, les odeurs captives parmi ces fils ressemblent à des groupes de fées qui, une fois libérées de leurs chaînes, se mettent à danser. ہ partir de la chevelure, la caravane de l’odeur se traîne sans cesse chez Hâfez, une caravane ininterrompue qui, avec ses cloches et ses tumultes silencieux, avance pas à pas dans une longue nuit obscure et chaude. Chez Hâfez, l’odeur se perçoit souvent à l’horizon ; elle est amenée par le zéphyr (zéphyr, Eurus [18], Borée [19], vent) (vers 47-57, 58-68). [20]

Aux yeux d’un matinal, le vent auroral paraît être celui qui pourrait le mieux rapporter l’odeur du bien-aimé ; c’est parce que l’aube bénéficie d’un air éthéré ; la ville n’étant pas encore réveillée, la pure odeur de la chevelure s’insinue généreusement dans cet espace tranquille et serein.

Averti de sa mission, le vent est pour l’amant un compagnon, un confident et un témoin ; celui qui emporte un dépôt précieux, qui le transmet prudemment tel un objet sacré. Pourtant, il vaut mieux ne pas toujours s’y fier, car il arrive qu’il devienne lui-même un compétiteur pour l’amant, puisque que le vent, lui aussi, ne sait pas parer le charme de l’odeur de la chevelure et du corps de l’être aimé.

L’odeur de la chevelure n’est pas le seul élément apporté par ce vent : y sont aussi comprises l’odeur du corps, du visage, de l’haleine, de l’habit (calotte), de l’écriture, ainsi que l’odeur du côté de chez l’aimé ; d’où son surnom de « zéphyr embaumant » [21] (distiques 69-90). La présence du vent en tant que nœud entre l’amant et l’aimée crée dans la poésie hafézienne une sorte de mobilité et de frisson. La fluidité et l’écoulement de la chevelure se font pressentir dans la poésie. Les verbes ouvrir, fermer, venir, emmener, amener, passer, transférer, tomber, se tenir debout, répandre, ainsi que des expressions comme de moment en moment et d’instant en instant [22]évoquent l’image que nous venons d’évoquer.

De même que l’odeur, le vent est lui-même dissimulé et inaccessible. On ne le sent que sur sa peau. Par conséquent, l’odeur est perçue par deux sens : l’odorat et le toucher, que leur sensibilité corporelle, vive, fait considérer comme des sens inférieurs. Le zéphyr, comme une main caressante, effleure le corps, c’est le moment où il répand son odeur. Le zéphyr obtient donc dimension et densité grâce à l’odeur. Lui, qui est d’habitude raréfié, acquiert un état physique raffiné et fleurit en une nouvelle personnalité. Le zéphyr reflète la douceur de la température ; il n’y a ni pesanteur ni chaleur ni âpreté de la froideur ; en sa préséance, tout est allègre et pacifique. [23]

Pour Hâfez, l’odeur est provocante, ainsi que pour Baudelaire. L’amant connaît l’odeur de l’Aimé, ou pour mieux dire, il croit que tout parfum lui apporte un signe de celui-ci. Il se souviendra donc de lui à chaque fois qu’il apercevra le signe. L’odeur du jasmin lui évoque le corps de l’Ami, celle de la jacinthe et de la violette, sa mèche et le parfum de la fleur lui rappelle sa figure (distiques 104-108). Le printemps, saison de la verdure, du délice et de la volupté, ainsi que de toute bonne odeur, renferme en soi l’odeur du compagnon. Et ce parfum se pressent non seulement par l’odorat, mais aussi par la vue. Quand l’amant aperçoit un paysage, un endroit ou un objet lui rappelant l’aimé, une odeur s’en dégage dans sa mémoire.

Tout effluve odoriférant renferme un signe de l’être aimé, sinon il ne serait pas aussi parfumé. En conséquence, si l’arôme de la fleur n’est pas naturel, c’est parce qu’elle ressuscite le souvenir du corps de l’Aimé. Aussi dans ces vers, « Si le ghâliyé est parfumé, c’est qu’il tourna dans Sa chevelure, … » ou « …le vent est broyeur de ghâliyé, la terre a senteur d’ambre » car c’est l’Aimé qui s’est peigné les cheveux, il ne s’agit guère d’une exagération poétique, mais d’une pure sensation hâfezienne. ةvidemment, ces odeurs ne sont pas méritées, sauf à l’occasion d’une union avec l’Aimé, dans la mémoire de Hâfez. [24]

En fait, la délicatesse du zéphyr rappelle les moments heureux du passé, ou bien elle suscite l’espérance d’être avec l’aimé et de se réjouir de cette bouffée d’air frais. En outre, qui sait si ce zéphyr n’a pas traversé le quartier de l’Aimé ? Qui sait s’il n’emporte pas la poussière sur laquelle il a mis le pied ? Son amabilité vient donc de la trace qu’il garde de l’aimé. Cette caractéristique s’inscrit parfaitement dans la vision du monde de Hâfez, autant que dans le caractère de l’amour oriental. C’est notamment à partir de l’invasion moghole que l’amour rimant avec solitude et séparation devient un thème important dans la poésie iranienne. L’amour s’épanouit donc, grâce à l’espérance et la passion, et refuse désormais de cohabiter avec la foucade. Le poète doit choisir entre l’amour et le caprice. Ainsi, s’il y a union, celle-ci est restreinte à de brefs moments dont le souvenir grandit et chamarre le jardin du fantasme. L’union ne dure que quelques heures ou quelques nuits. Tout le reste n’est qu’un regard dérobé, une odeur ou un message ; il faut passer sa vie à se remémorer ces quelques nuits.

Aussi, la conjointe ou la servante, toujours disponible et à jamais possédée, n’est pas présente dans la poésie d’amour. L’étrangeté et l’inaccessibilité de l’amant l’élève au niveau d’une idole. Les interactions sociales, ainsi que les propriétés rituelles et morales iraniennes mènent à parfaire cette situation. […]

Chez Hâfez, toute odeur se dégage du lointain, la présence de la personne réelle de l’être aimé n’est guère ressentie ; d’où la présence permanente du zéphyr. C’est aussi de cette manière que l’ambiguïté de l’odeur, au sens d’espoir, de signe et de trace, évoque cette absence. L’odorat du cœur s’aiguise plus que celui des sens ; et l’odeur est plutôt une confidente de l’âme qu’un élément sensible. [25]

[…] Comme Baudelaire, Hâfez trouve, dans cette chevelure, la perspective des pays inconnus, des mers, des déserts et des montagnes de Chine [26] ; elle lui apparaît comme l’univers des légendes, remplie d’admirables paysages, dans les jardins fleuris desquels il peut vaguer et se mirer sans se donner la peine de naviguer. L’odeur de la chevelure est celle d’un monde auquel Hâfez rêve de se joindre ; un monde distant et édénique que Baudelaire appelle le vrai pays de « Cocagne ». [27]

Hâfez et Baudelaire [28]

Comme nous l’avons déjà mentionné, Baudelaire épuise volontairement le parfum afin de susciter les souvenirs. Et l’odeur, grâce à sa puissance mystérieuse et insistante, parvient parfaitement à chasser les souvenirs perdus dans les grottes de l’esprit. Baudelaire, aussi, s’appuie surtout sur l’odeur de la chevelure. « L’hémisphère de la chevelure » lui apparaît comme un hémisphère des souvenirs, aussi lourd, noir et compliqué, etdont la senteur lui rappelle les pays lointains où il a autrefois voyagé [29]. Ces pays représentent « le paradis perdu » et la contrée chimérique du bonheur auxquels, comme Hâfez, il songe toujours.

Si Baudelaire plonge tout son visage dans les cheveux de l’aimée, c’est parce qu’il désire un havre où reposer sa tête. Cette chevelure lui est donc un ciel immense « où se prélasse l’éternelle chaleur », une « mer d’ébène », un « ardent foyer », une « forêt aromatique », des « tresses lourdes » qu’il souhaite agiter avec sa main comme un mouchoir odorant, « pour secouer des souvenirs dans l’air », les « mordiller », si bien qu’il lui semble « manger des souvenirs ». Il espère aussi plonger sa tête dans ce noir océan et laisser son esprit nager sur le parfum de la chevelure tel un navire.

Contrairement à Baudelaire, Hâfez, ressent le parfum de loin et pas de près. a vrai dire, ce n’est pas la question de la distance entre la senteur et le sentant ; ces poètes, tous les deux, se délectent autant de cet effluve. Et l’odeur pétrie d’espoirs et de souvenirs s’exhale toujours de l’être aimé.

Par conséquent, on constate chez Hâfez, comme chez Baudelaire, la même ardeur quand il déclare : « Qui donc humera Sa chevelure pareille à l’ambre natif ? Hélas… ». L’odeur est donc affligeante(7), engouffrante (9), fourvoyante (46), infléchissante (49), ainsi qu’illuminative des yeux (43), confidente de l’âme (51), vivifiante pour l’esprit (56), embaumante de l’assemblée des spirituels ; elle est aussi parfois poignante (100,103). […]

Les vers ci-dessous marqués dans l’article par leur numéro, ont été exploités dans la rédaction de cet article.

L’odeur & le souhait  [30]

1. Dans l’espoir de humer le parfum de la poche du musc qu’à la fin le zéphyr ouvrirait de cette mèche bouclée, parmi les torsades de Sa sombre tresse, que de sang a coulé dans les cœurs. (1,2)

2. Pour que tout homme voue son âme au parfum d’un souffle de brise,

Elles ont ouvert une poche de musc et fermé la porte de l’espoir. (30,2)

3. Une vie a passé depuis que de Ta chevelure j’ai humé un parfum.

De cet effluve reste encore le parfum en l’odorat de mon cœur. (59,7)

4. Mon cœur plaisantait sur l’esseulement, il a maintenant beaucoup à faire

Avec le parfum de Ta chevelure en compagnie du vent de l’aube. (119,7)

5. Au point du jour le zéphyr apportait un parfum des cheveux du Compagnon.

Il remettait à l’œuvre notre cœur fou ! (146,1)

6. Dans l’espoir de le voir, le cœur des amants, malade comme le zéphyr,

Se livre totalement à la joue de la jonquille, à l’œil du narcisse. (167,3)

7. Le cœur se dit : « Je descendrai à la ville dans l’espoirde le voir. »

Le malheureux ignorait que son compagnon était en voyage. (216,2)

8. De Sa rue un souffle passa sur ma tête et comme un bouton de rose,

Sentant son parfum, je déchirais le voile de mon cœur en sang. (322,8)

9. J’espérais atteindre Ta rive, je me suis noyé, mais j’espère

Que la vague de mes larmes me poussera contre Toi. (325,2)

10. Puisque tout ce qui existe vit d’espérance en Toi,

A Soleil, n’ôte pas Ton ombre de nous aussi ! (363,8)

11. Espérant l’annonce de mon union à Toi, la nuit dernière jusqu’à l’aube,

J’ai posé sur la route du vent la lampe lumineuse de mon œil. (339,6)

12. Que vienne du sang de mon cœur un parfum de passion,

Ne t’étonne pas : j’ai la douleur de la poche de musc du Khotan. (242,5)

L’odeur : le signe & la trace

13. Avec la brise de l’aube, envoie un bouquet de fleurs cueillies à Ton visage,

Je pourrais percevoir quelques effluves de la terre de ton jardin.

14. Hâfez s’est consumé sans avoir perçu de parfum à [Sa] chevelure,

ہ moins que le zéphyr ne lui amène cette bonne fortune.

15. Cette mèche dont chaque boucle a cent poches de musc de Chine,

Il eût été bien qu’elle ait un parfum de bon caractère !

16. Zéphyr, tu possèdes l’effluve de Ces cheveux musqués,

Tu demeures sa mémoire vivante en gardant son parfum !

17. La lèvre émaillée de cent mille rires, la fleur s’introduit dans le jardin ;

Comme si, d’un côté, elle sentait l’odeur d’un noble esprit.

(Et deux autres vers)

18. Jusqu’à l’éternité le parfum de l’amour ne parviendra à l’odorat

De qui n’aura balayé de ses joues la poussière à la porte de ta Taverne.

19. ہ voir comment est le monde, je sens l’amélioration :

La rose apporta la joie et le souffle du zéphyr s’est fait joyeux.

20. Si le cœur me tire vers le vin musqué, c’est normal,

Car l’odeur du bien ne vient pas de l’ascèse hypocrite.

21. Je réjouis l’odorat de mon âme à l’odeur du vin musqué :

Elle avait senti l’hypocrisie de l’homme vêtu de bure au couvent.

22. Qu’importe si j’ai été privé d’aller au bout de Sa rue.

Qui a perçu de la roseraie du Temps le parfum de la Fidélité ?

23. Nul parfum de sincérité ne vient de ce tableau !

Lève-toi, lave au vin pur la bure souillée en soufi !

24. Tu as dit qu’un parfum d’hypocrisie vient de notre Hâfez.

Loué soit ton souffle, tu as bien transporté l’odeur ! »

25. Hâfez, la nuit de la Séparation est finie, le parfum d’union est là !

Bénie soit ta joie, ô toi, fol amant !

26. Je perçois le parfum d’âme à la lèvre riante de la Coupe.

Sens, ô maître, au cas où tu aurais du nez !

27. Brise de l’aube, apporte de la rue du Compagnon une poussière,

Car de Cette terre, j’ai perçu l’odeur de sang d’un cœur blessé !

28. Que vienne du sang de mon cœur un parfum de passion,

Ne t’étonne pas : j’ai la douleur de la poche de musc du Khotan.

(Et un autre vers)

Ainsi que d’autres allusions allant dans le même sens :

29. Par Toi, la roseraie de mes fantasmes est pleine de dessins et de figures,

Et par Tes cheveux sentant le jasmin, mon cœur a le flair suave.

30. Rien d’étonnant, alors, si sous le souffle de ton heureux caractère

Croît de la plaine d’Izadj la poche de musc du Khotan.

31. ہ l’assemblée qui fête la belle vie manque le parfum de l’objet désiré.

Souffle d’aube au doux respire, où est le musc des cheveux de l’Aimé ?

32. Ouvre l’oreille, voici que le rossignol dit en gémissant :

« Maître, ne manque pas de humer la fleur de ton succès !

33. Un salut comme un doux parfum de familiarité

ہ cette pupille de l’œil de la lumière !

34. Vient et par l’odeur agréable de cet espoir parfumé,

Embaume à jamais l’odorat de mon âme.

(Livre de l’Echanson) [31]

35. N’étale pas ton parfum de raison devant le beau noir de Nos cheveux,

Car là-bas on a mille poches de musc pour un demi-grain d’orge !

36. En la manche de ton désir cent poches de musc sont enroulées,

Et tu n’en fais pas libation aux boucles d’un compagnon.

37. Je deviens rien, pour que ta noble mémoire amoureuse de parfum se souvienne de moi,

Toi, dont la poussière de seuil m’est la couronne, tu as tant d’amabilité !

(Et deux autres vers)

L’odeur de la chevelure

38. Si le ghâliyé est parfumé, c’est qu’il tourna dans Sa chevelure,

Si la feuille d’indigo s’est faite archer, c’est qu’elle s’enroula à Ses sourcils.

39. En notre assemblée ne répandez pas de parfum, car, pour nous,

C’est par Ta chevelure qu’à tout moment l’odorat est embaumé !

40. La brise courbe les boucles de la jacinthe sur la rose,

Quand de l’allée monte le parfum de Ces boucles [de l’Aimé].

41. Qui donc humera Sa chevelure pareille à l’ambre natif ?

Hélas, mon cœur au désir fruste, oublie ces paroles !

42. Par Toi, la roseraie de mes fantasmes est pleine de dessins et de figures,

Et par Tes cheveux sentant le jasmin, mon cœur a le flair suave.

43. La brise des cheveux des belles créatures allume la lampe de nos yeux.

Seigneur, que cette réunion n’ait à subir le vent de la dispersion !

44. ہ qui désire sentir l’ambre de Ta chevelure,

Dis-lui de brûler et de s’accoutumer au feu brûlant,

Comme l’aloès.

45. De la chevelure des idoles je veux ouvrir la poche de musc.

Longue est cette pensée, on dirait que je vois la Chine !

46. Je sais que l’étranger ne parvient nulle part, pourtant

Je partirai attiré par l’odeur de Ces cheveux en désordre.

Le zéphyr & la chevelure

47. Sur tout chemin l’image de Ta face nous accompagne.

L’effluve de Ta chevelure est l’attache de notre âme consciente.

48. C’est Toi sans doute qui a peigné Ta chevelure aux effluves d’ambre,

Car le vent est broyeur de ghâliyé, la terre a senteur d’ambre.

49. Mon cœur plaisantait sur l’esseulement, il a maintenant beaucoup à faire

Avec le parfum de Ta chevelure en compagnie du vent de l’aube.

50. Quand il secoue du piège de Ses boucles la poussière du cœur des amants,

Qu’il dise au zéphyr le délateur de tenir caché notre secret !

51. Demande au zéphyr si, pour nous, toute la nuit jusqu’à l’aube,

Le parfum de Ta chevelure est ce familier d’âme qui déjà l’était.

52. Comme le zéphyr, ne m’épargne pas ton odeur !

Car je trépasse, sans ta chevelure [ambrée].

53. Hâfez, puisqu’en ta main est la poche de musc à Ses cheveux,

Retiens ton souffle, sinon le vent du zéphyr va le faire savoir !

54. Si la brise au parfum d’union à Toi passe par la tombe de Hâfez,

Cent mille tulipes lèveront de la poussière de son corps.

55. Dénoue avec tact la poche de musc de cette noire chevelure :

Elle est le lieu des cœurs de prix, ne la bouleverse pas !

56. Quand le zéphyr quitta Sa chevelure aux effluves d’ambre,

Tout homme brisé qu’il rejoignit eut l’âme renouvelée.

57. Quand la jacinthe en cheveux donnera son parfum sous le vent,

Du fil de tes cheveux ambrés fais chuter son prix !

(Et un autre vers)

Le zéphyr embaumant

58. Etait passé par la poussière du bout de Ta rue

Tout le musc dont s’empara la brise de l’aube.

59. Le souffle du zéphyr va répandre le parfum de musc,

ہ nouveau le vieux monde va rajeunir.

60. Brise de l’aube, apporte de la rue du Compagnon une poussière,

Car de cette terre, j’ai perçu l’odeur de sang d’un cœur blessé !

61. Je dis : « Heureux l’air qui monte du jardin de Beauté ! »

Il dit : « Heureuse la brise venue de la rue du Bien-Aimé ! »

62. A qui demanderais-je en vérité un signe du Compagnon parti en voyage ?

Car tout ce que dit le zéphyr messager, il le dit en propos échevelés.

63. Brise de bonheur matinale ! Avec ce signe que tu connais bien,

Passe par la rue d’Untel au temps que tu connais bien !

64. Ah Seigneur, quand soufflera ce zéphyr dont l’effluve

M’apportera Sa générosité comme un bouquet de parfum ?

65. Heureuse la brise à senteur d’ambre si désirée,

Qui se leva de grand matin dans l’air où Tu es !

66. Le zéphyr s’est mis à répandre le subtil parfum : échanson, lève-toi

Et apporte le soleil de la vigne parfumé et limpide !

67. Mon cœur se mit en sang au souvenir de Toi, chaque fois qu’un parterre

Le vent dégrafait le manteau du bouton de rose.

68. Pour le vin pourpre, dans la coupe nous verserons l’eau de rose.

Pour l’effluve embaumant, nous jetterons le sucre dans la cassolette.

L’odeur de l’individu

69. Si le vent emporte Ton parfum à la promenade des esprits,

Raison et آme répondront sur son passage le joyau de leur existence.

70. Qui a perçu au souffle du zéphyr Ton agréable parfum,

A perçu de son Compagnon intime le souffle familier.

71. D’instant en instant si je ne perçois dans le vent Ton parfum,

De moment en moment, comme la rose, de chagrin je déchire mon col.

72. Passe la porte et illumine notre abri nocturne !

Embaume l’air à l’assemblée des spirituels !

73. Ton odeur caressant mon odorat, et le souvenir de ta beauté m’enivrant,

Je reçus quelques Coupes des ةchansons de la jouissance.

L’odeur du souffle

74. ہ chaque instant, le zéphyr flatte l’odorat de notre âme.

Oui, oui, le doux parfum des soupirs des êtres passionnés est bon !

75. Pour parfumer mon odorat à la délicatesse de ta brise,

Des souffles de la respiration du Compagnon apporte quelque senteur !

(Et un autre vers)

L’odeur de l’écriture [32]

76. Ce fameux messager du pays de l’Ami,

Apportant l’amulette salvatrice, lignes odorantes tracées par l’Ami,

77. La brise de ton écriture, ةtait-elle qui traversant la julienne à l’aube,

Amena la fleur à déchirer sa robe à la façon de l’aurore ?

78. Pour que mon cœur pris de passion ait la formule des parfums,

Nous en demanderons copie au duvet odorant de Tes joues.

79. Si cet être au duvet parfumé nous avait écrit une lettre,

Le ciel n’aurait pas tourné la page de notre existence !

L’odeur du visage

80. Ils vont et viennent, attirés par ta chevelure et ton visage,

Le zéphyr en broyant du parfum, la rose en paradant ! [33]

L’odeur de la lèvre

81. Mon cœur ne s’ouvrira pas plus qu’un bouton de rose si

La Coupe semblable à la tulipe ne livre son parfum. [34]

L’Odeur Du Grain De Beauté

82. Le souvenir de ton grain de beauté, je l’emmènerai à la tombe,

Souhaitant que grâce à lui ma tombe soit ambrée.

L’odeur de la calotte [35]

83. Le feu ardent de l’éloignement m’a submergé de sueur.

Comme la rose.

O vent de l’aube, apporte un effluve de Qui épongera ma sueur !

L’odeur du côté de la compagne et celle de la poussière

84. Je veux comme le vent partir au bout de la rue du Compagnon.

Je veux à Son parfum imprégner de musc mon souffle.

La poussière au chemin de la Quête est la pierre philosophale du bonheur.

De la fortune de cette Poussière au parfum d’ambre je suis l’esclave.

85. Je dis : « Heureux l’air qui monte du jardin de Beauté ! »

Il dit : « Heureuse la brise venue de la rue du Bien-Aimé ! »

86. Etait passé par la poussière du bout de Ta rue

Tout le musc dont s’empara la brise de l’aube.

87. Zéphyr, de la rue de Quelqu’un apporte-moi un parfum !

Je suis piteux, malade de chagrin : apporte-moi un repos d’âme.

88. Zéphyr, du chemin du Compagnon apporte un parfum de poussière !

Emporte la peine du cœur, apporte la nouvelle de Qui tient mon cœur !

89. Malgré l’ourlet au pan de Ta robe, l’étonnement me vient du zéphyr,

Car sur Ton passage, il ne change pas la terre en musc de Khotan.

L’odeur du vin

90. Au cœur qui était mort une vie est venue à l’âme,

Dès qu’une senteur de parfum du Vin lui traversa les sens.

91. Je suis las de l’ascèse sèche : apporte le vin pur !

Car le parfum du vin tient ma cervelle constamment humide !

92. Du souffle du matin la tulipe perçut l’effluve de vin suave

Brûlée au cœur, elle revint espérant le remède.

93. O vent, apporte-moi un effluve de Ce vin,

Car Ce parfum me guérit de la douleur d’ivresse.

94. Sur les êtres de terre et d’amour verse une gorgée de sa lèvre !

Que la terre prenne couleur de rubis, sente le musc aussi !

95. Echanson, verse vin et musc en ma coupe, comme l’est en la tulipe

Car le dessin du grain de ma Belle figure ne quitte pas mon cœur.

96. Apporte une coupe de ce Vin couleur de rose, parfumé de musc,

Jette une étincelle de jalousie et d’envie au cœur de l’eau de rose !

L’odeur : donatrice de la vie :

97. Assieds-toi au bord de ma tombe, apportant vin et ménestrel,

Pour qu’à Ton parfum je me lève du tombeau en dansant !

98. Quand le zéphyr quitta Sa chevelure aux effluves d’ambre,

Tout homme brisé qu’il rejoignit eut l’âme renouvelée.

L’odeur ; évanescente & « désordonnante »

99. Hâfez, ton état désordonné est mauvais, pourtant

Au parfum de la chevelure de l’Ami le désordre est bon pour toi.

100. Au point du jour le zéphyr apportait un parfum des cheveux du Compagnon.

Il remettait à l’œuvre notre cœur fou !

101. De Sa rue un souffle passa sur ma tête et comme un bouton de rose,

Sentant son parfum, je déchirais le voile de mon cœur en sang.

102. J’espérais atteindre Ta rive, je me suis noyé, mais j’espère

Que la vague de mes larmes me poussera contre Toi.

Les fleurs odorantes

103. Le jasmin :

Quand s’assoient ceux qui fleurent le jasmin, ils font tomber la poussière du chagrin.

Quand s’emportent ceux qui ont visage de péri, ils ôtent la paix du cœur.

104. La jacinthe (chevelure) :

La brise courbe les boucles de la jacinthe sur la rose,

Quand de l’allée monte le parfum de Ces boucles [de l’Aimé].

105. La violette (chevelure) :

Hume le parfum de la violette et saisis les cheveux de la Beauté !

Regarde la couleur de la tulipe et dirige-toi vers la boisson !

106. La fleur (odeur du vin) :

Porte ton siège à la roseraie et du Témoin de Beauté et de l’échanson

Tu pinceras les lèvres et baisseras le visage. Tu prendras le vin et sentiras la rose !

107. La jacinthe (chevelure) :

Quand la jacinthe en cheveux donnera son parfum sous le vent,

Du fil de tes cheveux ambrés fais chuter son prix !

L’odeur & la couleur :

108. La rose aurait voulu parler de la couleur et du parfum de l’Ami.

La jalousie du zéphyr a fait que le souffle est resté en sa bouche.

109. A Toi seul convient comme un manteau l’étalage de la beauté !

Comme la rose, tu as toute norme de couleur et de parfum

110. Ce sang qui chez toi bouillonne dans le foie,

Tu ne l’emploies pas à colorier le visage d’une belle figure.

* Texte du discours présenté au congrès de « Saadi & Hâfez » (Avril 1971, Université de Shirâz). Cet article est paru pour la première fois dans la revue Neguin, Avril 1971, ainsi que dans l’ensemble des actes de ce congrès.

** Mohammad Ali Eslâmi Nodushan, Avâhâ va Imâhâ, (Sons et réticences), Téhéran. Ghatreh, 7e édi., 2018, pp. 17-47. Nous avons omis dans la traduction quelques passages de l’article original.

 [36]
 [37]

Notes

[1Jean Prévost, Baudelaire, Essai sur l’inspiration et la création poétiques, Mercure de France, Paris-1953, p.217.

[2« Le Spleen de Paris suivi d’un choix de Fleurs du Mal », Traduit en persan par Mohammad Ali Eslami Noduchan, éd. Bongâh-e tarjomeh va nashr-e ketâb, Introduction, p. 40, 41, 42.

[3Parfum composé de musc, de safran, d’eau de la rose etc. qui était brûlé lors des fêtes (Cité par la traductrice).

[4Matière odorante composée de musc, d’ambre gris, de benjoin etc. dont les femmes se servaient afin de se parfumer et se noircir les cheveux ainsi que les sourcils et qui avait aussi des usages médicaux. (Cité par la traductrice)

[5Sur 322 odes, Anvari compose 15 distiques parlant d’odeurs (éd. Bongâh-e- tarjomeh va nashr-e ketâb) ; Khâqâni en fait 53 sur 400 odes ; dans 200 odes – volume I du Grand divan (éd. Daneshgâh), Molânâ Jalâleddin Rûmi compose dix distiques à ce propos, et dans les 200 Odes Sélectionnées (éd. Safi Ali Shah), on en recense 34 distiques ; dans les 685 Ballades de Saadi (éd. Foroughi), on recense 94 distiques parlant d’odeurs ; dans le Divân de Hâfez (éd. Ghazvini), nous avons recensé 134 distiques sur 495.

[6Censeur des mœurs. (Cité par la traductrice)

[7Les fils de Fereydoun, roi mythique d’Iran, qui, jaloux de leur frère, Iraj, et afin de conquérir son territoire, l’assassinèrent (Cité par la traductrice)

[8Par Toi, la roseraie de mes fantasmes est pleine de dessins et de figures…

[9Dieu soit loué pour ces convulsions qui assaillent notre tête !

[10Au-dedans de moi, homme au cœur blessé, j’ignore Qui se trouve :
Alors que je suis silencieux, Il est, Lui, dans les cris et le vacarme.

[11Il reprit : « Ce Compagnon par qui le haut du gibet fut élevé, avait commis ce crime de révéler les mystères. »

[12Hâfez n’a pas plus de présence à l’étude et à la solitude,
Que le savant n’a de science certaine.

[13L’odorat de certains insectes leur permet de différencier leurs amis de leurs ennemis. Bien que l’effet de l’odeur sur la vie sexuelle de certains animaux soit une question essentielle, son traitement n’est pas le motif de ce discours.
Chez certains mammifères sauvages, l’olfaction joue un rôle très important dans leur attraction sexuelle. Dans L’Enquête d’Hérodote, il semble que ce qui fit hennir le cheval de Darius n’était pas la scène du rendez-vous, mais l’exhalaison de la cavale, qui demeurait toujours au même lieu que celui de la veille. En fait, bien que la progression et la force des autres sens fassent dépérir l’odorat, les expériences scientifiques prouvent la relation proche entre celui-ci et l’instinct sexuel. D’où l’exploitation du parfum qui est considéré comme un outil de séduction, l’un des plus anciens et des plus enivrants ; de même, nous pouvons faire allusion à l’acte de parfumer les lettres d’amour, les pièces d’une habitation et les Tavernes.

[14Nous avons choisi de traduire l’Aimé au masculin, partant de l’idée qu’il désigne « l’être aimé » qui est Dieu, et non une femme.

[15« Sentir une odeur », au sens de s’instruire, est une ancienne équivoque employée aussi dans l’Avesta36. Selon Ebrâhim Pourdâvoud, le mot avestique « est BEOD qui signifie en même temps apercevoir une odeur et s’instruire. » (Ebrâhim Pourdâvoud, Yasnâ37, 21/9, texte et notes.)

[16Noble mémoire (Cité par la traductrice)

[17Vent d’est dans la mythologie grecque (Cité par la traductrice)

[18Vent du nord. Dans la mythologie grecque, « Boréals », - signifiant littéralement « vent du nord » en grec ancien -, est le fils d’ةos (l’Aurore) et d’Astraéos. Il est la personnification du vent du nord, un des quatre vents directionnels. (Cité par la traductrice)

[19Le ciel ne put soulever la charge du dépôt confié.
On fit tomber le sort sur mon nom, moi le fou !

[20C’est l’histoire de Jacob et Joseph qui inspire la liaison entre le zéphyr et l’odeur, ainsi que l’effet miraculeux du parfum lointain à Hâfez et à d’autres poètes (Le Saint Coran, sourate 12, versets 93-96). ہ ce propos, citons les extraits suivants :
« Une fois sentant l’exhalaison de cette tunique-là, Jacob tressaillit et courut tel les épris. “O ! Mes enfants, disait-il, rendez-vous-y ! Car je pressens des lointains l’effluve de Joseph…“ ». Judas « appliqua la tunique de Joseph sur son père, qui recouvrit [aussitôt] la vue… » (Traduction de l’exégèse coranique par Al-Tabari, édité par Habib Yaghmaei, p. 802 et 803)
« Judas partit d’Al-Ariche, en ةgypte ; ouvrit cette tunique-là ; souffla Borée ; fit parvenir à Jacob l’odeur de cette tunique. Alors Jacob, se trouvant dans « la Maison de la douleur », tonitrua qu’il sentait l’exhalaison de Joseph. » « Arriva Judas, qui appliqua la tunique sur Jacob qui, retrouvant sa vue, observa ses enfants. » (Récits du Glorieux Coran, d’Abu Bakr Atigh Neyshâbûri, édité par Yahyâ Mahdavi, p.182).
Presque tous les poètes lyriques iraniens évoquent cette histoire :
La tunique d’où vient l’odeur de mon cher Joseph,
J’ai peur que ses frères jaloux ne la déchirent. (Hâfez)

[21Pour l’effluve embaumant, nous jetterons le sucre dans la cassolette.

[22D’instant en instant si je ne perçois dans le vent Ton parfum,
De moment en moment, comme la rose, de chagrin je déchire mon col.

[23L’odeur a besoin de températures modérées pour être pleinement ressentie. Dans la poésie hafézienne, toute odeur afflue dans un air pur et modéré.

[24D’après les psychologues, ce n’est pas la beauté d’un objet ou d’un être qui nous fait l’admirer, mais plutôt la jouissance créée par cette beauté. ہ plusieurs reprises, il arrive que les odeurs, ainsi que les paysages rappellent à Hâfez l’être aimé. Ainsi :
Mon cœur se mit en sang au souvenir de Toi, chaque fois qu’un parterre
Le vent dégrafait le manteau du bouton de rose.

[25Demande au zéphyr si, pour nous, toute la nuit jusqu’à l’aube,
Le parfum de Ta chevelure est ce familier d’âme qui déjà l’était.

[26Les montagnes du Khatâ et Khotan, aujourd’hui Hetian, situées dans la province de Xinjiang en Chine. (Cité par la traductrice)

[27Cocagne. L’invitation Au Voyage, Spleen de Paris, p.43-45, Ebooks libres et gratuits, 2003 ; L’invitation Au Voyage, Fleurs du mal, p.73-75, Librairie Générale Française, 1972. (p. 94, 232 de la traduction persane.) (Cité par la traductrice)

[28Les propositions en italique sont extraites de « L’invitation au voyage », « La chevelure » et « Parfum exotique ». Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Librairie Générale Française, 1972 et Le Spleen de Paris, Ebooks libres et gratuits, 2003. (Cité par la traductrice)

[29Parfum Exotique (p. 37) et La Chevelure (p. 184). Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Librairie Générale Française, 1972. (pp. 92, 204, 206 de la traduction persane) (Cité par la traductrice)

[30Nous avons utilisé dans ce travail la traduction du Divân de Hâfez par Charles-Henri de Fouchécour (Le Divân, Hâfez de Chiraz, Introduction, traduction du persan et commentaires par Charles-Henri de Fouchécour, éd. Verdier). Il nous a cependant semblé que Fouchécour a supprimé certains poèmes ainsi que quelques vers. Pour ces derniers, nous nous appuyons sur notre propre traduction. C’est le cas des distiques 34, 37, 52, 73,77 et 82 (cité par la traductrice.)

[31Sâghi-Nâmeh

[32Aux yeux de Hâfez, c’est l’écriture du Compagnon qui est parfumée et non sa plume ; alors que dans la traduction, on trouve le duvet. (cité par la traductrice)

[33Le Divân de Hâfez - en persan - ode 452, distique 9. (cité par la traductrice)

[34La signification correcte de ce vers est : S’il ressent une coupe de ta lèvre, mon cœur s’ouvrira comme un bouton de rose. (Le divan de Hâfez - en persan - ode 262, distique 5 ; dans la traduction française : ode 256, distique 6) (Cité par la traductrice)

[35La signification correcte de ce vers est : S’il ressent une coupe de ta lèvre, mon cœur s’ouvrira comme un bouton de rose. (Le divan de Hâfez - en persan - ode 262, distique 5 ; dans la traduction française : ode 256, distique 6) (Cité par la traductrice)

[36Livre saint des zoroastriens. Le texte en a été fixé au IVe s. apr. J.-C. (Larousse)

[37La partie la plus importante de l’Avestâ.


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