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Pour certains habitants de la ville, leur odeur est insupportable. Pour d’autres, au contraire, leur odeur suscite un sentiment de nostalgie ranimant des souvenirs d’enfance oubliés. Certains les fréquentent régulièrement et croient profondément à leurs vertus médicinales. Certains racontent des récits fabuleux autour de ces sources d’eau chaude et leur attribuent un halo de mystère et de magie. L’un de ces récits superstitieux aborde l’histoire d’une de ces sources qui s’assécha juste après l’intervention de son propriétaire qui voulait faire dévier sa sortie d’eau en vue d’agrandir son exploitation. Ce phénomène avait été en réalité causé par les secousses d’un séisme qui avait impacté, il y quelques années, le positionnement de la nappe souterraine alimentant ces sources. [1] Certains Râmsari racontent aussi des histoires imaginaires concernant la source nommée Mâdar-e Shâh signifiant « la mère du roi ». En bénéficiant de ces rumeurs, la petite piscine de cette source attire depuis longtemps les touristes curieux d’expérimenter ce lieu fréquenté autrefois par Tâj-ol-Molouk, la reine mère Pahlavi. Certains, plus réalistes, voient ces sources d’eau chaude uniquement comme un atout commercial. Ils ont dressé des étals aux alentours de ces centres touristiques, parfois même sans demander l’autorisation de la mairie. Ils y vendent des maillots de bain chinois, des serviettes avec le logo de Manchester United ou des bouteilles de Coca artisanalement rafraîchies avec des morceaux de glace. Certains vendent des produits alimentaires locaux. Pour les jeunes au chômage, les sites des sources d’eau chaude de Râmsar offrent des petits emplois saisonniers comme vendeurs de billets, gardien de parking ou responsable de l’entretien de la piscine. Quelques cafés traditionnels, joliment décorés sur le modèle architectural des maisons rustiques des provinces du Guilân et du Mâzandarân, ont été construits près de ces endroits. On peut y fumer du narguilé et goûter la cuisine locale. La source thermale de l’hôtel de Râmsar, la plus célèbre dans cette ville, est même devenue un lieu de rendez-vous des alpinistes de Râmsar, car elle côtoie une route non bitumée qui mène vers les montagnes Alborz via les sentiers d’un splendide village nommé Limakesh.
La ville de Râmsar, au nord de l’Iran, possède une dizaine de sources d’eau chaude. L’exploitation humaine de ces sources a une longue histoire. Les récits de voyage des Européens des siècles passés mentionnent déjà la réputation thérapeutique de ces sources. Le Français Jaubert, envoyé de Napoléon qui visite l’Iran sous le règne de Fath-Ali Shâh Qâdjâr, en parle dans son ouvrage daté du début du XIXe siècle. Nous trouvons aussi dans la médecine traditionnelle d’Iran des grandes figures qui évoquent les bienfaits médicaux de ces sources.
Parmi les sources d’eau chaude de Râmsar, la plus fameuse est celle de l’hôtel de Râmsar. Cette source attire en moyenne 800 touristes par jour au printemps et durant l’été. En automne et en hier, ce chiffre baisse de moitié. Pourtant, ces chiffres dépassent considérablement la capacité maximale de ses espaces bâtis il y a plus de 50 ans. Cette source est équipée de deux piscines publiques et de vingt-quatre baignoires individuelles. ہ proximité de cette source se trouve aussi une autre source nommée Zir-e Pol (au-dessous du pont), malheureusement endommagée par les inondations de 2018. La température moyenne de la source de l’hôtel de Râmsar s’élève à 42°C. [2] Cette chaleur est le premier facteur qui définit les vertus médicinales de cette eau. Cette température est recommandée pour soulager le stress et atténuer les douleurs musculaires et articulaires. ہ noter qu’à cause de l’humidité du climat de Râmsar, les habitants âgés de cette ville souffrent généralement de rhumatismes et d’arthrose. Beaucoup de touristes qui visitent cette source d’eau chaude sont plutôt attirés pour ses effets hydrothérapiques. Soulignons que cette chaleur n’est pas due aux activités volcaniques mais qu’elle est produite par le passage des eaux souterraines à travers les roches échauffées des couches très inférieures de la terre. Certaines cyanobactéries thermophiles qui vivent dans ces eaux chaudes de Râmsar contribuent aussi à la valeur médicale de ce remède naturel. Le deuxième facteur réside sans doute dans le fait que cette eau géothermique affiche une teneur très élevée en minéraux. L’odeur de la source d’eau chaude de Râmsar ressemblant à celle de la poudre noire en dit long sur le taux remarquable de soufre dans cette eau. La température élevée de cette eau augmente sa capacité de dissolution des minéraux du sol. Les gaz émis dans l’air et les résidus des bassins de ces sources indiquent aussi l’existence de ces minéraux. Les examens géochimiques concernant la composition de l’eau chaude de Ramsar montrent des quantités élevées de gaz, de minéraux et de métaux lourds. [3] Cette composition est efficace dans la guérison de certaines maladies dermatologiques. ہ Râmsar se trouvent aussi des sources d’eau minérale gazeuse qui ne sont pas chaudes. La source de Safaroud en est un exemple, qui bénéficie également d’une bonne accessibilité. Les couleurs rouge et jaune qui couvrent les pierres des environs de cette source montrent bien le dosage en minéraux de son eau. Les analyses en laboratoire ont également révélé des traces de radioactivité dans cette eau. En général, du radium est présent dans le sol et dans les eaux souterraines de la ville de Râmsar. Selon les recherches d’une experte, Ashraf Mesbâh, les gaz Radon (Rn) et Thoron (Tn) issus des éléments Radium et Thorium qui existent dans certaines sources de Râmsar offrent des potentialités thérapeutiques considérables dans les domaines de l’orthopédie et de la dermatologie. [4] Les résultats des recherches du professeur Javâd Mortazavi du Collège iranien de l’environnement et membre correspondant de l’APEN (Association des Ecologistes pour le Nucléaire) reconnaissent aussi les bienfaits des sources de Râmsar. [5]
Au cours de ces dernières années, les sources d’eau chaude de Ramsar ont recommencé à attirer l’attention des responsables du secteur touristique iranien. Ces sources ont même changé de nom et se voient désormais attribuer des titres sophistiqués comme station thermale, zone SPA, centre d’hydrothérapie, etc. Les sites Internet des agences de voyages diffusent des informations sur les sources d’eau chaude de Râmsar et font de la publicité pour des voyages touristiques à destination de ces sources. Les autorités de Ramsar redécouvrent les potentialités écotouristiques que recèlent ces sites naturels. Les sources d’eau chaude de Râmsar s’imposent désormais plus sérieusement dans les calculs de l’industrie du tourisme de cette ville très visitée du nord de l’Iran. Cependant, concernant la source de l’hôtel de Râmsar, ce processus paraît un peu plus compliqué. Le site appartient au complexe de l’Hôtel de Râmsar affilié au groupe hôtelier Parsian, un groupe étatique géré par le géant Bonyâd Mostazafân. Sa direction échappe donc à la municipalité de Ramsâr. Pourtant, les directeurs de ce site envisagent aujourd’hui la mise en place d’un projet de rénovation en vue de moderniser cette station thermale. Ils viennent de lancer un appel d’offres pour attirer des investissements du secteur privé dans ce projet.
Nous avons vu les résultats positifs de la politique de privatisation et l’injection des investissements privés dans les autres sources d’eau chaude de Râmsar. Par exemple, les sources de Sâdât Shahr et de Katalom présentent aujourd’hui des services de haute qualité suite à des projets de rénovation. Ces petites sources possèdent maintenant des restaurants, des cafés et des supermarchés récemment construits. Outre les profits financiers pour les propriétaires, chacune de ces sources a créé des emplois pour au moins une dizaine de jeunes Râmsari.
En résumé, les sources d’eau chaude de Râmsar offrent de grandes potentialités touristiques. Malheureusement, ces sites restent actuellement exploités selon les méthodes traditionnelles de l’époque Pahlavi. Certains touristes se plaignent ainsi de l’ancienneté des installations. La commercialisation de ces stations nécessite des investissements mieux orientés et un management plus professionnel en vue d’attirer les touristes étrangers. Il est actuellement très rare de voir des touristes européens dans les piscines de ces sources. Néanmoins un nombre considérable de touristes arabes, en particulier irakiens, commencent à visiter ces sites. Cela a incité les responsables de ces sources à insérer des tableaux arabophones à l’entrée de ces Hammâmât Al-Kebritiyah. Mais internationaliser vraiment ces sites écotouristiques nécessite une médiatisation plus massive en vue de mieux présenter les vertus des sources thermales de Râmsar qui sont à plusieurs égards uniques en comparaison de sites similaires dans les pays voisins.
[1] A Râmsar, dans un rayon de quelques kilomètres, se trouve une dizaine de sources d’eau chaude. Les résultats des examens géochimiques aussi attestent que les eaux de ces sources ont toute la même origine. D’après les experts géologues, ces sources se trouvent sur la faille de Râmsar.
[2] La température des autres sources de Râmsar varie entre 38 et 47 degrés en surface. https://ganj-old.irandoc.ac.ir/articles/527573
[3] Les données géochimiques de cet article viennent d’analyses réalisées récemment par le laboratoire canadien Acme Labs administré par le géant français Bureau Veritas. http://www.iaul.ac.ir/files/dr.saeb/mokhtarpour.pdf
[4] Parfaite francophone, le docteur Ashraf Mesbah est titulaire d’un doctorat en chimie (énergie et pollutions nucléaires) obtenu en 1979 en France. Elle a été professeure dans plusieurs universités iraniennes, surtout à l’Université des sciences médicales de Téhéran. http://www.irandidar.com/articles23.htm