|
Sohrâb Sepehri est né le 7 octobre 1928 à Kâshân, en Iran. Il est souvent tenu pour l’un des cinq plus grands poètes modernes iraniens avec Nimâ Youshij, Ahmad Shâmlou, Mehdi Akhavân-Sales et Forough Farrokhzâd.
Sohrâb Sepehri a dédié le poème « Les pas de l’eau » à sa ville natale, Kâshân, où il a vécu la première partie de sa vie.
Sepehri était aussi l’un des principaux peintres modernistes d’Iran. Connaisseur notamment du bouddhisme, du soufisme et des écoles mystiques d’est ou d’ouest, il a mêlé les concepts de l’Orient mystique à ceux de l’Occident mystique, créant ainsi une poésie à la saveur et à la signature toutes personnelles et inédites dans la littérature persane sous cette forme. Pour lui, les nouvelles formes étaient des moyens de découverte artistique dans l’expression de pensées et de sentiments. Sa poésie est aussi basée sur l’humanité et une profonde croyance en la valeur de l’homme. Pour finir, Sepehri était aussi un amoureux de la nature, dont la contemplation ne le fatiguait pas. La nature est omniprésente dans son œuvre autant poétique que picturale.
Les poèmes de Sohrâb ont été traduits en plusieurs langues dont l’anglais, le français, l’espagnol, l’allemand, l’italien, le suédois, l’arabe, le turc et le russe.
Sepehri est mort le 21 avril 1980 à l’hôpital Pars à Téhéran. Sa dépouille repose dans le sanctuaire de Sultan Ali à Mashhad Ardehal, dans son terroir bien-aimé.
Jouissons de la beauté dans le vignoble
Et ouvrons notre bouche quand la lune se lève
Ne disons pas que la nuit est une chose immonde
Et que le ver luisant ignore la perspicacité du jardin
Allons chercher des paniers
Et remplissons-les de tous ces rouges et verts
Mangeons le matin du pain et du petit fromage
Et plantons un arbrisseau à chaque méandre de la parole
Et semons la graine du silence entre deux syllabes
Et ne lisons point un livre que le vent n’arpente pas
Et le livre dans lequel la peau de la rosée n’est pas humide
Et le livre dans lequel les cellules sont sans dimension
Ne souhaitons pas que la mouche s’envole du bout des doigts de la nature
Ne souhaitons pas que la panthère s’en aille de la Création
Et sachons que sans le ver, il manquerait quelque chose à la vie
Et la loi de l’arbre souffrirait sans la chenille
Et nos mains chercheraient quelque chose, s’il n’y avait pas la mort
Et sachons que la logique vivante de l’envol changerait, s’il n’y avait pas de lumière
Et sachons qu’il y avait un vide dans l’esprit des mers avant le corail
Et ne demandons pas où nous sommes.
Sentons le pétunia frais de l’hôpital
Et ne demandons pas où est la Fontaine de la Fortune
Et ne demandons pas pourquoi le Cœur de la Vérité est bleu
Et ne demandons pas quelle nuit, quelle brise nos ancêtres ont vécues
Derrière nous, il n’y a pas d’espace vivant
Derrière nous, l’oiseau ne chante pas
Derrière nous, le vent ne souffle pas
Et la framboise de la jouissance dans la bouche de la copulation
La vie est une coutume agréable
La vie a des ailes, grâce à l’étendue de la mort
La vie saute aussi haut que l’amour
La vie ne peut pas disparaitre de ta mémoire, de la mienne, comme quelque chose sur l’étagère des habitudes
La vie est l’extase d’une main qui cueille,
Une première figue noire dans la bouche âcre de l’été,
La dimension d’un arbre dans les yeux d’un insecte,
L’expérience d’un papillon de nuit dans l’obscurité
La vie est ce sentiment étrange que vit un oiseau migrateur,
Le sifflet d’un train qui résonne dans le sommeil d’un pont
La vie est la vue d’un jardin à travers les fenêtres scellées d’un avion,
Les nouvelles d’une fusée lancée dans l’espace
Toucher la solitude de la lune
Une pensée pour sentir une fleur sur une autre planète
La vie est de laver une assiette
La vie est de trouver une pièce de dix-châhi dans le caniveau
La vie est le carré d’un miroir
La vie est une fleur puissance éternité,
La vie est la multiplication de la terre aux battements de notre cœur.
La vie est « une géométrie » simple et égale à soi
Où que je sois, laisse-moi l’être
Le ciel est à moi
La fenêtre, l’esprit, l’air, l’amour et la terre sont à moi