N° 18, mai 2007

Les Élamites


Mortéza Johari
Traduit par

Maryam Devolder


Un élamite

Dans l’Antiquité, l’Élam comprenait les régions du Khuzestân, du Lorestân, de Pushtekuh et des montagnes de Bakhtiâri. Le pays était bordé aux frontières par le Tigre à l’Ouest, une partie de la Perse à l’Est, la voie qui menait de Babylone à Hamadan au Nord et au Sud, par le golfe Persique jusqu’à Boushehr.

Suse était une ville importante, l’une des plus vieilles et des plus actives villes d’Élam, avec Madakturi sur les bords du Tigre et Khalidlou qui semble être la ville actuelle de Khorramabâd.

Le roi Asur Bani Pal

Les habitants d’Élam appelaient leur gouvernement Anzan Susunkan et le terme Élam semble, d’après les recherches des historiens, se rapporter à une région montagneuse. Les habitants étaient les Habasheh et il semble que la région, des côtes du golfe Persique à Makran et dans le Balouchestân, était aussi peuplée par ces groupes de population.

Après plusieurs siècles, les régions de la péninsule arabe et du golfe Persique furent peuplées par les Sumériens qui avaient conquis ces terres. D’autres tribus quant à elles sémitiques vinrent s’installer par la suite et les peuplades des régions montagneuses s’éteignirent, à part les Kissiha qui semblent avoir été un peuple difficile à contrôler et à gérer politiquement.

La langue la plus ancienne des habitants de cette région est l’anzani, qui disparut environ 3000 ans avant J.-C. pour être remplacée par le sami. 1500 ans avant J.-C., l’anzani reprit du terrain ce qui laisse à penser que cette langue avait résisté à l’oral, dans certaines couches de la population alors que les inscriptions officielles sur les bas-reliefs se faisaient en sami ou en sumérien. L’écriture de la région d’Élam était de type cunéiforme, en forme de clous tracés dans des positions diverses. Ce type d’écriture, que les gens d’Élam avaient appris des Sumériens, comportait près de trois cent signes.

Une femme élamite

Pour les Élamites, le monde est rempli d’esprits. Leur plus grand dieu était appelé Suseinak et son culte ne revenait qu’aux rois et aux prêtres. Après lui, venaient six autres dieux et une multitude d’esprits qui étaient eux-mêmes chacun le dieu d’un endroit précis. Leurs statues qui étaient également vénérées, étaient transportées d’une ville à l’autre. Les vestiges de la ville de Suse et des palais de Darius et d’Ardashir II, avec leur célèbre cour nommée Apadâna, ont permis de distinguer quatre parties dans la ville : sa partie la plus haute qui était peuplée jusqu’à l’époque d’Alexandre le Grand, les résidences des rois achéménides, le bazar et une partie sur les bords du Tigre. L’histoire d’Élam se divise en deux parties, celle de la préhistoire et de l’Antiquité dont on n’a retrouvé que quelques objets en pierre ou en terre.

L’Antiquité se divise en trois parties : une partie en relation étroite avec l’histoire des Sumériens et des Akkadiens (2225 ans avant J.-C.), une période qui remonte à l’histoire de Babylone (2226-745 avant J.-C.) et une dernière période qui concerne leurs relations avec le gouvernement d’Assyrie (745-645 avant J.-C.).

Un taureau à genoux

Dans un premier temps, les Sumériens et les Akkadiens parvinrent à vaincre les Élamites à plusieurs reprises lors de combats, mais ils ne surent asseoir leur domination étant donné que ces derniers parvenaient toujours à renverser leur gouvernement. Les Élamites étaient moins civilisés que leurs voisins de l’Ouest, les Sumériens et les Sémites. L’absence de voies de communication pour le commerce et leur pays se trouvant dans des régions montagneuses, ce peuple demeurait quelque peu coupé des régions développées et commerciales. L’organisation politique semble avoir été très faible excepté dans les moments d’agressions extérieures. En temps de paix, les diverses tribus élamites vivaient de façon indépendante, surtout celles des régions montagneuses qui réussirent toujours à préserver leur indépendance. Les Élamites se montraient très cruels quand ils arrivaient à vaincre leurs ennemis, les Sumériens et les Sémites.

La deuxième période est celle où les Hittites étaient en opposition avec les rois de Babylone. Kurigalzou de la dynastie des Kassites envahit Babylone et pilla les trésors qu’il fit transporter à Suse, pour y demeurer jusqu’à la chute de la dynastie. Shil Khakin Shushtak est l’un des rois célèbres de cette époque qui marque l’apogée littéraire et technique des Élamites. Ce roi avait l’habitude de réécrire le nom de l’architecte de chaque bâtiment qu’il faisait reconstruire et de traduire en élamite. Ceci permit de grands progrès dans les recherches archéologiques des chercheurs français notamment à Suse.

La troisième période est celle des guerres entre l’Assyrie et Élam, qui n’étaient à l’époque pas des peuples voisins mais demeuraient séparés par des peuplades résidant dans les montagnes. A l’époque de Tiglat Palsar IV, les Assyriens avaient pu conquérir les territoires frontaliers et soumettre ces populations, une autonomie relative avait cependant été laissée à certaines peuplades, faisant désormais de l’Assyrie le voisin d’Élam.

Des musiciens élamites

La première guerre d’Élam et de Babylone qui souffraient toutes deux de la domination des Assyriens aboutit à un accord de coalition contre les Assyriens. En apprenant cela, le roi assyrien Sargan attaqua Élam avant que les renforts n’arrivent. Les Assyriens réussirent à battre les Élamites grâce à leur supériorité culturelle ainsi qu’à celle de leur cavalerie et de leurs armements.

Malgré cela les Assyriens ne purent réaliser de grandes avancées et furent contraints à la retraite, lors de la défaite de Dorilou entre 722 et 705 avant J.-C.

La deuxième guerre est celle qui date de l’époque de Sargan II et du roi élamite Kaloudoush, qui fut encerclé et tué. Le roi assyrien profita de cette occasion pour envahir les régions côtières du golfe Persique jusqu’à Suse. Il détruisit trente-quatre forteresses et fit prisonnier la majorité des habitants de ces régions. Les Élamites choisirent Kudurnakhuti comme roi qui se réfugia dans les montagnes et ne fit rien pour empêcher l’assaut des Assyriens qui avancèrent jusqu’aux régions montagneuses de Madaktu. La neige et la pluie rendirent le parcours difficile et les Assyriens furent contraints de rebrousser chemin. Les Élamites arrêtèrent et tuèrent Kudurnakhuti en 692 avant J.-C. à cause de son irresponsabilité pour désigner Oum Man Minanou comme successeur. Ce roi œuvra à renforcer les Élamites de telle manière que Babylone devint la principale alliée à l’époque contre les Assyriens.

L’Assyrie devint si puissante à l’époque de Asur-Heiddin qu’aucun peuple en Asie occidentale, à l’exception des Élamites, ne pouvait s’y opposer.

Des inscriptions gravées en écriture cunéiforme.

Asur Bani Pal, roi des Élamites, n’était pas satisfait du bilan des guerres contre les Assyriens et cherchait un prétexte pour reprendre les combats. Ces derniers, qui avaient envahi Suse, s’étaient emparés du trésor royal après les dernières conquêtes. L’or et l’argent que Babylone avait offert aux Élamites en guise d’alliance, ainsi que les statues et les objets précieux des temples élamites et des habitations furent transférés à Neinava. Les Assyriens ne se contentèrent pas de piller les richesses de cette ville mais ouvrirent également les sépulcres des rois et des personnalités élamites pour en retirer les squelettes qu’ils envoyèrent aussi à Neinava. Tous les gens présents autour des tombes furent assassinés et la statue assyrienne de la ville d’Orkh, qui était restée chez les Élamites pendant 1635 ans, fut reprise et renvoyée à Neinava.

Après le pillage et le meurtre des habitants, les Assyriens firent de nombreux prisonniers qu’ils envoyèrent également à Neinava. Khum Ban Kaldash, le dernier roi d’Élam, qui s’était enfui, fut de nouveau fait prisonnier et Asur bani Pal l’attacha avec le roi précédent à son chariot pour les obliger ensuite à traîner le chariot royal jusqu’au temple des dieux assyriens.

On peut ainsi lire sur le bas relief qui raconte les victoires d’Asur bani Pal : "J’ai rattaché les terres des villes de Suse, de Madaktu et des autres villes d’Élam à l’Assyrie et j’ai parcouru toutes les terres d’Élam pendant un mois et un jour. Je les ai nettoyées de toute présence humaine, animale ou musicale et j’ai permis aux animaux sauvages, aux serpents, aux bêtes du désert et aux biches de s’y installer."

L’histoire d’Élam atteste de l’existence d’une technologie et d’une écriture mais ils n’ont jamais pu sortir d’un système politique fondé sur l’autorité tribale, surtout pour ce qui est des populations des régions montagneuses qui vivaient dans une semi-dépendance. Les Élamites ont cependant réussi à garder leur identité pendant des milliers d’années, malgré la présence de peuples puissants comme les Sumériens, les Akkadiens et de villes puissantes telles que Babylone qu’ils réussirent même parfois à vaincre.

Ils furent finalement vaincus et disparurent en 654 avant J.-C., laissant quelques vestiges permettant au chercheur et à l’historien de reconstituer en détail l’épopée de ce peuple. Dans la ville de Malmiz Bakhtiar, à 115 km à l’Ouest de Susetar, dans une région du Khuzestân s’appelant actuellement Izeh, on peut ainsi admirer les nombreux vestiges d’Eshgoft-e Salmân qui datent de l’époque élamite.

Des inscriptions gravées en écriture cunéiforme datant de cette époque ont également été découvertes et les chercheurs estiment que ces inscriptions remontent à près de douze siècles avant J.-C. Les cônes de Babylone du Ve siècle avant J.-C., des sceaux de l’époque des Ashkaniens et de nombreux autres vestiges y ont été découverts.


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