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Les chansons rurales nées en pleine rizière
Djahânguir Abbâsi Dânâ-ye Elmi
Traduit et adapté par
Comme le blé, le riz a constitué pendant des siècles une partie indissociable de la nourriture humaine. Certains botanistes regardent la Chine comme le pays d’origine du riz, rapporté en Iran par des Iraniens l’ayant découvert en Inde. Selon un document historique datant de l’époque achéménide et rédigé par un ambassadeur chinois, Chang Ki Ben, les habitants du nord de l’Iran portaient une attention particulière à la culture du riz qui s’était facilement acclimatée à la région du fait de l’humidité du climat. La dépendance de la vie quotidienne de ce peuple à ce produit agricole est à l’origine de diverses cérémonies organisées dans la région pour le tenir en grand honneur. Parmi elles, citons les fêtes Khordeh tâbi (Étincellement), Âftâb khâhi (Rêver du soleil), Toum-e Sefid (Semence blanche). Ce dernier rite permet l’expression de la joie des agriculteurs quand ils découvrent, au moment de la culture du riz, une semence blanche parmi les autres. La cérémonie de fête est codifiée : lorsque la semence particulière est découverte, l’une des paysannes se saisit du plateau que les hommes utilisent pour transporter les semences et se met à le battre comme un tambour. La musique annonce une pause dans le travail et tous les riziculteurs dansent et chantent en cœur au son de ce tambour improvisé.
Dans le passé, à la fin de la plantation du riz, le meneur des riziculteurs qui était généralement une femme, apportait la dernière poignée de semences chez le propriétaire de la rizière et faisait des vœux pour ce dernier en lui offrant ces semences : « Que tu partes en pèlerinage à La Mecque ! Que tu partes en pèlerinage au mausolée de l’Imâm Hossein à Kerbalâ ! Que tu partes en pèlerinage au mausolée de l’Imâm Rezâ à Mashhad ! Que tu célèbres bientôt le mariage de ton fils ! », etc. Après ces vœux, le propriétaire récompensait la meneuse avec des étrennes ou des pâtisseries à partager avec les autres semeurs.
"Guishâ" signifie "jeune mariée" dans la langue du nord-ouest du Mâzandârân, et la cérémonie de Guishâ Bedjâr se veut un symbole de l’aide apportée par la famille de la jeune mariée à la famille de son fiancé dans la riziculture. Accompagné de musique et de chansons, ce rite révélait les habitudes et les coutumes sociales, culturelles et économiques des habitants. Les thèmes et motifs de ces chansons sont généralement partagés dans toute la région et les différences résident dans le vocabulaire, selon les dialectes parlés dans chaque comté.
La région et la ville de Tonekâbon, où peuvent s’entendre diverses variétés de ces chansons, sont un excellent laboratoire d’études de ces chants et de la polyphonie des dialectes. Le comté de Tonekâbon tient cette particularité de sa position géographique, à cheval entre les deux provinces septentrionales du Guilân et du Mâzandarân. Tonekâbon offre une riche fusion des cultures de ces deux provinces. Étendu dans le passé sur un territoire comprenant la région de Roudsar dans le Guilân jusqu’à la ville de Nour dans le Mâzandarân, Tonekâbon a conservé les traces d’une littérature orale qui porte aussi bien sur la riziculture que sur tous les sujets de la vie quotidienne : l’amour, la haine, l’oppression politique ou sociale, etc. Cette tradition orale se traduit notamment par des chansons, parmi lesquelles les chansons satiriques ont une place de choix. Ces chansons critiques et ironiques dévoilent la finesse de l’esprit des poètes inconnus qui, souvent illettrés, connaissaient cependant très bien leur peuple, leur société et leur histoire.
Pour cultiver le riz, le riziculteur sème tout d’abord les graines dans un petit terrain nommé toum djâr ou toum bidjâr. Une fois les semences germées, le paysan les plante avec l’aide d’ouvriers dans la rizière. Cependant, il arrive parfois que le travail soit difficile à mener à cause d’une mauvaise météo : la pluie peut faire pourrir les germes du riz et causer des dégâts considérables. C’est pour cela qu’une cérémonie intitulée Khorde tâbi a vu le jour. Les officiants de ce rituel étaient des enfants. L’un d’eux prenait un balai (sâdjeh dans la langue locale) et se mettait au premier rang d’une file dont les participants tenaient à la main du métal, des boîtes, ou des casseroles en cuivre, objets avec lesquels ils faisaient du bruit. Certains participants de cette procession prenaient des épis secs de riz (kolech dans la langue locale). Et tout le monde chantait la chanson intitulée Khordeh tâbi :
Elâhi khordeh tâbey khordeh tâbey
Fardâ aftu betâbey khordeh tâbey
Toum djâreh toum bapisseh
Varay dom bapisseh koulâye som bapisseh
Mi varzâ som bapisseh ti asbe dom bapisseh
Pâ katale pâ bapisseh guil tchamouche pâ bapisseh pirzane dom bapisseh (partition I [1])
(Ô Seigneur ! C’est toi qui allumes des étincelles
Illumine demain le soleil ! C’est toi qui allumes des étincelles
Les germes du riz ont pourri dans la petite rizière
Le sabot de mon bœuf est pourri, la queue de ton cheval est pourrie
Mes sabots en bois, les chaussures du Guilânais, et la queue de la vieille femme sont pourris)
Les paysans organisaient cette cérémonie pour mettre fin à la pluie.
Les germes du riz sont plantés dans les rizières après avoir poussé dans les petits terrains appelés toum djâr. C’est le propriétaire de la rizière qui décide quand, où, et dans quelles conditions les bourgeons seront plantés. De là les noms différents donnés aux divers types de riz, comme Sâlâri, Târom Chekan, Mousâ Târom, Dom siyâh, Garm-e Târom, Sadri, Sefid-e sadri, Lazardjâni, des riz plus faibles (Tchampâ) comme Anbarbou, Ombarbou ou Âmbârbou, Morâdkhâni, Châh râzi, Mohammadi, Chastaki, Harâti, Âbkileh, Kouleh Viny, Ghachangi, Cha’ak ou Châhak, Ma’rafi ou Ma’arefi, Sefidroud, Khazar, etc. Il existe d’ailleurs des chansons portant le nom de certaines familles de riz. Récitées par des poètes inconnus et probablement riziculteurs, ces chants s’entendaient lors de la plantation, de la culture et de la récolte. La plupart d’elles sont malheureusement en voie de disparition. Nous en trouverons quelques exemples ci-dessous :
- Travail, chanson, vie
Sorkh-e gol dar bouma marz-e kenârân
Ghasam danam tere djân-e berârân
Bochu vatcha bagou biyeh zenmârân (Partition II)
Dans les rizières,
Une rose a poussé au bord des champs,
Pour l’amour de ton frère,
Dis à cet enfant de venir chez sa grand-mère
Aragh dar tchatre zinab lâleh zâre
Khodâvandâ berase tekeye abr
Mi zinab tâghate garmâ nedâre
Le printemps est arrivé ; Zeinab est dans la rizière
La sueur coule sur son front
Ô Seigneur ! Envoie un nuage
Puisque ma Zeinab ne peut résister à la chaleur
Poshte âftâb gana del bigharâre
Bechou abr bâgou bârân bebâre
Mi Lalyli tâghat-e garmâ nedâre
Le printemps est arrivé ; ma Leily est dans la rizière
Le soleil tape dans son dos, il l’irrite
Dis au nuage de faire tomber la pluie
Ma Leily ne peut résister à la chaleur
Pochtake âftou guine del bi gharârân
Bochou abre bâgou bârech bebâreh
Mi delbar tâghat-e garmâ nedâre
Le printemps est arrivé, des jeunes filles sont dans la rizière
Le soleil tape dans leur dos, les irrite
Dis au nuage de faire tomber de la pluie
Ma bien-aimée ne peut résister à la chaleur
Parfois, l’on remplace le troisième vers par Garmi bâdi bezane tagarg [2] bebâre, qui signifie "Que le vent chaud souffle et envoie de la grêle".
Mi yâri koutchike andarz naguire
Har kas mi yârak-e baghal beguire
Châm-e sar tab bokoune sehar bemire
Tu es dans la rizière, que le riziculteur ne te touche pas
Ma bien-aimée est toute petite, elle n’écoute pas les conseils
Qu’il sente une fièvre au moment du dîner et qu’il meure le lendemain à l’aube,
Celui qui embrasserait ma petite amie
Mon tâ key bomoudjom
Chekam gorosneh imân nedâre
Chemi khâneh sarou sâmân nedâre
Ma chère, je suis ton entrepôt de riz
Mais jusqu’à quand dois-je te chercher ?
Le ventre affamé n’a pas d’oreille
Votre foyer n’est guère ordonné
Il nous a semblé néanmoins que la deuxième strophe de cette chanson était incomplète. Pour les besoins de cette étude, nous avons donc demandé à plusieurs riziculteurs de le chanter. Ils l’ont tous chantée sans l’altérer ou ajouter des mots, mais le rythme de leur chant a comblé le manque que nous avions cru déceler.
Tou bâbâye guili mon echkevâri (ochkouwâri)
Torâ ki goft tou guilân bodj bekâri
Bochou pachmi biyâr moun bâfam ghâli
Ô vent ! Souffle ! Souffle de l’autre côté !
Tu es Guilânais, et moi, je suis Achkouri [3]
Qui t’a permis de cultiver du riz à Guilân ?
Va m’apporter de la laine pour que je tisse des tapis
Dans certaines chansons, on entend le nom des riz préférés des villageois, par exemple :
Berendje sâlâri bonoum ti dâni
Ti mâre zâmâ bonoum ague bedâni
Dâghe nâlânom ti dâni
Chou bi khâb bonoum ti dâni
Ti mâre zâmâ bonoum ague bedâni
Ghalandar bonoum ague bedâni
Je deviendrais le riz Sâlâri
Je deviendrais le beau-fils de ta mère, si tu le savais
Je suis éploré, tu le sais bien
Je souffre d’insomnie, tu le sais bien
Je deviendrais le beau-fils de ta mère, si tu le savais
Je deviendrais Qalandar, si tu le savais [4]
De plus, les habitants de chaque région nomment une certaine partie de la rizière dans leurs chansons régionales, comme :
Arousi bedârom
Ô riz (Mousâ de la ville de Târom [5]) ! Je te planterai dans les premiers rangs de la rizière
Espérant voir un mariage heureux
Mi berârâye vane ârousi bedârom
Mi Garme Târom tere kâr nedârom
Bâhâr [6] baba vane ârousi bedârom
Mi bodje khouche
Tere kach bazanam, choulâye gouche
Nâmzed bâzi khube choulâye gouche
Nâmzed bâzi khube choulâye gouche (Partition III)
Ô riz (Garm de la ville de Târom) ! Je te planterai au bout de la rizière,
Et te conserverai pour les noces de mon frère
Mon riz ! Je ne te toucherai pas
Jusqu’à ce qu’arrive le printemps ; afin de me servir de toi pour des noces
Mon épi de riz !
Que je te prenne à bras-le-corps sous ma robe de Choulâ [7]
La parade amoureuse est plus gaie sous un Choulâ
La parade amoureuse est plus gaie sous un Choulâ
Omid az khâneye kablâei dârom
Ague guile kidjâre guir biyârom
Gamân kânom ke mon donyâ-re dârom
Le printemps arrive et je cultive du riz Molâyi
Je place mon espérance dans la maison du Chef du village
Si je me marie avec cette fille guilânaise
J’aurai le monde tout entier
Bazam djâr tchâr-e tâye (tây)
Mi Garme Târom
Bazam zire chech tâye (tây)
Aval saat badiye
Sare hâl bekâre
Mon riz Sard de Târom !
Je te cultiverai dans un terrain de quatre djerib [8]
Mon riz Garm de Târom !
Je te cultiverai dans un terrain de six djerib
Il me faut vous cultiver à l’heure propice
Aux premiers rangs de la rizière
Aujourd’hui encore, les riziculteurs croient aux heures fastes et néfastes pour la plantation. Pour cette raison, la plantation est précédée d’une séance de conseil avec le religieux du village qui leur indique le meilleur moment pour planter.
A certains moments, le riziculteur(trice), chante des strophes où se répètent des vers connus de tous. Ainsi, tout le monde peut participer à la chanson. Il arrive ainsi que les autres accompagnent le chanteur(euse) principal(e), en répétant des strophes ou des ponctuations comme Tchereh qui signifie Pourquoi. Des vers qui se répètent dans les chansons sont :
Amere mohâl nâkâne
kidjâ por ghamzeh dâreh
(Partition IV)
Elle est toujours mon âme
Elle ne fait guère l’impossible
Cette fille a un charme fou
Âbake mâni be har koutchay ravâni (Partition V)
Toujours, elle est mon esprit
Tu es cette eau qui coule dans tout le quartier
Hame re khodâ bokocht mre dâghe lâkou (Partition V)
Que Dieu me protège contre cette feuille de salade
Bien que ce soit Dieu qui enlève la vie à tout le monde, c’est cette fille qui m’enlèvera la vie
Kidjâ ghamzeh kâneh mi dele kâr nakech (Partition V)
Que Dieu me protège contre cette feuille de menthe pouliot
Ô fille ! Toi qui me séduis, ne touche pas tant mon cœur
Voici quelques chansons de riziculteurs, chantées lors du travail dans la rizière, où se voit la reprise de refrains :
tchereh
Manou mi yârake dele baborde
tchereh
Pol sâzân biyeyn pole besâzin
tchereh
Man o mi yârake dele besâzin
tchereh (Partition VI)
Inondant, l’eau du fleuve Mazar [9] a emporté le pont
Elle a aussi fait palpiter mon cœur et celui de ma bien-aimée
Ô constructeurs ! Venez reconstruire ce pont !
Et reconstruisez aussi mon cœur et celui de ma bien-aimée
Après avoir chanté cette chanson, tout le monde reprend en refrain :
Bâz mi djâneh, bâz mi djâneh, bâz mi djâneh
Amere mohâl nâkâne
kidjâ por ghamzeh dâreh
Do tchechmânom sare râhân bomânes
Khoudat gofti sare haftay miaei
Ti Kharmane kâ bomânes tou nomâbi
Mes mains sont toujours sur les murs du portique
Je fais toujours le pied de grue
Tu as dit toi-même que tu reviendrais au début de la semaine
Les pailles de riz ne sont pas encore séparées des cueillettes, mais tu n’es pas encore revenu
Kidjâ afchân hakorde mouye siyâre
Bachinâ bagounin kidjâye mâre
Kidjâye nazr hakene hadane amâre (Partition VII)
Et cette jeune fille-là,
Elle dénoue ses cheveux noirs
Dites à la mère de cette fille
De faire un vœu et de me la marier
Le vers qui se répète après cette strophe est :
Amân mi valgue kâhou, Amân mi valgue kâhou,
Hame re khodâ bokocht emere dâghe lâkou
ou
Bâz mi djâneh, ây mi djâneh ây, mi djâneh
Âbake mâni be har koutchay ravâni
Nakhâh yâre kasi hamdam nabouneh
Nakhâh yâr tche mâneh ? tchoub-e chemchâd
Hartchi randeh zanom hamvâr nabouneh
La rosée de la nuit, la fleur mouillée ; le jour ne se lève pas
Ne cherche nulle part une compagne ; personne ne deviendra jamais ta mignonne
A quoi ressemble-t-il, celui qui ne désire pas connaître l’amour ?
Au buis
Car il ne se dressera jamais, bien qu’on le râpe
Man o mi yâr zabon zargariya
Hame gounan das vayr tou âcheghiya
Tchouta dast veyram bi morovatiya
Le ciel est entièrement couvert d’étoiles
Ma bien-aimée et moi, nous parlons Zargari [10]
Tout le monde me conseille d’oublier l’amour
Mais comment est-il possible d’oublier la malignité ?
Dâne ye jâ khourim âbe roukhâne
Dou tâ chitân dare ami miyâne
Elâhi tâs beyre ti mâre djâneh (Partition VIII)
Nous sommes deux pigeons qui habitons le même nid
Qui prenons la même graine et la même eau de la rivière
Mais il y a deux Satans qui essaient de nous dresser l’un contre l’autre
Qu’il se brise, le cœur de ta mère !
On chante après cette strophe :
Amân mi valgue kâhou, Amân mi valgue kâhou,
Hame re khodâ bokocht emere dâghe lâkou
Mane bâ soukhteh dele pâreh naken
Mane bâ soukhteh dele golâbe chiche
Chicheh chekan golâbe zâye naken
Ô rossignol pleureur ! Ne te plains pas !
Ne déchire pas mon cœur enflammé
Mon cœur enflammé ressemble à un verre d’eau de rose
Toi qui casses le verre, ne gaspille pas cette eau de rose !
- L’Achkâni, chanson ancienne de Tonekâbon
Souvent chantée par le passé, la chanson Achkâni montre à merveille la douleur et l’oppression ressenties par les peuples du nord. On dit qu’Achkâni était le responsable de la distribution d’eau dans les rizières à l’époque de Rezâ Shâh (1878-1944). Il aurait également été un temps le bras droit d’un Isphahanais nommé Asfar Djâni, qui était responsable de l’organisation de la gestion des propriétés de Tonekâbon. Ashkâni avait une telle réputation de cruauté, d’égoïsme et d’injustice que de nombreuses histoires circulaient à ce propos.
Achkâni mere baza mou hâl nodârom
hây
Az tchoube achkâni bâki nadârom
hây
Mou khane bekhounoum âvâz nadarom
hây
âvâz nadarom
hây
Achkâni mere baza bâ tchoube lehâ
hây
Kandoudje pich mere baza hakorde bihâl
hây
Vâl be garden bchiyam se zâre garden
hây
Yeta khouch key hadam Tâdj Khâtoune sâl
hây
Moun khane tche konom dokhtare de dâr
hây
Achkâni mere baza bâ tchoube tousâ
hây
Moun vane baborom dokhtare Mousâ
hây (Partition IX)
Achkâni m’a frappé, j’ai mal
Je ne crains pas les coups de bâtons d’Achkâni
Je désire chanter, mais je n’ai plus de voix
Je n’ai plus de voix
Achkâni m’a frappé avec sa fourche en bois
Il m’a frappé près du stockage du riz [11]
Le bras cassé tenu par une écharpe, je suis parti pour Séhézâr [12]
Quand ai-je embrassé Tâdj Khâtoun ? [13]
D’ailleurs, je n’ai rien à faire avec la fille du gouverneur du village
Achkâni m’a frappé par un bâton en aulne
Je veux épouser la fille de Mousâ
Le commerce se basait par le passé sur le troc. Ainsi, les riziculteurs échangeaient leur riz contre de la viande produite par les éleveurs (les gâlech). Les participants de cette opération économique étaient appelés des nimekâ ou nemekâ, qui signifie coassocié. Il était une fois un riziculteur de mauvaise réputation qui donnait à son coassocié du riz de mauvaise qualité (tchampâ), c’est-à-dire le cha’ak. Une fois cuit, ce riz était gluant, et au fur et à mesure, il durcissait. Le riziculteur s’était dit que l’éleveur ne saurait faire la différence, mais l’éleveur finit par lui envoyer un poème :
Bachin baguin djenâbe
Berendj haday chel âbe
Chab chele sob tchomâghe
Ti var mague tche dâbe
Be djâye gouche gousen
khâsti bokhâri honâghe
Djenâbe tchâpelosi
Harguez nabouti dosti
Sâle dige ti gouchti
Own djire chech tâye ghourmaghe
Allez ! Informez le Sir
Que son riz est bien gluant
Le soir, c’est collant
Le lendemain, il rappelle un bâton.
Qu’à la place de mouton,
Il devrait prendre du poison.
Ô flatteur !
Tu n’entretiens pas une amitié
L’année prochaine, tu prendras comme part de viande
Les grenouilles du terrain de six djerib
Un riziculteur appelé Soleyman se rendit chez un ami qui était en train de prendre son repas. Après l’avoir salué, son ami continua de manger sans l’inviter à partager le repas. Après avoir mangé, il ordonna qu’on apporte un narguilé pour Soleyman. Ce dernier lui dit alors spontanément :
Mou châer Solaymânom,
Ti polâ hamar ghar ti ghelyân hamra âsht ?
Je suis Soleymân, le poète
Mais dis-moi : Suis-je brouillé avec ton repas et en bonne entente avec ton narguilé ?
Le Bodje sar chi bakate est une chanson très ancienne qui explicite les relations entre vassaux et leur suzerain, ainsi que les horaires de travail. Voici ses paroles :
Le riziculteur ouvrier demande :
Bodje sar chi bakate
Morvâri dâne
Arbâb amare morkhas hakon
Mou bouchoum khâneh
La rosée tombe sur les épis de riz ;
Sir ! Laisse-moi partir chez moi
Le suzerain répond :
Tre morkhas nekânom
Tâ khorous bekhâne
Tre dou gharani hadam
Tchechme kerke mâneh
Je ne te laisserai pas partir avant que ne chante le coq
Tu as quand même gagné deux Krun [15]
Qui ressemblent aux beaux yeux de la poule
* Djahânguir Abbâsi Dânâ-ye Elmi, "Tarâneh-hâ-ye roustâ-yi dar bakhshi az gharb-e mâzandarân" (Des chansons rurales dans une partie du nord-ouest de la province du Mâzandarân), in Maghâm-e Mousighi-yâ-yi, Août-Octobre 2007, N° 57, pp. 45-53, article mis en ligne sur : https://www.noormags.ir/view/fa/articlepage/187116
[1] Les partitions de ces chansons sont écrites par le maître de musique, Reza Mahdavi.
[2] Parfois, on prononce ce mot « Tekar » au lieu de « tagarg ». Les deux signifient « la grêle ».
[3] De la région Achkourât. Dans les sources historiques, cette région est nommée Chakour.
[4] Titre utilisé pour certains saints sufis.
[5] Comté de la province de Zanjân dont la capitale est Ab Bar. Il se divise en deux districts : le district central et le district de Tchavarzagh.
[6] Le mot bahâr signifie "le printemps". Dans certaines versions de cette chanson, bahâr est prononcé vahâr.
[7] Robe longue sans manche qui tombe sur le genou, et paraît plus fine que les robes en feutre. Les bergers (gâlech) s’en servent pour se garder au chaud pendant la nuit et les jours pluvieux et froids.
[8] Unité traditionnelle de mesure des terres au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Ouest. Il s’agit d’une unité de superficie utilisée pour mesurer les propriétés foncières de la même façon qu’une acre ou un hectare. (Wikipedia, jerib)
[9] Le fleuve Mazar, aujourd’hui nommé Tchechmeh kileh, se compose de trois rivières Sehezâr, Dohezâr, et Valamroud. Il se jette dans la Caspienne.
[10] Sorte de jargon secret, le zargari est en réalité une langue parlée avec l’ajout de syllabes ou de lettres selon des codes spécifiques. Il existe de nombreux types de zargari. C’est notamment dans les régions nordiques de l’Iran que l’auteur de l’article a rencontré des groupes qui utilisaient ce jargon.
[11] Kondudj : Chambre réservée au stockage du caryopse du riz. Il s’agit d’une petite construction rectangulaire posée sur quatre piliers, de sorte que les souris ne peuvent pas y monter et avoir accès aux produits agricoles.
[12] Région verdoyante située dans le comté de Tonkâbon, dans la province de Mâzandarân.
[13] On dit que Tâdj Khâtoun était la sœur d’Achkâni. Peut-être le poète anonyme emploie consciemment ce nom et cette expression pour se venger d’Achkâni ; car dans la culture iranienne le fait d’embrasser la sœur d’un homme est une atteinte à son honneur viril.
[14] Dans certaines régions du Mâzandârân, le riz est appelé Bodj et dans d’autres parties Bedj.
[15] Kran (·Ao¤ en persan), Krun ou Qiran a été introduit comme unité de valeur de la monnaie iranienne en 1825. Un kran valait 1000 dinars iraniens ou 1/10 de toman. (Wikipedia, Kran)