N° 18, mai 2007

La musique militaire en Iran


Helena Anguizi


En 1913, à la demande de Gholâmrezâ Minbachiân, dit Sâlâr Moazzez, et avec l’approbation du Ministère de la Culture, la musique militaire vint s’ajouter à la liste des matières enseignées à Dar-ol-fonoun.

La durée d’étude était de quatre ans dans cette Ecole et l’on y apprenait la musique militaire ainsi que la musique classique occidentale. En 1960, un dénommé Nassrollâh Khân Minbachiân, le fils aîné de Moazzez, qui avait étudié la musique classique au conservatoire de Petrograd, se chargea de l’enseignement du violon et du violoncelle.

En 1915, l’Ecole de musique de Darolofonoun changea de statut et poursuivit ses travaux en tant qu’école indépendante sous la supervision du Ministère de la Culture. Cette Ecole était la première du genre en Iran.

Sâlâr Moazzez

Seules les personnes ayant achevé leurs études primaires pouvaient y accéder. La durée d’étude était de six ans, avec une première année de préparation.

Pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement de la musique classique en Iran, les professeurs eurent recours à des livres de références enseignant différentes matières allant du solfège à l’harmonie et à l’orchestration, pour la plupart traduits du français par Sâlâr Moazzez.

Ce traducteur, musicien hors pair, enseignait lui-même dans cette Ecole. Il enseignait notamment l’harmonie en s’appuyant sur le manuel de Mossioran, professeur de musique au conservatoire de Paris, dont l’ouvrage avait été traduit en persan par Mohammad-Hassan Gharib, surnommé "Adib-e Kermâni".

Le persan, le français, la physique, la chimie, les mathématiques et la géographie étaient les principales matières obligatoires de cette Ecole. Les techniques poétiques et la langue française étaient les seules matières obligatoires en cinquième et sixième année. Durant la première année, les étudiants se familiarisaient avec les théories musicales. En seconde, troisième et quatrième année, ils apprenaient les bases de l’harmonie et faisaient connaissance avec les différents instruments de musique. C’est en cinquième année que l’orchestration était enseignée et enfin, en sixième année, les apprentis musiciens composaient leurs premiers airs.

Le manuel "Lamir", traduit en persan par Mazinoldoleh, servait de base à l’enseignement des théories musicales.

En plus de l’enseignement des instruments à vent tels que la flûte, la clarinette et la trompette, Sâlâr Moazzez enseignait également le solfège. Les cours de piano étaient donnés par Nasserolsoltân.

Le succès de l’Ecole allant grandissant, on commença peu à peu à manquer de professeurs. Elle fut donc contrainte à accepter un nombre limité d’élèves. Les conditions d’admission étaient difficiles et, pour pouvoir passer l’examen final, les élèves devaient impérativement savoir jouer, à un niveau professionnel, d’un instrument à vent et d’un instrument à cordes.

En 1922, au moment de la création de la nouvelle armée d’Iran, le Bureau public de la musique entama ses travaux sous la direction de Sâlâr Moazzez, qui fonda la même année le lycée public de musique, qui poursuivit ses activités jusqu’en 1929.

Sous la direction de Sâlâr, deux groupes d’élèves furent diplômés de cette Ecole, les uns en musique militaire et les autres en musique classique. Pour recevoir leur diplôme, les apprentis musiciens militaires devaient composer et interpréter une marche militaire. L’un des morceaux choisis par Sâlâr Moazzez que les élèves devaient savoir interpréter était une mélodie de la musique classique d’Iran appelée Mâhour.

Rouhollâh Khâleghi

C’est durant cette même année qu’un décret interdit le double emploi des fonctionnaires. Sâlâr Moazzez, Nasserollsoltân et les autres professeurs de l’Ecole supérieure de musique, étant en réalité officiers de l’armée, durent alors abandonner leur poste au Ministère de la Culture. Suite à cela, Ali Naghi Vaziri fut nommé directeur. On parle de cet homme comme le vrai fondateur de l’Ecole supérieure de musique en Iran. Il était rentré au pays après avoir passé six ans de sa vie en Europe. Ce maître incontesté de la musique classique avait une excellente connaissance de la musique occidentale.

En 1922, le ministre de la culture Yahya Gharagozlou (Etemâdoldoleh) visita l’Ecole et fut subjugué par les mélodies composées par Vaziri. Il ordonna dès lors que les meilleurs élèves de l’Ecole enseignent la musique dans les Ecoles primaires de Téhéran.

Cependant, à partir de 1929, la musique militaire fut supprimée de la liste des matières enseignées dans les Ecoles. Quelques années plus tard, en 1933, le Premier Ministre Mahdi Gholi Hedâyat visita l’Ecole et fut impressionné par la qualité de l’enseignement. Il décida d’y apporter une contribution en y faisant notamment construire une grande bibliothèque. De 1933 à 1934, directeur de l’Ecole de musique de l’armée et chef d’orchestre de la préfecture de police, Gholâm Hossein Minbachiân, qui avait fait de hautes études musicales, fut nommé directeur de l’Ecole tout en conservant son ancien poste.

Cette année-là, on revit entièrement l’ancien programme d’enseignement et l’on finit par supprimer la musique traditionnelle.

L’année d’après, un nouveau programme scolaire fut établi par le haut conseil culturel. Ce programme réduisait à trois ans la durée des études primaires et instaurait la mixité.

Dès l’année scolaire 1934-35, cette Ecole mixte enseigna le solfège et le chant, et en quatrième, cinquième et sixième année, les élèves apprenaient à jouer d’un instrument de musique.

Dans les lycées, les cours étaient partagés en deux sections. Il y avait d’une part des cours obligatoires comme la littérature, les mathématiques, la physique, la géographie ou le français, et d’autre part tout ce qui se rapportait à la musique, avec notamment des cours d’harmonie, de chant, l’étude de la biographie des musiciens etc.

Minbachiân qui était, comme nous l’avons souligné, chef d’orchestre de la préfecture de police, intégra dans son orchestre plusieurs élèves de cette nouvelle Ecole. Le nouvel orchestre ainsi formé devint très célèbre. Un de ses concert s’est tenu à la faculté des lettres de l’université de Téhéran en février 1936, en hommage au grand poète russe Alexandre Pouchkine.

Sâlâr Moazzez et les groupes d’étudiants en musique

Deux ans plus tard, au début du printemps, un Office de musique fut créé sous l’autorité du Ministère de la Culture et Minbachiân fut nommé directeur de l’Ecole supérieure de musique. Dans la section musique militaire, ce dernier instaura des cours qui se prolongeaient sur huit années d’études, dont six au lycée et trois ans d’études approfondies. Dans ce but, il engagea dix professeurs de musique tchèques. Ces professeurs et leurs disciples lancèrent bientôt plusieurs orchestres, dirigés par Minbachiân lui-même. Toutes les représentations de ces orchestres étaient diffusées en direct à la radio.

Outre ces professeurs tchèques, d’autres personnes enseignaient également dans cette Ecole parmi lesquelles on peut citer : Tania Khartiân, Michel Khoutsiov, Petrolki Moghadam, Argueliân, Safariân, Fereydoun Farzâneh et Parviz Mahmoud.

Les événements de 1940 eurent un réel impact sur la situation culturelle de l’Iran. Le ministre de la culture, Mohammad-Ali Foroughi, destitua Gholâm Hossein Minbachiân et confia la direction de l’Ecole à Ali Naghi Vaziri. On parle de cette époque comme de la plus difficile de l’enseignement musical en Iran. En effet, ce nouveau directeur renvoya au pays tous les professeurs tchèques, et les remplaça par des professeurs de musique iraniens afin de promouvoir la musique traditionnelle du pays et l’apprentissage du Târ (instrument à cordes traditionnel).

Ces renvois suscitèrent la grève des étudiants qui n’avaient plus de professeurs. Cette plainte remonta bientôt au conseil culturel qui avait ratifié le programme d’enseignement mettant l’accent sur l’apprentissage de la musique iranienne, proposé par Vaziri. Ce conseil ne donna donc pas suite à la plainte. Vaziri resta en fonction jusqu’en 1945, année où il fut remplacé par Parviz Mahmoud, qui avait fait ses études supérieures de musique en Belgique. Au même moment, Roubik Gregorian remplaça Rouhollâh Khâleghi au poste de directeur général du département de musique du Ministère de la culture et de l’Ecole supérieure de musique. En 1946, l’Ecole supérieure de musique fut placée sous la direction de l’Ecole des Beaux-Arts, nouvellement inaugurée.

Dans une lettre adressée au département des Beaux-Arts du Ministère de la culture Mahmoud proposa la suppression de la musique persane du programme de l’Ecole. Cette proposition fut examinée par une commission d’appel du Haut Conseil culturel, composée du directeur du département des Beaux Arts, du docteur Farahmandi, de Gholâm Hossein Minbachiân, de Badiozamân Forouzânfar, d’Ali Naghi Vaziri et de Parviz Mahmoud.

L’entrée de l’école Dar ol-fonoun

Lors de cette réunion les avis furent partagés : Vaziri était pour la sauvegarde et le progrès de la musique persane. Selon lui, le programme de l’Ecole supérieure de musique devait comprendre avant tout la musique traditionnelle du pays. Parviz Mahmoud, quant à lui, était convaincu que la musique persane manquait de méthode, de techniques et de théories, et qu’elle ne pouvait donc pas être à la base de l’enseignement musical. Il était persuadé que l’apprentissage des techniques musicales internationales était nécessaire et que les étudiants, appliquant ces méthodes à la musique classique persane, seraient à même de composer de nouvelles mélodies, renouvelant ainsi le répertoire classique.

Après de longs débats, le Haut Conseil culturel décida finalement en 1937 que seule la musique classique devait être enseignée dans cette Ecole, et supprima ainsi la musique iranienne du programme.

Le nouveau programme comportait six années, durant lesquelles étaient enseignés les théories musicales, l’initiation aux différents instruments de musique, l’histoire de la musique occidentale, l’anglais, l’acoustique, l’orchestration, etc.

A partir de 1976, au moment de la mise en œuvre du nouveau programme scolaire du pays, il fut procédé à une refonte du programme de l’Ecole supérieure de musique. L’enseignement était désormais réparti en trois étapes :

1- Trois ans d’études générales, définies par le Ministère de l’Enseignement et de la Culture, auxquelles venaient s’ajouter des cours de théories musicales et l’apprentissage des instruments.

2- Quatre années d’études, comprenant les cours généraux tels que la littérature persane, les langues étrangères, l’histoire de l’Iran et l’apprentissage d’un instrument de musique au choix, en plus du piano qui était obligatoire pour tous.

3- Quatre autres années au lycée, où les cours généraux étaient enseignés parallèlement aux théories musicales.

Les Ecoles de musique en activité depuis 1946

En 1979, l’Ecole supérieure de musique et l’Ecole nationale de musique furent fermées. En 1983, on les fusionna et elles devinrent alors l’"Ecole de musique et des chants révolutionnaires pour garçons" et l’"Ecole de musique et de chants révolutionnaires pour filles". Les cours étaient donnés par Hossein Alizâdeh, Kambiz Roshanravân, Parviz Mansouri, Samin Bâghshebân, Hossein Dehlavi, Farhâd Fakhredini et Mostafa Kamâl Pourtorâb.

En 1986, conformément aux nouvelles directions prises par l’enseignement du pays, le programme de cette Ecole changea également. Le nouveau programme fut défini par le Ministère de l’Education sous l’égide d’un conseil artistique et par le Ministère de l’Orientation.

Durant les trois années d’études décidées par les instances précitées, chaque année était divisée en deux semestres et on y apprenait à jouer d’un instrument traditionnel (târ, santour, ghanoun, oud, kamântcheh) et d’un instrument classique occidental (le violon, le violoncelle, le piano, la flutte, la flutte traversière, le saxophone ou la clarinette).

En 1992, grâce à Rezâ Mahdavi, l’Ecole d’art de musique fut fondée.

A partir de 1999, le nouveau programme d’enseignement, établi par le grand chercheur, musicien et ancien directeur de l’Ecole supérieure de musique Hosseïn Dehlavi, avec la coopération de Kambiz Roshanravân, Fereydoun Nasseri et de l’ancien directeur de l’Ecole de musique pour garçon de Téhéran Ali-Mohammad Rashidi, fut appliqué dans les Ecoles de musique pour filles et garçons. En outre, la chimie et une partie des cours de mathématiques furent supprimés.

Actuellement, ces Ecoles enseignent les principes de base de la composition. Cependant, un certain nombre de matières sont venues s’ajouter au programme : la théorie et la composition de la musique persane, l’histoire de la musique du monde, ainsi qu’une introduction à l’étude des instruments traditionnels.


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