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Bijan Nadjdi, né le 15 novembre 1941 à Khash et mort le 25 août 1997 à Lahidjan, est un écrivain et poète iranien. Nadjdi a fait ses études en mathématiques, et puis il a commencé à enseigner les mathématiques dans les lycées de Lahidjan. Nadjdi n’a publié que ses recueils de nouvelles : « Les léopards qui ont couru avec moi ». Son style d’écriture est très marqué par un langage extrêmement poétique, plein de métaphores et d’allégories. Dans ses poèmes, il existe des tournures modernes et différentes à celles de la poésie classique persane. Il tente de découvrir un horizon nouveau vers le monde de la poésie moderne à partir de la rhétorique classique persane.
La réalité est mon rêve
La réalité est mon rêve.
Le sang de mes rêves est vert,
Plus vert que les feuilles des plantes,
Que la dague du télex de presse
Et les lames tranchantes des mots dans les journaux
Ne peuvent le répandre.
La réalité, ce sont mes rêves.
Là, personne qui ne sait ce qu’est une gifle,
Ni le couteau
N’a pas honte de sa lame.
Là, un sourire n’est pas assassiné,
Et on ne tire pas sur mon idéal.
Un jeune héros n’y sera pas tué
Par un vieil ignorant.
Et dans mes rêves,
Les parties du corps des enfants de Bosnie-Herzégovine
Regagnent leurs berceaux
Gonflés de larmes.
Ils grandissent dans mes rêves,
Ils vieillissent dans mes rêves,
Et dans une maison simple,
Coin blanc dans la verdure
Près d’un peuple simple
Ils meurent dans mes rêves
D’une définition simple de la mort.
Hélas, je me réveille chaque jour
Avec le son de la radio
Et je lis dans les journaux
Qu’encore
Ont été disséqués
Des enfants en Palestine
En Bosnie-Herzégovine,
Même dans les îles de roses,
Même au pays des bananes,
Même par les collines de thé,
C’est pour ça que chaque jour
Je me dis devant le miroir
Non, ça, c’est un rêve,
La réalité
C’est ce que j’ai rêvé.
Le testament
Je lègue une moitié des pierres, des roches
Et de la montagne, avec ses vallées,
Et ses abris de bergers
À mon fils.
Je dédie l’autre moitié à la pluie.
La mer bleue et sereine
Avec la lumière de ses phares
Sera pour ma femme.
Les nuits de la mer,
Inquiète et sombre
Avec le désarroi du phare,
À mes amis lointains du service militaire
Qui à présent ont vieilli,
Un ou deux morts, peut-être.
La rivière qui coule sous le pont
C’est pour toi ma fille
Qui as la peau sur des os de cristal
Afin que l’eau devienne ta chemise pour tout l’été.
Dédiez chaque ferme, chaque arbre,
Chaque champ, chaque prairie
Au désert et aux cailloux
Sous le soleil.
De la voix de mon Setâr que j’ai versée
Morceau par morceau, goutte à goutte
Dans les flacons d’eau de rose
Et que j’ai déposée dans la niche murale,
Une partie pour les sonnets
De Roumi
Et deux parties pour son Épopée.
Et je donne aux oiseaux
Les faïences colorées et les dômes
Et les léopards qui ont couru avec moi
Les grottes et leurs candélabres de calcite
Où je me retirais solitaire.
Et le parfum du jardin
Aux saisons
Qui viennent.
À sept heures
Aujourd’hui je te tiens avec les nombres
Avec le mouvement saccadé des aiguilles de l’horloge,
Aujourd’hui je récite les prières
Éloges de ta main et de tes ongles
Et de l’odeur confuse de tes seins,
À présent je rêve mystérieusement
Au moment saint d’une étreinte.
Ici je n’ai que ta douce animation
Et la voix de ton cœur à sept heures cinq
Comme les grains de perle
Versés dans la paume de ma main
Si on pouvait à ce moment exalté
Dans une agitation mouillée
Se transformer en statue
Ah ! Si on pouvait se transformer en statue
À sept heures…
Je bois tendrement la pluie
Quel oiseau vole avec l’odeur de ton corps
Pour que je boive si tendrement la pluie ?
Dois-je croire que tel le miracle de Luc
« Je remets mon âme entre tes mains » ?
Toujours, sur le lac meurtri de ces seins
Sur ces phares sombres
Il pleut une haleine enfantine.
C’est toujours l’odeur agréable de la bouche des enfants
L’Annonciation de l’amour
Dans les bras ouverts des lits.
Dans le voyage de la lumière et de la caresse
Peut-être restais-tu dissimulée
Derrière un rideau d’eau
Dans les hauteurs azurées.
Là-bas
À côté des fenêtres sacrées du mysticisme
Et à côté du sanctuaire enflammé du soufisme
Ils ont vu
Qu’il pleuvait ton nom
De mon ciel.
Peut-être que, dans le silence
Dont j’ai souffert cet hiver,
Un oiseau passait avec l’odeur de ton corps.
Tellement d’eau
La mer avec tellement d’eau
La rivière avec tellement d’eau
Même l’aquarium en verre avec tellement d’eau
Nous empêchent avec tellement d’eau
De voir comment les poissons pleurent.
Comment je suis ?
Mon pays est ce tapis
Sous les pieds du canapé,
Le parfum de ses fleurs
Grimpe de la peau de vos jambes
Jusqu’à vos cœurs.
Mon miroir est cet album de papier,
Étalé sur la table
Avec des larmes de papier
Avec des sourires et des yeux de papier
Mon ciel, ce sont les stucs des plafonds des mosquées
Voyez-vous comment je suis ?
Est-ce que vous voyez
Que ma musique
Est la voix de vos pas
Flânant dans l’allée ?
Pour ta robe
J’aime bien le soleil
Sur ta robe, sur la corde à linge fixée à l’arbre
J’aime bien la pluie
Quand elle tombe sur ton parapluie bleu !
Et puisque tu en as fait des prières, je suis devenu croyant !
Je plante l’arbre
Je plante l’arbre
La terre nourrit sa racine
Le printemps son feuillage
Et l’automne le rend nu
Je l’étreins de mes mains
Afin de renaître arbre
Que le ciel pleuve dessus
Que la terre nourrisse sa racine
Que le printemps l’habille de feuillage
Et que l’automne le dénude
Ce serait moi ?
Ou la mort ?