|
Entretien avec Mehdi Fatehi, affichiste de la 5e génération des graphistes iraniens
Selon Ghobad Shiva, célèbre graphiste iranien, « le design d’affiches est un art stimulant qui vit parmi les gens. En raison de son rôle informatif, il réunit la culture, l’art, l’économie et la communication dans un cadre unique. À l’époque moderne où l’apparence des villes figure l’identité et les préférences de ses habitants, les affiches font partie de la personnalité de la ville. »
Mehdi Fatehi est un jeune graphiste contemporain. Né en 1983 à Téhéran, il est membre de l’Association des graphistes iraniens. Fatehi a obtenu sa maîtrise en graphisme en 2008, puis a enseigné et a organisé de nombreuses expositions en Iran et à l’étranger, surtout à Paris. Il a aussi remporté plusieurs prix à des expositions et compétitions iraniennes et internationales.
Reza Kianian, acteur et photographe iranien, dit à son propos : « Mehdi Fatehi appartient à la génération de la révolution numérique. Il s’attache toutefois aux techniques traditionnelles et y insiste particulièrement, ce qui lui rend la tâche plus difficile. Dans cette ère du numérique, l’utilisation des couleurs plates, des papiers de couleurs et des techniques du graphisme analogue comme la trame, les gouttes d’encre, la typographie et le clair-obscur représente en quelque sorte une certaine défamiliarisation visant à améliorer la visibilité et la compréhension. » Selon Alain Le Quernec, graphiste français et membre de l’Alliance Graphique Internationale, « Mehdi est l’un des enfants du célèbre graphiste iranien Morteza Momayez, et son œuvre est un bon exemple du design graphique contemporain en Iran. »
Quel est votre parcours professionnel et artistique ?
Mehdi Fatehi : J’ai commencé ma carrière dans le domaine du graphisme en 2005. En 2007, j’ai créé mon propre studio que j’ai baptisé Studio Fa, en prenant les deux premières lettres de mon nom de famille. Mon activité principale à cette époque était la conception d’affiches de théâtre et de cinéma. Au théâtre, j’ai collaboré avec de nombreux réalisateurs dont Manijeh Mohammadi, Shokrkhodâ Goodarzi, Ahmad Koochechiân, Siâvash Pâkrâh, Âmer Mosâfer Âstâneh. Au cinéma, j’ai travaillé pour Âidâ Panâhandeh, Abdolrezâ Kâhâni, Rezâ Dermishiân et d’autres. J’ai également collaboré avec de nombreux artistes visuels et galeries d’art. En 2006, j’ai remporté une médaille de bronze à la Triennale de l’affiche de théâtre de Sofia en Bulgarie et en 2013, j’ai été récompensé à la 4e édition de la Biennale de l’affiche de théâtre en Pologne. En 2012, j’ai remporté la médaille de bronze de la Triennale internationale de l’affiche à Toyoma au Japon, ainsi que le deuxième prix des meilleures affiches de théâtre au Festival international de Fajr à Téhéran. En 2011, j’ai été sélectionné dans la section affiche de « L’image de l’année ».
Je donne actuellement des cours privés de graphisme au Studio Fa. Pour le moment, j’organise mes cours en ligne. J’ai également enseigné dans les universités Sureh, Azad et Elm-o-Farhang.
Pensez-vous qu’une œuvre graphique est faite d’une histoire ?
Cette question est assez ambiguë, car quand on parle du graphisme, il s’agit en fait de l’ensemble des activités graphiques. Cela peut concerner un emballage ou le design d’une brochure. En tout cas, dans la vie, tout a sa propre histoire et chaque œuvre graphique a une histoire derrière elle.
Combien de fois avez-vous exposé vos œuvres en France ? Comment avez-vous été accueilli par le public et la critique occidentale ?
En 2017, une exposition de mes affiches a été organisée intitulée « Present perfect » (Présent parfait) à « 3rd Art Gallery » à Téhéran. Ensuite, j’ai décidé d’organiser cette exposition dans d’autres villes. L’exposition « Present perfect » a eu lieu ainsi à Paris, puis dans d’autres villes d’Iran. J’ai également eu des ateliers ouverts de mon travail d’abord en 2017, puis en 2021.
Comment décrivez-vous votre exposition « Present perfect » ?
L’exposition « Present perfect » est une collection d’affiches que j’ai conçues et réalisées pour le théâtre, le cinéma, la musique et les galeries visuelles de 1985 à 1995. Cette collection est en quelque sorte le fruit de mes dix années d’activités dans le domaine de la création d’affiches. Le titre de cette exposition a une signification ambiguë en persan (hâl-e kâmel). Cela signifie à la fois profiter de tout le travail que je fais en ce moment et grammaticalement, le présent parfait représente le travail qui s’est produit dans un temps indéfini, généralement au passé, dont les effets restent jusqu’à maintenant. Cette exposition a eu lieu d’abord à Téhéran, puis à Paris, et enfin à Arak et à Ispahan.
Quelle relation peut-on établir entre les graphistes français et iraniens et entre les artistes des deux pays ?
La vérité est qu’en France et dans de nombreux autres pays, les graphismes travaillent dans une ambiance différente de ce que nous connaissons aujourd’hui en Iran. Mais ces dernières années, de nombreux designers français de premier plan se sont rendus en Iran grâce aux efforts de la Fondation Momayez et de l’Association des graphistes. De la même manière, des expositions de graphisme iranien ont été organisées en France. Ainsi, le terrain semble devenir plus favorable aux interactions entre les deux parties.
Quels sont les principaux problèmes de conception graphique spécifiquement pour la création des affiches ?
Le plus gros problème de la conception d’affiches en Iran est celui d’être retiré de l’espace public et de la rue. Selon les exigences de la vie moderne d’aujourd’hui, en Iran comme ailleurs, nous tendons à remplacer l’espace réel par le cyberespace. Ce problème peut être facilement résolu avec les efforts des responsables municipaux, et cela pourra rendre l’espace urbain plus dynamique et créer une scène pour que les gens aient un contact plus réel avec les arts visuels.
Quels sont, d’après vous, les impacts de l’usage de nouveaux logiciels graphiques ?
À mon avis, le graphisme n’est pas dépendant d’outils informatiques qui ne font que faciliter le travail du graphiste. Mais le principe du design est dans le regard et la pensée d’un designer et il n’est pas dicté par les outils, quels qu’ils soient.
Quelles sont les sources d’inspiration de votre travail ?
Les espaces autour de moi ont le plus grand impact sur mon travail : regarder les espaces urbains, découvrir l’écriture dans la rue, et bien sûr les symboles et signes locaux. Tous ces éléments peuvent changer en fonction de l’ordre de travail et des conditions de chaque projet.
Quelles sont vos principales considérations lors de la conception d’une affiche ?
Pour moi, il s’agit de concrétiser les bonnes idées, concevoir une affiche unique, réaliser et satisfaire également la demande du client.
Monsieur Fatehi, merci d’avoir accordé cet entretien à La Revue de Téhéran.
Merci à vous.