N° 17, avril 2007

Yazd, la nature apprivoisée


Marie-Christine Huguenin


Petit matin frileux de février. Voici presque une heure que notre avion nous transporte au sud-ouest du désert de Lût. Notre imagination, encore engourdie par un lever très matinal, vagabonde au gré des plis du désert iranien peut-être à la recherche d’un Petit Prince ou d’un Renard. Tout à coup, notre regard est attiré par d’énigmatiques lignes pointillées parcourant le sable et la pierre. Les commentaires vont bon train.

Abarkuh, la tour de vent (Bâdgir) de la maison d’Aghâzadeh.

Signes religieux de quelque civilisation disparue ?... trop ésotérique !

Pas de quelconque caravane sur l’ancienne Route de la Soie ?...plutôt anachronique !

Tracé de quelque gazoduc ?...bassement économique !

Bases militaires souterraines ?... par trop…politique !

La réponse viendra bien plus tard lorsque Yazd, Perle du Désert selon Marco Polo, nous aura livré quelques-uns de ses secrets.

Yazd : un nom aux sonorités envoûtantes aussi sensuelles que les lignes et les couleurs de l’architecture de la cité qu’il désigne.

Yazd : une cité de rondeurs, de douceur et de langueur. Des dômes des maisons aux courbes des arcades, tout participe à la paix du regard et de l’âme.

" Apprivoise-moi " : voilà certainement ce que la nature a dit aux premiers habitants de Yazd, trois siècles avant Jésus-Christ.

Déployant des trésors d’ingéniosité, ces hommes ont su " apprivoiser " les éléments naturels de cet environnement aride voire hostile peu propice au développement d’une communauté. Et s’il est une ville au monde où l’homme a su, sans violence, amener à lui la terre, l’eau, l’air et le feu, c’est bien Yazd !

La terre, indispensable, argile crue ou pisé des maisons conçues pour survivre aux rigueurs de l’hiver ou à la chaleur de l’été, des " yakhshâl ", énormes glacières à l’usages des caravaniers faisant halte dans la cité.

Un qanat à Meybôd

L’eau, vitale, canalisée dans les " qanats ", conduites souterraines captant l’eau des nappes et des montagnes, conservée et refroidie dans les " âb-anbar ", réserves de forme conique creusées dans le sol.

L’air, rare, qu’il convient de recueillir et de faire circuler à l’intérieur des maisons grâce aux " bâdgirs", petites tours des vents dominant les toits et permettant de capturer le moindre souffle d’air et de rafraîchir les bassins d’eau placés opportunément à leur base.

Le feu, celui de la flamme sacrée qui brûle depuis plus de 1500 ans dans l’ " âtâshkadeh", temple zoroastrien, lieu de culte d’une communauté encore très vivante, riche des préceptes de Zarathoustra, de ses pratiques, parfois surprenantes à nos yeux mais toujours dans le respect absolu de la nature, de l’égalité des sexes du bonheur individuel et collectif.

La sérénité de Yazd réside à la fois dans cette harmonie avec la nature et dans la capacité de ses habitants à perpétuer ces gestes millénaires que sont ceux du tisserand attaché à son métier, au cœur d’un ancien caravansérail, ceux des ouvriers chargés de moudre le henné ou l’écorce de cannelle embaumant et colorant de vert et de roux les ruelles proches du bazar.

L’ âtâshkadeh, temple zoroastrien

Ce sont surtout ceux, précis, cadencés, de ces groupes d’hommes rassemblés en cercle dans la fosse de la "zourkhâneh", maniant des massues de toutes tailles, dans une démonstration de force à mi-chemin entre le sport, la représentation théâtrale et le rite religieux au rythme du tambour et des chants.

Et les pointillés dans le désert, me direz-vous ? C’est après une visite au musée de l’eau que nous comprendrons leur signification. Ils sont autant de puits d’aération aménagés à intervalles réguliers afin de permettre aux ouvriers d’entretenir le réseau de " qanats " dans les entrailles de la terre à plusieurs centaines de mètres de profondeur sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Et c’est en quittant Yazd que je me dis une fois de plus que la nature offre ses richesses cachées mais que l’homme se doit de les préserver. C’est dans ce dialogue parfois difficile que l’homme, effectuant un travail de fourmi en sort grandi.


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