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Au Journal de Téhéran
L’humanité subit-elle l’influence des taches solaires ? (II)
Voir en ligne : 1ère partie
5 Mars 1937
14 Esfand 1315
Un autre exemple, non moins frappant, est fourni par les observations des épidémies de choléra et de peste qui correspondent aux périodes d’une activité hypernormale des vibrions de choléra et des microbes de la peste. Voici quelques données : les historiens iraniens ont noté une formidable explosion de choléra partout en Asie en 1364-1372. A cette époque, il n’y avait pas de télescopes, mais les taches solaires étaient si énormes qu’elles ont pu être observées à l’œil nu en Russie (en 1365) et en Chine (en 1370). La courbe des taches solaires (Douglass) donne pour la période 1365-1370 un maximum très fort et très prolongé. Le maximum observé en 1768-l770 avec le sommet en août 1769 correspond exactement à la formidable épidémie de choléra de 1768-1771 aux Indes. Passons à la peste : quarante-six épidémies de cette maladie terrible et trente maxima ont eu lieu depuis l’an 1600. A chaque maximum correspond son épidémie de peste et huit épidémies seulement coïncidèrent avec les minima, huit autres tombant entre un minimum et un maximum.
Ainsi, l’excitation de l’activité microbienne coïncide avec l’état agité du Soleil. Observons encore que l’épidémie de grippe très forte de 1917-18 a fait son apparition simultanée dans tous les pays de sorte que le monde entier en a été victime sans qu’il y ait la propagation de la grippe d’un pays à l’autre. Cette explosion soudaine sur toute la Terre de l’activité du microbe de grippe avec une virulence accrue a coïncidé avec le grand maximum de taches solaires de 1917. Les manifestations vitales des organismes simples suivent donc le rythme solaire. La cellule vivante est calme et moins active quand le Soleil reste tranquille et n’a ni fièvre ni taches. Au contraire, quand le Soleil passe par son accès périodique de grande agitation, les cellules vivantes présentes sur Terre réagissent en devenant surexcitées et très actives.
Si je vous dis maintenant que les variations de la récolte moyenne de blé par hectare dans le monde, ainsi que celle de la quantité du vin récolté en France par hectare de vigne suivent la même courbe et que c’est la courbe d’activité solaire, cela ne vous surprendra point : le blé et le raisin sont, comme les arbres, constitués de cellules végétales. Chose curieuse : en France, les vins de meilleurs crus sont régulièrement ceux des années des maxima des taches. Conseil aux amateurs : achetez les vins de l’année 1938 car le maximum des taches s’approche et il aura lieu probablement l’année suivante.
Mais l’homme aussi est un organisme multicellulaire, un ensemble de sociétés cellulaires. Son cerveau et ses centres nerveux par exemple, formés des cellules les plus nobles et les plus délicates, en contiennent douze milliards environ, c’est-à-dire six fois plus que l’ensemble des humains de toutes races sur la Terre. Chaque cellule réagit aux excitations venues du Soleil et en s’additionnant, leurs réactions produisent la réaction intégrale de l’être humain : l’homme vibre avec le Soleil et passe avec lui alternativement par des périodes d’excitation et d’accalmie. Les psychiatres observent même l’influence directe d’une tache solaire isolée qui passe par le méridien. Laissons la parole au spécialiste. En 1931, au Congrès International de Psychiatrie de Paris, Maurice Fabry, après avoir exposé les résultats de nombreuses observations, a conclu : "Lorsque la tache s’approche du méridien, l’homme réagit le premier et c’est alors le réveil des symptômes assoupis. Le changement se produit dans le délai des deux jours en moyenne sous l’influence de la tache qui passe par le méridien à un moment de ces deux jours. Les morts subites, les suicides, les crimes sans motifs apparent coïncident avec ce passage et marquent à la fois le paroxysme de la souffrance humaine et le déséquilibre grave du système nerveux pouvant aller jusqu’à la mort par suicide ou l’acte démentiel. Puis la réaction humaine s’apaise car la tache est passée. Surviennent alors les cyclones, les tornades, les orages magnétiques.
Ainsi, l’homme subit l’influence des taches solaires car il réagit à chacune d’elles. Mais chez l’homme sain et normal, cette influence interfère avec d’autres facteurs qui déterminent sa conduite. Souvent, l’excitation causée par elle est freinée par sa volonté et sublimée en travail et création. Au contraire, l’influence des taches solaires sur les fous, qui libèrent et extériorisent immédiatement chaque réaction, est particulièrement nette et frappante. Dans certains ménages où l’un des époux est très nerveux et trop sensible à l’influence des taches du Soleil, leurs passages peuvent alimenter les discordes. Si j’en parle, c’est parce qu’il suffit souvent de connaître les causes du mal pour le supprimer. Je suis persuadé que nous verrons avant la fin de nos jours apparaître dans les journaux quotidiens à côté des renseignements météorologiques, si nécessaires à l’aviation, d’autres résumant les observations des taches et l’on y lira par exemple : "Une tache énorme s’approche du méridien. L’excitation générale provoquée par son passage durera du mardi soir au jeudi matin et cette fois-ci elle sera particulièrement aigue" On verra alors des hommes et des femmes, prévenus par les astronomes et craignant avec raison un accès nouveau de nervosité ou de jalousie de leurs conjoints causé par la tache, devenir pour ces trente-six heures attentifs et tendres pour éviter cet accès pénible.
Il faut cependant souligner que l’influence des taches solaires ne fait que déclencher les mouvements historiques qui se préparent. Les taches ne peuvent rien créer par leur influence : excitant les masses, elles ne font que libérer l’énergie sociale latente, accumulée déjà et prête à déferler. Ainsi, Djevons en 1878 dans son traité Commercial Crises and Sun Spots cherchait à prouver la périodicité des crises économiques et leur coïncidence avec les maxima sans les attribuer aux taches solaires. Il paraît qu’au contraire, les débuts des grandes crises économiques tombent, comme celles de 1848 et de 1929, juste après les maxima et s’il est vrai qu’elles sont dues à la surproduction, on est tenté de les considérer comme conséquence de l’activité débordante et désordonnée que l’humanité développe pendant les maxima.
Le fait que toutes les grandes guerres et révolutions se sont déroulées aux époques des maxima a été souligné pour la première fois par le célèbre astronome français Flammarion. Citons quelques exemples : la lutte de Cromwell contre le Roi d’Angleterre Charles I se termine en Janvier 1649 par le meurtre du Roi et c’est en 1648 qu’a eu lieu le maximum des taches. La révolution française de 1789, celles de 1830 et 1848, la guerre franco-allemande de 1870-71 et la Commune à Paris marquent quatre maxima des taches. La révolte de Pougatcheff en Russie (1771), le meurtre de l’Empereur Alexandre Il (1881,) la première révolution (1905) et la révolution de 1917, coïncident avec les maxima. Au contraire, la tentative des décabristes en 1823 a avortée lamentablement et pour cause : 1825 était l’année de minimum, lorsque les masses humaines restent inertes et passives.
La Grande Guerre commence en 1914 avec le réveil de l’activité solaire, bat son plein en 1917 - année de maximum - et se termine in 1918 quand la fièvre du Soleil commence à tomber.
On pourrait multiplier ces exemples à l’infini et je termine en évoquant deux d’entre eux qui sont particulièrement intéressants. Considérons les Croisades. Leurs dates sont les suivantes : la première se déroula en 1097 ; la deuxième, en 1147 ; la troisième, en 1189, après la prise de Jérusalem par Saladine en 1187 ; la quatrième, en 1202 et enfin la tragique et horrible Croisade d’Enfants de 1212. Les maxima des taches correspondants tombent aux années : 1096, 1144, 1188, 1200 et 1212. La coïncidence est parfaitement claire. Ajoutons que la première Croisade organisée de 1097 a été précédée par plusieurs vagues de Croisades spontanées de la population. Le mouvement a commencé en 1095 et il a coïncidé avec le cortège habituel caractéristique d’un fort maximum : en 1095 et 1096, il y a eu en Europe des troubles sociaux, une épidémie formidable de peste et des pogroms : tous les juifs de Rhénanie ont été massacrés, et les pogroms se sont étendus à toute l’Europe. De façon générale, on peut dire que les Croisades n’ont été rendues possibles que par l’état de surexcitation causé par les taches. Prenons comme dernier exemple les massacres systématiques des Juifs en Europe. Chose curieuse : on ne les persécutait et tuait que partout en même temps et uniquement pendant les maxima des taches. Voici quelques dates des derniers pogroms historiques qui sont en même temps celles des maxima : 1705, 1770, 1829, 1848, 1883, 1905.
On comprend mieux maintenant certaines croyances populaires bien enracinées et que l’on considérait à tort jusqu’à ce jour comme des préjugés indignes d’un homme cultivé. Ainsi, tous les peuples du monde savent que les comètes à queue longue et brillante annoncent les épidémies, les guerres etc. Ces queues ne sont longues et brillante qu’aux époques des maxima et ces derniers entraînent en effet leur cortège habituel des guerres et des maladies. Au Nord de l’Europe et du Canada, on considère les aurores boréales fréquentes et intenses comme étant des mauvais présages et c’est bien vrai, car les aurores ne deviennent fortes et fréquentes qu’à l’approche du maximum des taches.
A la lumière de ces faits, toute l’histoire de l’humanité prend un aspect nouveau. Il paraît que les guerres et les révolutions sont inévitables. Or, il semble au contraire qu’on peut prévoir et prédire les époques agitées et troublées quand les conflits sociaux et internationaux aboutissent à l’effusion du sang et à la destruction. Il est curieux de noter que dans le cycle arabe de douze ans, l’année du Lion est une année de guerres et de troubles.
La conduite sauvage de l’humanité qui, lors des périodes d’agitation, détruit périodiquement tout ce qu’elle a créé pendant les périodes calmes, s’explique d’une manière inattendue : les humains ne sont peut-être pas aussi libres qu’ils ne se l’imaginent volontiers. Ne seraient-ils pas plutôt des marionnettes qui exécutent des mouvements commandés par les forces cosmiques et qui s’agitent parce qu’ils sont forcés de se battre et de se détruire étant donné qu’ils ne peuvent qu’obéir au rythme solaire ?
Si c’est exact, les perspectives seraient bien tragiques : le progrès de la science et de la technique que rien ne peut plus arrêter amènerait fatalement à la destruction complète de la civilisation ainsi qu’à sa perte définitive. En effet, aux époques des maxima, toutes les découvertes scientifiques ne servent qu’à perfectionner les moyens de destruction dont dispose l’humanité. Pourtant, à mon avis, il ne faut pas désespérer et perdre la confiance dans l’avenir de notre espèce : le danger est déjà à moitié conjuré si on a compris d’où il vient. Les faits exposés ici ne font que souligner l’importance de la culture générale. C’est en l’étendant à tous que l’humanité pourra se défendre contre l’excitation émanant du Soleil, car chaque membre de la collectivité humaine, s’il a la culture suffisante, pourra opposer à l’influence des taches sa volonté et rester digne et calme.
Mais c’est un avenir bien lointain hélas ! et pour prévenir les malheurs causés par l’agitation des masses de l’humanité inconsciente, on ne peut compter actuellement que sur la prévoyance et la vigilance de ceux auxquels sont confiées les destinées et les vies des millions d’êtres humains. Souhaitons donc qu’ils tiennent compte de l’influence excitatrice des taches solaires, ne permettant pas aux peuples qu’ils gouvernent de se laisser gagner par la folie de destruction pendant les maxima des taches.
Permettez-moi pour terminer de poser ici la question du libre arbitre : l’homme, dans le petit cercle de ses intérêts et émotions personnelles, est-il aussi libre de choisir son chemin qu’il le croit ? L’éloquence des faits est la meilleure preuve et je vais vous citer des faits précis. Milieu du mois de juin 1915, les aurores boréales éblouissantes flambent au Nord et les orages magnétiques sont si forts qu’ils empêchent la transmission des messages le long des fils télégraphiques. Que se passe-t-il ? Un groupe formidable de taches est au méridien. Et en même temps, les batailles acharnées et sauvages se déroulent sur tous les fronts, dans l’air et sur la mer. Or, les batailles ne commencent que d’après l’ordre du haut commandement et cela prouve que les décisions suprêmes étaient prises par les chefs des armées formidables juste au moment où leurs cerveaux subissaient l’excitation venant de ce groupe de taches. Un autre exemple prouvant la même chose : Lénine a donné la 26 octobre 1917 l’ordre de commencer la bataille civile décisive, et ce jour ainsi que les jours précédents le Soleil était exceptionnellement agité : des nouvelles taches apparaissaient continuellement et plusieurs d’entre elles passaient par le méridien.
D’autre part, on a déjà observé et noté la coïncidence des discordes entre les époux ou entre deux ennemis, des suicides et des meurtres avec les orages magnétiques, mais ces dernières suivent généralement les passages des taches. Cependant, les taches ne peuvent pas faire naître une discorde là où il n’y en avait point, mais elles jouent le rôle de révélateur et poussent les hommes, en les excitant, à des décisions ou des actes irréparables. Les écrivains ont toujours souligné la facilité relative avec laquelle des décisions importantes engageant tout l’avenir sont prises au moment d’orages ou de tornades. Or, ces derniers constituent, ici-bas sur la Terre, le cortège habituel accompagnant le passage d’une tache solaire par le méridien. Ainsi, il apparaît que chacun de nous devient à l’époque de maximum beaucoup plus aventureux, entreprenant et courageux et parfois aussi beaucoup plus sauvage et brutal que d’ordinaire.
On prend souvent à l’époque d’un maximum des décisions que l’on regrette amèrement quelques années plus tard, à l’époque du minimum suivant, quand le calme et le bon sens vous reviennent.
Pour conclure, disons que Buckle a vu juste et les philosophes, les psychologues et les historiens ont eu tort de n’avoir pas suivi ses sages conseils : ils n’ont pas suffisamment tenu compte de l’influence du milieu naturel, où vit et s’agite en vain cet être infiniment petit orgueilleux et sauvage - orgueilleux parce que sauvage - appelé l’homme et qui s’agite sur ce grain de poussière perdu dans l’immensité de l’Univers qu’est la Terre. Ayant négligé le milieu naturel, ils ne l’ont pas étudié et ce sont les naturalistes qui ont acquis les quelques résultats que j’ai eu l’honneur de vous exposer se soir. Que les philosophes, les psychologues et les historiens n’en soient pas fâchés.
Docteur ès Sciences (Paris)
Ervand KOGBETLIANTZ