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Du messager à cheval au courrier électronique
Le Musée des Postes et Télécommunications de l’Iran
" Ni la neige ni la pluie, ni la chaleur et ni l’obscurité du chemin n’empêchent les courriers persans d’arriver à leur destination. " Cette fameuse citation d’Hérodote, historien grec, à propos des messagers achéménides prouve l’efficacité du système de communication de l’époque. En fait, les Perses furent la première nation qui inventa le système de communication qui se répandit par la suite dans le monde entier. A savoir, tous les recoins du pays furent désormais reliés grâce à un vaste réseau de routes parcourues par des messagers galopants. Constamment en voyage, ces derniers exigèrent un endroit afin de pouvoir s’y reposer et changer de monture. C’est ainsi que furent bâtis les relais de poste sous le règne de Darius Ier [1]. A titre d’exemple, à cette époque, la construction de cent onze relais de poste entre les villes de Suse [2] et de Sardes [3] facilita et même accéléra le travail de ces messagers, qui pouvaient désormais effectuer un trajet de 2683 kilomètres qui leur prenait auparavant trois mois par les caravanes, en une seule semaine. Après quelques changements, cette méthode fut ensuite adoptée par les mongols. Il faut également rappeler le rôle indéniable des Qâdjârs dans l’apparition de nombreux relais de poste. Par la suite, une modernisation considérable du système de distribution s’effectua sous la supervision d’Amir Kabîr ; les messagers prirent en charge la distribution des paquets, des courriers et des missives de l’Etat au sein et à l’extérieur du pays. Cette fonction fut confiée plus tard aux bureaux de poste.
L’édifice du bureau de poste de Téhéran fait partie des bâtiments les plus importants du Jardin National, qui est l’une de grandes fondations de l’époque. Ce bureau fut inauguré officiellement en 1934, sous la supervision de Nikolaï Markov [4], l’architecte georgien. Le bâtiment se situe dans la rue Imam Khomeiny à côté du fronton du Jardin National. La section réservée à la poste de l’Etat (l’aile est), le guichet (au centre) et la section des douanes des colis postaux (l’aile ouest), constituaient les trois parties principales du bureau. En 1990, cette dernière section fut transformée pour devenir le Musée des Postes et Télécommunications actuel. S’étendant sur près de 6000 mètres carrés, il occupe un tiers de la superficie du bâtiment entier (environ 18 000 mètres carrés). Le style architectural du bâtiment est une combinaison d’art achéménide, islamique de l’époque safavide et du style des Pahlavis. La façade en brique de l’ensemble avec ses escaliers et les piliers de pierre en augmentent la beauté. Le musée contient trois étages. L’aile est et l’aile ouest sont dessinées de manière symétrique et chacune possède une cour et quatre vérandas derrière lesquelles se trouvent de multiples salles et chambres. Elles sont ainsi un emprunt des caravansérails de quatre vérandas. Les deux cours sont actuellement couvertes, mais étaient découvertes une cinquantaine d’années auparavant. La partie centrale, couverte et enjolivée de trois coupoles décorées en plâtre, n’est guère analogue aux autres secteurs. Celui-ci est le centre symétrique de l’ensemble et sert d’entrée principale au bâtiment. Ce qui est remarquable dans cette construction demeure sa fondation de huit mètres comblée par de la pierre et de la chaux afin de la solidifier.
Le musée contient des salles variées et intéressantes réparties dans les deux étages principaux. La salle des ministres expose les photos des 72 ministres de la poste, du télégraphe et du téléphone dont le premier fut Aligholi Khân Mokhberodoleh. Tous les outils utilisés dans l’industrie de la poste sont exposés au public dans la salle consacrée aux objets postaux : les boîtes à lettres, les sceaux manuels, les machines d’annulation de timbre, les machines à écrire, les anciennes balances postales et les photos des vêtements officiels des facteurs des pays différents en sont quelques exemples. Une autre partie expose les images des martyrs de la poste et les boîtes à lettres déformées durant la guerre Iran-Irak. Dans ce même endroit se trouvent les boîtes ayant servit de colis postaux durant la période Qâdjâre dans lesquelles furent préservés des objets précieux, de l’argent et des timbres.
Le timbre constitue depuis son invention un média transmettant n’importe quel message à n’importe quel recoin du monde, sans aucune limite. Considérant l’ancienneté de l’usage du timbre en Iran (depuis 1868, c’est-à-dire environ 138 ans), les timbres de trois époques historiques ; Qâdjâre, Pahlavie et celle de la République Islamique sont présentés dans de nombreux panneaux vitrés. A leurs côtés, on trouve également des panneaux des timbres imprimés par 198 pays membres de l’Union Européenne des Postes. Tous les moyens de communication grâce auxquels l’homme a pu réaliser ses rêves sont rassemblés dans une autre grande salle. Celle-ci souligne toute l’évolution des appareils communicatifs en exposant tour à tour le télégraphe, le télex, le fax, différentes sortes de fibre optique et divers téléphones. Une salle de conférence et une cour centrale sont consacrées à l’organisation des cérémonies, des réunions et des expositions temporaires. Comme d’autres centres culturels, ce musée contient une bibliothèque assez riche contenant des livres et des journaux sur l’histoire de la poste, du télégraphe et du téléphone, ainsi que des timbres en latin, en français et en persan. La valeur historique de ces objets rivalise d’ailleurs avec ceux exposés au sein du musée. Outre ce dernier, d’autres constructions du même style architectural et de la même époque ont été édifiées dans le Jardin National, la place " Mashghe" d’autrefois.
Il est à noter que l’histoire de la place " Mashghe " est similaire à celle du quartier dans son ensemble, en raison de son voisinage avec le bureau de poste et d’autres édifices anciens. En réalité, cet endroit était destiné aux exercices militaires dans le royaume de Fath Ali Shâh [5], et les soldats y défilaient quotidiennement. Quant à Nassereddin Shâh [6], il la fit enclore d’un mur en brique. Il fit également bâtir une porte de ville en tuile bleue, au Sud-Est de là où il passait les troupes des soldats en revue. Plus tard, à l’époque de Rezâ Shâh [7], une caserne de style russe fut bâtie au Nord de la place en vue d’y loger les soldats cosaques. Elle est actuellement le monument le plus ancien du Jardin National. Ce nom rappelle également celui d’un vaste jardin public créé en 1928. Peu de temps après, il céda la place au centre culturel et, peu à peu et jusqu’en 1938, y apparurent les bâtiments gouvernementaux tel que le Musée National de l’Iran, la Bibliothèque Nationale, le Ministère des Affaires Etrangères, la Préfecture de Police, le Bureau de l’Etat Civil et le Bureau de Poste.
Tous ces édifices ont été les témoins de changements divers ; de révolutions, de dynasties renversées, comme de jours de paix. Et maintenant, au milieu des bruits des voitures et des préoccupations de la vie quotidienne, ils demeurent calmement, plus âgés… muets et reclus.
[1] Darius Ie : (486 av. J.C) Premier roi de Perse, fondateur de Persépolis. Il fut vaincu par les Grecs à Marathon. Il fit bâtir, chaque quatre lieues, des relais de poste pour que les messagers puissent s’y reposer.
[2] Suse : Capitale de l’Elam. Darius Ie en fit la capitale de l’Empire perse. (VIe siècle avant J.C).
[3] Sardes : Une ville grecque.
[4] Nikolaï Markov : Architecte géorgien, fondateur du Bureau de Poste et des Télécommunications de Téhéran, l’un des architectes de la Municipalité de Téhéran.
[5] Fath Ali Shâh Qâdjâr : L’un des rois qâdjârs, après Aghâ Mohammad Khân Qâdjâr. A son époque, les pactes de Golestân et de Turkamanshâi furent conclus entre l’Iran et la Russie. Il mourut à l’âge de 68 ans, après avoir régné durant 38 ans.
[6] Nassereddin Shâh : Fils de Mohammad Shâh qâdjâr. Il fut fusillé par Mirzâ Rezâ Kermâni et mourut après 49 ans de règne. Son ministre Amir Kabir fut l’instigateur de nombreux changements politiques, sociaux et culturels dont la construction du collège Dârolfonoun.
[7] Rezâ Shâh Pahlavi : Fondateur de la dynastie Pahlavi. Il régna 16 ans et mourut à l’âge de 67 ans.