N° 16, mars 2007

Mohammad Hedjâzi, romancier méconnu


Shâdi Favayedi


Mohammad Hédjâzi, écrivain iranien né en 1900 (1279) à Téhéran, connut un grand succès dans sa jeunesse et devint l’un des romanciers les plus à la mode de son époque. Son père, gouverneur de Kermânshâh, lui fit apprendre l’arabe et le français quand il n’avait que cinq ans. Après avoir terminé ses études aux écoles Eslâme et Saint Louis et avoir durement éprouvé la mort de son père, il devint employé au Ministère des Postes et Télécommunications à l’âge de quinze ans. Sa jeunesse coïncida avec la guerre, l’insécurité et les conflits politiques en Iran, qui deviendront plus tard les thèmes essentiels de ses œuvres.

Après avoir effectué des études de Sciences Politiques en France et réalisé une formation d’ingénieur en télécommunication en Belgique, il retourna dans son pays natal et occupa plusieurs fonctions au Ministère des Postes, pour ensuite devenir éditeur du journal Iran-e Emrouz (L’Iran d’aujourd’hui). Après l’abdication de Rézâ Shâh en 1941, il devint le directeur du service de propagande à la radio. Premier ministre et plusieurs fois sénateur de Téhéran, Hédjâzi connut un succès littéraire inédit durant les années 1925-1940.

En dépit de l’excellent accueil qui lui fut réservé par une jeune génération assoiffée de romans traitant de grandes passions, il resta presque inconnu durant des années. Néanmoins, sous le règne de Rézâ Shâh, il devint sans aucun doute le plus populaire des auteurs iraniens. Parmi ses romans qui portent toujours comme titre des noms de femme tels que : Homâ (1306/1927), Paritchehr (1308/1929), Zibâ (1311/1931), Parvâné (1331/1951), Séreshk (1333/1953), Zibâ apparaît comme étant l’œuvre la plus appréciée et centrale de cet auteur. La déclaration de Jamshid Iraniân " le roman persan a commencé avec Zibâ " va dans le même sens et confirme l’importance de ce roman resté cependant méconnu dans l’histoire de la littérature persane. Les éléments de Zibâ (La Belle) reflètent la situation de la société iranienne sous le règne de Rézâ Shâh. Cette œuvre importante dans la littérature contemporaine persane se démarque par son sujet, la diversité des personnages et leur conduite. Sous forme d’autobiographie, qui permet de souligner le côté réaliste de cette œuvre, Hossein, le protagoniste du roman, raconte sa vie en la replaçant dans les dernières années de la dynastie Qâdjâre afin d’échapper à la censure politique de son époque. Hédjâzi nous présente ses personnages dans leur totalité sans leur conférer un langage propre, ce qui pourrait être justifiable de par la nature autobiographique du roman.

Mohammad Hédjâzi

L’auteur dépeint de façon subtile le caractère hétérogène de la société iranienne où une hiérarchie patriarcale et traditionnelle cède la place à un état bureaucratique, entraînant dans son sillage une transformation des valeurs spirituelles en valeurs matérielles. Dans Zibâ, Hédjâzi adopte une démarche essentiellement réaliste (bien qu’elle soit sporadiquement imprégnée d’éléments romantiques), alors que dans d’autres œuvres l’auteur se veut romantique - à l’exception de Paritchehr qui renonce à une approche particulièrement réaliste ou bien romantique. En fait, son roman décrit les relations humaines basées sur le caprice et de pouvoir en vue de dénoncer ce qui se passait à la dérobée derrière le rideau trompeur de la politique. La corruption politique et administrative, qui donnent la priorité à l’argent et à la corruption sous toutes ses formes, n’aboutissent qu’à l’agonie totale du système. Parallèlement aux descriptions de la moralité dépravée qui domine la société de son époque, Hédjâzi dépeint de façon minutieuse les désenchantements issus de la non atteinte des buts essentiels de la Révolution constitutionnelle.

Dans de nombreux articles, Hédjâzi a manifesté ses contestations contre les politiciens et la politique, semblant vouloir ainsi compléter l’accomplissement de sa " mission " d’auteur. De par la dénonciation des vices de la société, ses personnages suggèrent d’arrache-pied ce message : le progrès matériel de l’homme entraîne sa dégradation morale graduelle, autrement-dit, la marche rapide vers la modernité n’est que le commencement de son malheur.

Bibliographie :

1. P. MATINE, Littérature historique en Iran, in. Encyclopédia Iranica, VIX, Téhéran, Amirkabir, 1382 (2003).

2. J. MESBAHPOUR IRANIAN, La réalité sociale et l’univers de l’histoire, Téhéran, Nashr-e Iran, 1343 (1964).

3. Sh. MESKOUB, L’histoire de la littérature et le récit de la société, Téhéran, Pajouhesh varzâné rouz, 1373 (1994).

4. M-A. SÉPANLOU, Les auteurs avant-gardes de l’Iran, Téhéran, Ketâb-e zamân, 1362 (1983).


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