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La découverte du premier puits de pétrole au Moyen Orient
Mortéza Johari
Traduit par
Masdjed Soleimân est une ville située au Sud-Ouest de l’Iran, dans la province du Khuzestân, à 150 km d’Ahvâz, au milieu de la chaîne des montagnes de Zagros.
Le climat y est sec et chaud et la température atteint 52 °C en été et 4 °C en hiver. Cette région abrite un site archéologique qui remonte à une époque antérieure à celle des Sassanides, et que les habitants de la région ont surnommée Masdjed Soleimân, c’est-à-dire la mosquée de Soleimân. Le même nom a été gardé pour désigner la ville qui a été construite dans cette région. Edifiée sur des hauteurs et des pentes, cette ville n’a pas de rues très rectilignes et ses différents quartiers ne sont que peu reliés entre eux, ces derniers ayant été créés séparément sur chaque pente. Elle contient également de nombreux vestiges tels que des temples de feu (Atâsh kadeh) remontant à l’époque des Achkans, ou encore des ponts datant de l’époque des Sassanides.
C’est au cœur de cette région déserte que fut découvert le premier puits de pétrole au Moyen-Orient, en 1855. Parmi les premiers techniciens étrangers qui par la suite vinrent en Iran, le géologue anglais Loftus examina les bassins de pétrole enduits de goudron pour en déterminer la valeur et écrire un article sur ce sujet, après avoir effectué une expédition de sept jours. Dans cet article, il avait indiqué que de nombreuses sources pétrolifères goudronneuses naturelles se trouvaient sans doute dans les montagnes de Bakhtiar, entre le site archéologique de Masdjed Soleimân et de Haftgel. Ces ressources en pétrole se situaient donc dans une région aride et impropre à l’agriculture, riche en pierre noire, en craie et en calcaire. Une famille appelée Sâdât Shushtari vivait dans cette région et était surnommée " Sâdât Ghiri" ("goudronneux") ; et ce à cause des résidus de goudron qui restaient à la surface après les écoulements pétrolifères. Chaque année, ces gens venaient à la mosquée de Soleimân afin de rassembler les résidus de goudron et les vendre aux alentours, le monopole de la vente de ces résidus leur appartenant. George Bernard Reynolds fut le premier à découvrir le pétrole et à en commencer l’extraction en Iran, dans la région de la mosquée de Soleimân.
A l’époque du roi, Naser-e Din Shâh, le 6 juillet 1901, quatre mois après que les droits d’exploitation aient été donnés à William Darsi, il entra au service de celui-ci. Reynolds avait terminé ses études de pétrochimie en Inde et avait travaillé dans les régions pétrolifères de Somantra. Il avait étudié la géologie lui-même, et, en bon cavalier qu’il était, chevauchait à son aise dans les régions les plus difficiles. Il parlait parfaitement le persan avec l’accent de la région de Bakhtiâr et de Shushtar. L’exploitation commença dans la région de "Tchia-sorkh", située entre Ghasr-e-Shirin et Ghanghin en Irak. Ce mode d’exploitation ne plaisait pas à Reynolds qui estimait qu’il valait mieux se rapprocher des ports pour réduire les coûts d’exploitation et de transfert. La construction d’infrastructures permettant de transférer le pétrole de la région de Kermânshâh aux côtes du golfe Persique exigeait beaucoup de temps et d’argent ; cependant, pour tenter de mettre en place ce projet, Reynolds partit pour le sud de l’Iran. A l’époque, la situation interne de l’Iran était des plus instables et rien ne pouvait être entrepris sans l’autorisation et la coopération des Khâns. Reynolds décida d’entrer en relation avec As’ad Khân Bakhtiâri, qui était le chef, à l’époque, de tous les Khâns de la région et jouissait d’une grande influence auprès des nomades. Après de longs pourparlers, un accord fut finalement conclu et Reynolds commença ses travaux. Après quelques temps, ce dernier estima que ce travail n’aurait pas les résultats attendus et en 1907, avec l’aide et le matériel qu’il avait obtenu d’As’ad Khân, il repartit pour la région de la mosquée de Soleimân. Il avait toujours espéré trouver du pétrole et pouvoir l’exploiter au sein même de cette région.
C’est ainsi que le 16 mai 1908, le premier puits de pétrole d’une profondeur de 360 mètres fut découvert, entraînant la joie des exploiteurs et des habitants de la région. Entre 1909 et 1910, les canalisations furent installées reliant la moquée de Soleimân au port d’Abadan, où une raffinerie fut construite ainsi qu’une route menant à Dar Khazineh, à 70 km de la mosquée de Soleimân. Par la suite, le mouvement de construction qui s’engagea donna naissance à la nouvelle ville de la mosquée de Soleimân. La grande majorité de ces habitants travaillaient aux exploitations pétrolifères. Par la suite, le docteur Bang créa un hôpital et devint un des responsables de l’exploitation. Quand le secteur du pétrole fut nationalisé, des techniciens et spécialistes Iraniens remplacèrent progressivement les étrangers. Ce mouvement se prolongea également après la Révolution de 1979.
La ville de la mosquée de Soleimân, qui fut bombardée plusieurs fois lors de la guerre Iran-Irak et subit de lourds dégâts, fut rapidement reconstruite et a permis la réalisation de progrès immenses dans le domaine de l’industrie pétrolière. Elle est devenue depuis la capitale du pétrole en Iran.