|
|
Il existe en Iran deux systèmes généraux de sécurité sociale : l’aide fournie par l’Etat et celle fournie par les associations caritatives, souvent à vocation religieuse. De nouvelles formes d’aide sociale destinées aux femmes et aux personnes âgées ont également vu le jour, et les services déjà existants ont connus de nettes améliorations dans tous les domaines. En outre, la guerre Iran-Irak a eu un impact non négligeable dans ce domaine en obligeant l’Etat à débloquer des fonds et à mettre en place des caisses de protection et de soutien aux vétérans, aux familles des combattants, ainsi qu’aux réfugiés.
Aujourd’hui, plus de 85 % des citoyens Iraniens sont couverts par l’un des services de la Sécurité sociale comprenant la retraite, l’assurance maladie, la Caisse de retraite de l’Armée, et diverses caisses assurant les employés des institutions publiques et semi-publiques. La plus importante de ces caisses reste l’"Organisation de la Sécurité Sociale " qui couvre à elle seule 70% des Iraniens et comprend également l’Assurance des aides médicales qui couvre 85 % de la population. Avec ses ambitions de soutien aux opprimés, la Révolution islamique a réussi dans une large mesure à apporter un soutien effectif aux couches les plus vulnérables de la société, que ce soit par la voie de l’affiliation aux nombreux fonds rattachés au Ministère du Bien-être et de la Santé publique, ou par la voie d’associations religieuses étatiques puissantes telles que le Comité Emdâd-e-Emâm Khomeiny (Comité d’aide Imam Khomeiny), Bonyâd-e-Shahid (Fondation du martyr), ou Bonyâd-e-Mostazafân (Fondation des déshérités).
Un nouveau ministère nommé Ministère du Bien-être et de la Sécurité Sociale a vu le jour en 2005 en vue d’harmoniser et de mieux contrôler l’activité des divers organismes de sécurité sociale. C’est l’organe le plus important en matière d’aide sociale en Iran : en effet, il couvre de façon uniforme l’ensemble du territoire en portant une attention toute particulière aux couches les plus défavorisées de la population. Tous les centres et caisses sociales gouvernementales, c’est-à-dire l’Administration des aides médicales, la Caisse de retraite, l’équivalent de la DDASS iranienne, la Caisse d’assurance vieillesse des personnes habitant en zone rurale et des nomades, ainsi qu’une Caisse d’urgence récemment créée, dépendent de ce ministère. Les aides sociales sont souvent adaptées au niveau local de façon à ce que chaque personne puisse recevoir un minimum de protection. Ces aides comprennent les assurances maladies, les prêts au logement, les retraites ou un minimum financier pour les personnes âgées ou incapables de subvenir à leurs besoins. L’accès aux soins est uniforme mais les personnes âgées et les personnes ayant des maladies nécessitant des traitements coûteux sont couvertes par des services médicaux particuliers.
Depuis quelques années, de nouveaux services proposant une aide psychologique aux gens âgés ont été créés, tandis que les maisons de retraite prennent de plus en plus en compte de la nécessité d’offrir un soutien affectif et psychique à leurs pensionnaires. De nouvelles maisons de retraite employant de cadres spécialisés qui tentent de vaincre l’apathie et le désespoir moral
des personnes âgées ont également été construites. Cependant, le système souffre d’un cruel manque d’informations et de publicité des services d’aide sociale proposés, manque ou absence qui touche surtout les personnes âgées. Des aides comparables existent en ce qui concerne les enfants ou les handicapés.
Bien que des efforts fructueux aient été fournis en matière de sécurité sociale et de santé publique, il reste encore beaucoup à faire, et dans ce domaine, il faut également souligner le rôle essentiel joué par les associations privées ou publiques caritatives qui contribuent à compléter l’action de l’Etat.
Outre le Ministère du Bien-être et ses organisations affiliés, d’autres organismes publics ou paraétatiques ayant vocation à protéger les couches les plus vulnérables de la société ont vu le jour à la suite de la Révolution. Il s’agit de grandes fondations à vocations caritatives évoquées précédemment et qui contribuent à pallier certaines déficiences du service public, notamment durant la guerre Iran-Irak. La plus importante de ces fondations est le Comité Emdad-e-Emâm Khomeyni, fondé en 1979. Elle vise avant tout à protéger et à favoriser l’insertion sociale des plus pauvres, en particulier des orphelins, des personnes âgées et des handicapés appartenant aux tribus nomades ou vivant en zone rurale, et d’une manière générale de toutes les personnes ne disposant d’aucune couverture sociale. La fondation Panzdah-e-Khordâd a été créée en 1981 et a la même vocation que le Comité Emdad, cependant, étant donné les nécessités de reconstruction dans les régions pauvres, elle s’est spécialisée dans l’édification d’infrastructures telles que des barrages, des routes et des ponts dans les régions les moins développées. Cette fondation s’occupe également de la construction d’écoles, de dispensaires médicaux, centres culturels, coopératives agricoles, hôpitaux et maisons de retraite.
Dotées d’un financement semi-public, ces fondations participent de façon active à l’économie nationale en créant des
multitudes de sociétés et d’entreprises qui leur permettent d’avoir des sources de financement indépendamment de celles de l’Etat. Par conséquent, elles contribuent de façon concrète à l’accroissement du PIB iranien.
Face au rôle du secteur public, des réseaux de solidarité privés très divers se sont également progressivement constitués. Les classes moyennes urbaines se sont révélées particulièrement actives dans ce domaine, en mettant en place de nombreuses associations à vocation caritative, qui sont venus compléter les réseaux traditionnels d’aides, notamment celles dispensées par les familles ou les organismes religieux. Ce réseau privé contribue également à la progressive constitution d’une sphère sociale autonome et non dépendante de l’aide de l’Etat.
Pourtant, il reste beaucoup à faire avant que l’Iran puisse prétendre atteindre à une couverture sociale similaire à celle de certains pays occidentaux comme la France ou l’Allemagne. Bien que la majorité des droits sociaux évoqués dans les diverses chartes internationales et les aides qui y sont rattachées soient fournis en Iran (droit à la protection contre la maladie, à la retraite, etc.), elles ne bénéficient pas à l’ensemble des citoyens et demeurent souvent insuffisantes. Citons par exemple l’allocation chômage. Aujourd’hui, avec un taux de chômage qui frise les 25%, cette allocation ne couvre que les besoins les plus immédiats de l’affilié.
Le secteur le plus développé de la sécurité sociale iranienne est sans aucun doute celui de la santé. L’Iran a réussi à généraliser les services préventifs de santé publique en créant un vaste réseau de soins de santé primaire. En conséquence, plus de 85 % de la population a accès à des services de santé.
Pourtant, pour cette sécurité sociale en plein développement qu’est celle de l’Iran, de nombreux défis se profilent à l’horizon dont le plus important concerne le vieillissement de la population iranienne dans les décennies à venir, et qui implique un rapide et vaste développement des infrastructures nécessaires à la protection de cette catégorie de la population. A l’instar de nombreux pays occidentaux - de façon moins prononcée -, l’Iran devra faire face à un rapide vieillissement de sa population : selon le recensement de 1996, 6,6% de la population (environ 4 millions de personnes) a plus de 60 ans, alors qu’elle constituera de 20 à 25% de la population d’ici à 2030. Par conséquent, des solutions doivent être adoptées, en regard du contexte économique et social et des valeurs présentes au sein de la société iranienne.
Jusqu’à il y a deux décennies, la plupart des personnes âgées vivaient avec leur famille et continuaient à y avoir une place et un rôle central. Mais aujourd’hui, pour des raisons surtout économiques, beaucoup préfèrent se séparer de leurs parents âgés. Résultat : de plus en plus de personnes âgées souffrent de problèmes affectifs et psychiques liés à la solitude et à la perte de motricité. De plus, bien que d’immenses efforts aient été fournis en vue de permettre aux personnes âgées d’être financièrement indépendantes, ces efforts ne couvrent que les personnes touchant une retraite, excluant ainsi une grande partie de la population. En conséquence, près de la moitié d’entre elles dépendent financièrement d’une tierce personne ou de leur famille. Ainsi, près de 60 % des personnes âgées en Iran ne bénéficient pas d’une couverture sociale adéquate et suffisante, les femmes étant plus touchées par ces difficultés que les hommes. L’exode rural a également contribué à renforcer le problème, en créant tout un phénomène d’isolement des personnes âgées restées au village.
Enfin, on pourrait ici faire allusion à l’une des carences les plus graves du système d’aide sociale iranien qui est la quasi-absence de structures d’aide à domicile. Alors que les soins médicaux ne cessent de s’améliorer et que l’espérance de vie augmente de jour en jour en Iran, le développement de telles structures de services privés ou publics d’aide à domicile se révèle de plus en plus nécessaire.
La famille a souvent un rôle prépondérant pour remédier aux défaillances et aux manques du système d’aide social mis en place par l’Etat. Leur rôle est non seulement économique, mais également affectif. Une question que l’on pourrait se poser aujourd’hui est de savoir s’il faut davantage chercher à développer les services publics dans le domaine de la santé, ou davantage chercher à fortifier les réseaux de solidarité familiale et de la communauté, tout en apportant une aide éventuelle si ces derniers sont défaillants ?
La réponse dépendra de l’évolution des mentalités et surtout de la façon de considérer les personnes âgées. Seront-elles considérées par les jeunes générations comme des fardeaux pour la société ou comme des personnes ayant un rôle social important à jouer ? Dans tous les cas, l’influence croisée des mutations sociales, de la montée de l’individualisme et de l’exode rural s’est traduite par un affaiblissement des solidarités traditionnelles et l’amenuisement de la notion de respect et de responsabilité envers les générations précédentes.
Il faut donc modifier la perception que l’on a, ainsi que cette classification statistique déshumanisante de " personnes âgées ", pour que ces personnes puissent être considérées comme membres à part entière de la famille ayant un véritable rôle à jouer au sein de la société, les grands-parents ayant d’ailleurs un rôle social important à jouer au sein de la famille et auprès de leurs petits-enfants. Quoiqu’il en soit et comme nous l’avons précédemment évoqué, on a assisté en Iran à un changement progressif des mentalités ; garder ses parents âgés chez soi n’étant plus une évidence comme cela pouvait l’être autrefois. En conséquence, plusieurs maisons de retraite et divers centres destinés à l’accueil des personnes âgées ont été progressivement construits. Les multiples projets de construction de maisons de retraite laisse également à penser que l’Iran semble s’orienter de plus en plus vers un traitement institutionnalisé du problème.
L’Iran a su relever au moins en partie le défi que représentaient la pauvreté et l’insécurité sociale consécutives aux changements sociaux extrêmement rapides qu’il connaît depuis cinq décennies. Ces changements sociaux, visibles dans toutes les sociétés en voie de développement, permettent à l’Iran de se distinguer, dans le domaine de la sécurité sociale, des pays aux situations économiques et sociales partiellement comparables de par le relatif bon fonctionnement de ses services sociaux.
Pourtant, d’autres défis non moins importants que le vieillissement de la population sont aujourd’hui à relever. On peut citer l’augmentation rapide de la toxicomanie, les problèmes liés à l’exode rural incontrôlé s’étant souvent soldé par des phénomènes d’exclusion sociale et par conséquent par une augmentation du nombre des sans domiciles ou des enfants des rues.
Il y a également les problèmes liés à des maladies taboues telles que le sida. D’ailleurs, il faut signaler qu’en la matière, les services d’aide sociale tentent de briser ce tabou en menant de vastes campagnes de prévention ainsi qu’en octroyant des soutiens financiers et médicaux corrects aux séropositifs. On constate donc un très lent changement des mentalités par rapport à cette maladie.
Un autre défi à relever demeure la présence d’une grande disparité des investissements selon les provinces, qui a eu pour conséquence une augmentation considérable de la pauvreté et des problèmes sanitaires au sein de certaines régions.
Enfin, la société iranienne demeure très inégale et affiche un taux officiel de pauvreté de 18%. Il faudra donc créer de nouveaux mécanismes de solidarité au sein d’un système financé essentiellement par les revenus pétroliers et non basé, comme c’est souvent le cas dans certains pays européens, sur les cotisations des personnes employées et valides destinées à financer les besoins des personnes dans le besoin et qui permette également de renforcer une certaine forme de lien social.