N° 15, février 2007

Attâr de Neyshâbour


Mortéza Johari
Traduit par

Helena Anguizi


"Gloire au créateur du monde *** Celui qui donna vie à la terre".

Abou Hâmed Faridoddin Mohammad Ben Ebrâhim, connu sous le nom de Attâr, compte parmi les plus grands écrivains et philosophes du VIème et du début du VIIème siècle de l’hégire lunaire. Par l’étude de ses écrits, nous pouvons estimer qu’il a vécu entre 540 et 618 de l’hégire (XIIIe siècle). Né à Shâdyakh ou à Kadkan (ces deux villes sont des districts de Neyshâpour, ville qui, en 548, fut détruite et rebaptisée Shâdyakh après sa reconstruction, d’après le nom d’un quartier de l’Est de la ville. Par la suite, cette ville fut la cible d’une seconde attaque lancée par les mogols et Neyshâbour repris son ancien nom), ce célèbre poète fut surnommé " Attâr " (parfumeur) en raison du métier qu’il exerçait et qu’il avait appris de son père. Cela l’amena à acquérir une certaine connaissance en plantes médicinales. Durant la rédaction de ses premiers écrits philosophiques, il continua à soigner les malades. On retrouve aujourd’hui dans ses poèmes la trace de ce savoir faire ; mais nul n’a jamais vraiment su par qui et comment Attâr avait appris la médecine douce. Toujours en nous rapportant à ses écrits, on se rend compte que c’est durant cette même époque que les braises de la révolution intérieure du poète s’enflammèrent, car ses écrits dits révolutionnaires datent de la même période. Donc, la célèbre légende sur la grande révolution de Attâr serait fausse, si on suit cette hypothèse. En lisant Mossibatnâmeh ou Ellâhinâmeh, on constate clairement que c’est en mettant de côté l’aspect matériel de son métier qu’Attâr a découvert les secrets de la nature et qu’il a accédé au rang de mystique.

La diversité de la pensée de Attâr dans le domaine du mysticisme montre qu’il a eu dès son plus jeune âge, une haute connaissance des sciences naturelles et semble s’en être servi toute sa vie. Et ce ne sont point les écrits de Djâmi qui, dans son Nafahâtol-Onss, qualifie Attâr d’"oweyssi " (chez les sophistes, se dit de quelqu’un qui hérite de la spiritualité du vénéré prophète et qui ainsi passe toutes les étapes et atteint l’apogée du mysticisme), qui lèvent le doute sur certaines questions. Les œuvres de Attâr constituent à elles seules le témoignage des connaissances et du savoir-faire immenses du poète.

" La pensée de Attâr et la manière dont il réfléchit sont purement philosophiques, sans pour autant imiter Platon", souligne un chercheur minutieux avant de préciser :" Bien que sa pensée soit avant tout philosophique, Attâr traite des questions philosophiques profondes avant tout selon le point de vue d’un poète et d’un homme de lettre".

Attâr est un poète philosophe et un mystique. Hormis son écriture lyrique, il traite en douceur et en artiste les questions philosophiques.

Attâr est sans l’ombre d’un doute l’un des meilleurs représentants de la parole philosophique et mystique iranienne après l’Islam d’une part, mais il est aussi celui dont les travaux reflètent tel un miroir le goût et la littérature persane. Beaucoup de récits existent à son sujet. Ainsi, on raconte notamment que lorsque Attâr eut atteint un certain âge, Bahâeddin Mohammad, le père de Djallâleddin Mohammad plus connu sous le nom de Molâvi, se rendit en Irak accompagné de son fils. Sur la route, une fois arrivé à Neyshâbour, il se alla chez Attâr qui remit au jeune Djallâleddin un exemplaire de son Asrârnâmeh (Le livre des secrets).

Attâr était un homme très actif, mais malgré sa grande occupation aussi bien lorsqu’il exerçait son métier de parfumeur tout comme les moments où il se retirait pour ses méditations, il aimait écrire et composer des vers.

S’il est vrai que dans ses écrits, Attâr s’inspire de la pensée philosophique, sa poésie est tout ce qu’il y a de plus persan et ne reflète en rien une pensée étrangère.

Parmi ses plus célèbres travaux on peut nommer : Elâhinâmeh, Asrârnâmeh, Djavâhernâmeh, Khosrownâmeh, Mossibatnâmeh, Mantegh’ot -Teyr (le langage des oiseaux, qui fut traduit dans de nombreuses langues et notamment en français), les recueils de Ghazâls, Mokhtârnâmeh et bien d’autres.

L’hyperbole et l’exagération sont souvent présentes dans ses écrits :

"L’amour n’ayant depuis toujours fait qu’un avec l’âme

C’est mon propre amour qui me fait me surpasser"

Mossibatnâmeh

Il se compare parfois à un idolâtre et considère sa poésie comme une idole :

" De ta vie, si chère, pourquoi n’as-tu fait que des paroles

Quand te mettras- tu enfin à l’ouvrage ?

Ton idole est la poésie et je ne te vois rien faire d’autre que l’idolâtrer

Ton éloignement a commencé par la poésie : ton idole

Celle même qui t’a éloignée de Dieu

Autant d’idoles j’ai brisé

Face à ma poésie je reste un idolâtre".

Dans ses écrits Attâr évoque également la particularité et l’indépendance de sa poésie :

" Dieu merci, je ne fais pas partie d’une cour et grâce à cela ne reçoit aucune injure

Comment aimer tel ou tel ignoble et lui attribuer le nom de Dieu

Jamais je n’ai été nourri par un tyran et aucun éloge je n’ai fait en son nom".

Plus loin, il affirme également :

"Si tu es heureux et penses qu’Attâr raconte des histoires

Eh bien pour toi, mieux vaut rester endormi…

En ce monde, n’ayant vu aucun confident,

Je ne me suis confié qu’à ma propre poésie

Si de secrets tu es en quête

Il faut pour cela te sacrifier

C’est parce que j’ai tant enduré pour ce poème

Que mes vers en ont saigné"

De nombreux mystiques et professeurs ont étudié et médité ses poèmes, et notamment le chercheur Badiozzamân Forouzânfar. Entres autres ouvrages critiques, on peut citer le fameux Etude et critiques des œuvres de Sheîkh Faridoddin Mohammad Attâr Neyshabouri. Cette étude analyse de façon approfondie certaines grandes œuvres de Attâr dont Ellâhinâmeh, Mantegh’ot-teyr, ou encore Mossibatnâmeh.


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