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Téhéran est un passage presque obligé pour découvrir l’Iran. A son égard, j’ai le plus souvent entendu des critiques : une ville mal aménagée, toujours encombrée et polluée. L’hiver y est rude et l’été, impitoyable, transforme la ville en une mer de poussière. L’air sec émane alors dans les ruelles étroites et les rues neuves dépourvues d’ombre, sans qu’un souffle d’air extérieur ne puisse laisser s’infiltrer un peu la fraîcheur de la nuit. Tracées au couteau, les larges avenues ne semblent pas garder un cachet particulier. Autant dire qu’à première vue, la ville n’a rien pour séduire. Peut-être que les détracteurs de Téhéran ont bien raison. Sans doute Chiraz ou Ispahan sont-elles des villes plus agréables à vivre. Sans doute. Mais n’empêche qu’aucune autre ville en Iran ne présente les particularités de Téhéran. Cœur culturel de l’Iran, centre politique et économique, Téhéran nous présente à sa manière une facette de l’identité iranienne.
Pour tenter d’apprivoiser cette capitale aux dimensions tentaculaires, je m’engage dans l’infinie avenue ValiAsr. S’étendant sur trente-trois kilomètres, avec un dénivelé de quelques centaines de mètres, cette avenue constitue l’artère routière nord-sud la plus importante. Les bus de la ville mettent bien plus d’une heure pour la parcourir dans sa totalité. Ce petit jeu semble tout d’abord infernal, avec les arrêts et redémarrages intempestifs. Puis ce voyage en bus devient, à mes yeux d’étrangère, très instructif. Progressivement s’opère une sélection des passagers. A mesure que l’on s’éloigne du sud de ValiAsr, on atteint les lieux résidentiels les plus chics de Téhéran.
Une lumière blanche et saturée de poussière enveloppe le sud de la ville. Elle diffuse, à la manière d’un four, une chaleur implacable. Autant dire que cela concourre à son charme : apprécier le passé persan mais tout d’abord le mériter en supportant ce climat. Telle doit être la devise de tout voyageur à Téhéran. Les curiosités historiques et actuelles qui modifient le paysage urbain sont l’Université de Téhéran et l’université d’Amir Kabir. Elles donnent un ton estudiantin et intellectuel à tout le quartier d’Enghelab, achalandé de librairies. Encore un peu plus au sud, se trouvent le grand bazar de Téhéran où ne pas se perdre paraît être inconcevable, et le palais des Roses (le " Golestân ") qui était l’ancienne résidence des Rois Qâdjâr (1794-1925) et Pahlavi (1925-1979). Ce palais se trouve devant l’entrée principale du bazar. Se situant à l’emplacement de l’antique citadelle du bazar, il est aujourd’hui recouvert de magnifiques parterres de fleurs. Ses cours pavées et ses bassins en faïence font de ce lieu une des merveilles de Téhéran. Les places de l’Imam Khomeiny et de l’Imam Hossein ainsi que toutes les rues qui les jouxtent (la rue Saadi avec son bazar aux vêtements, par exemple) sont autant d’endroits où flâner est un réel plaisir pour oublier un instant un quotidien morose, chargé de multiples problèmes économiques. Dans la rue Ferdowsi a été établi, dans les années soixante, le musée des Joyaux de la Couronne, rassemblant les plus beaux bijoux de l’Iran des siècles derniers. Sont à signaler le diamant Darya-ye Nur de 182 carats - le plus célèbre de ce lieu -, et l’énorme globe terrestre de 38 kg - composé de 53 506 pierres précieuses -, sans compter les innombrables épées et couronnes royales incrustées d’émeraudes, de saphirs et de perles.
Un peu plus haut, toujours sur l’avenue Vali’Asr, s’étend le parc résidentiel du dernier Châh, comprenant plusieurs palais qui appartenaient à différents membres de la famille. Ce site constitue un endroit incontournable pour comprendre l’histoire nationale et évaluer le faste dans lequel semblait vivre le Châh. De plus, ses abords ombragés permettent d’échapper un instant à la frénésie urbaine.
Les musées sont nombreux et parsemés à travers tout Téhéran : le Musée National d’Iran de la rue S. Yarjani, le Musée des Tapis, le Musée du Verre et de la Céramique, le Musée des Beaux- Arts.
Au nord, vers Tajrich et Shémiran, s’est constitué le nouveau pôle économique dynamique, surpassant l’ancien quartier royal. C’est désormais dans ce quartier que l’on trouve les boutiques et restaurants les plus chics de tout Téhéran. Ici, ce n’est plus le bleu persan des faïences qui triomphent mais le vert. Des jardiniers ont en effet œuvré afin de rendre le quartier plus agréable à vivre. Alors, franchir un grand portail et entrer dans un jardin deviennent des moments précieux. Une odeur de fraîcheur, de terre et de feuillage vous emporte vers des lieux bien loin de Téhéran. Les quartiers résidentiels sont par ailleurs placés au pied des montagnes. Ces quartiers dominent ainsi toute la ville et surtout ils reçoivent ce petit air frais émanant directement de la montagne. A la fin même de certaines de ces rues débutent les chemins de randonnée. C’est ainsi que de nombreux Téhéranais consacrent leur fin de semaine à l’ascension de la paroi rocheuse de Tochal.