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Dar-ol-Fonûn, l’école fondée par Amir Kabir le sage
Hassan Reza Rafi’
Traduit par
L’école Dar-ol-fonûn est intimement liée au nom d’Amir Kabir. Ainsi, si cette dernière est restée vivante dans les souvenirs, c’est grâce à sa relation avec la personnalité éminente d’Amir Kabir qui l’a crée en vue d’améliorer le niveau scientifique de l’Iran. Et si les Iraniens se souviennent encore de cette personnalité, c’est parce que sa plus grande réalisation, le Dar-ol-fonûn, a réussi à résister aux péripéties de l’Histoire et a gardé vivant le souvenir de son fondateur.
Pour les Iraniens, le Dar-ol-fonûn n’est pas seulement un lieu historique mais également une institution sacrée qui impose le plus grand respect. Ainsi, ce lieu a été fondé sur la base de l’idée que l’intelligence est un don du ciel, tel que l’indique le Coran :
"Il donne la sagesse à qui Il veut.
Celui à qui la sagesse a été donnée bénéficie d’un grand bien.
Ceux qui sont doués d’intelligence
Sont les seuls à s’en souvenir."
Sourate "Al-Baqara", verset 269
Le Dar-ol-fonûn fut donc fondé par Mirzâ Taghi Khân Amir Kabir en vue de former des spécialistes chargés d’organiser et de régulariser les différentes activités du pays. Cette institution devait être le symbole de l’ordre, de la loi et de l’éducation en Iran. Ni le vent, ni la chaleur, ni les averses ne devaient pouvoir altérer cette construction. Si les bâtiments initiaux de l’époque d’Amir Kabir, datant de 1929, ont totalement disparu, d’autres bâtiments ont été construits depuis.
Amir Kabir vécut pendant une des périodes les plus agitées de l’histoire iranienne. Après les nombreuses défaites iraniennes face aux Russes, les riches terres de Ghafghâz furent cédées aux étrangers.
Les visées britanniques en Afghanistan et dans les villes iraniennes de Herât et de Kandahar inquiétaient Amir Kabir à tel point qu’il commença, dès son arrivée au pouvoir, à renforcer la défense militaire de l’Iran. Selon lui, la réussite du pays dépendait de l’existence de personnes instruites et de militaires expérimentés. Avant lui, d’autres personnalités telles qu’Abbâs Mirza ou Hâj Mirza Arâsi, chancelier d’Ahmad Shâh, en avaient déjà fait l’observation.
Abbâs Mirza avaient envoyé plusieurs personnes en Angleterre pour qu’ils y complètent leurs études. A l’époque de Hâj Mirza Aghâsi, cinq autres avaient été envoyées en France.
Amir Kabir était cependant persuadé que le seul moyen de résoudre les lacunes scientifiques était de réformer le système éducatif à l’intérieur même du pays ; c’est dans cette optique qu’il décida de créer un centre d’enseignement des sciences modernes et particulièrement des sciences militaires à Téhéran. La construction de ce centre commença en l’an 1266 de l’hégire (1887), dans la partie nord-est du palais royal qui était jusqu’alors une caserne. L’architecte Mirzâ Reza, qui avait étudié en Angleterre, fut choisi pour dessiner les plans. On fit par la suite appel à Mohamad Taghi Khân pour la construction des bâtiments. Les lettres d’Amir Kabir, les articles de journaux et autres documents de l’époque révèlent qu’aucun nom particulier n’avait été choisi pour ce bâtiment qui était appelé "Ecole", "Nouvelle Ecole" ou encore "Ecole Royale ou Militaire".
Le Dar-ol-fonûn ouvrit ses portes en 1268 de l’hégire, au mois de Rabbi’-ol-awal, et les travaux de construction s’achevèrent l’année d’après. Cette école comptait cinquante petites classes disposées autour d’une cour carrée. Ces classes étaient décorées de motifs sculptés et une terrasse couverte s’ouvrait devant chacune d’elles. Au milieu de la cour se trouvait un grand bassin entouré de parterres de fleurs, d’arbres et d’allées pavées. A l’étage de l’est du bâtiment, derrière les magasins, on pouvait apercevoir les bureaux du Ministère des Sciences et de la Pensée islamique.
Au nord du bâtiment, derrière les locaux actuels des communications, se trouvaient plusieurs pièces plus ou moins grandes appartenant aux étudiants de l’école militaire, puis, plus loin, le coin de la fanfare.
Cette institution comptait également des laboratoires de physique, de pharmacie et de chimie, une imprimerie, une bibliothèque et une cantine. Dans l’une des pièces, deux squelettes servaient aux étudiants en médecine pour l’étude de l’anatomie.
Au début de l’année 1925, le ministre des sciences Nir-ol-molûk acheta les terrains situés au sud de l’école et y fit construire une grande salle de théâtre afin que Nasser-e-din Chah, qui s’était épris de théâtre lors de ses voyages en Europe, puisse y organiser des représentations.
Au début, les portes d’entrée de l’école se trouvaient rue Homâyûn mais elles furent par la suite transférées rue Nasserieh, qui est l’actuelle rue Nasser Khosro.
Huit ans après l’ouverture, les diplômés de l’école se rallièrent aux groupes de franc-maçonnerie ou aux organisations de Mirza Malek Khân, tandis que Nasser-e-din Chah commençait à se désintéresser de l’école.
Cette institution resta en place près de huit decennies après la mort d’Amir Kabir puis fut totalement démolie en 1959. Cette année-là, le ministre de la culture, Mirza Yahyâ Khân Etemâd-o-doleh, ordonna la démolition des locaux et fit construire le bâtiment actuel avec l’aide de l’architecte russe Markov. Un autre ministre de la culture de l’époque, Ali Asghar Hekmat, ajouta d’autres bâtiments au nord et au sud de l’institution.
L’école est actuellement composée d’un bâtiment, situé au nord-est, qui s’ouvre sur la rue Nasser Khosro. A l’entrée, deux colonnes argentées supportent le portail orné d’un tableau en bois marron sur lequel est inscrit le nom et la date de la fondation de l’institution - 1268 de l’hégire - en mosaïque. Le bâtiment en lui-même comporte deux étages abritant près de trente deux classes. Une salle de théâtre et un restaurant ont été construits dans la partie sud, c’est à dire dans la partie initiale de l’institution.
A l’époque d’Amir Kabir, des terrasses servaient de passage entre les différentes classes. Le bâtiment actuel comprend un couloir auquel on accède par des escaliers et qui relie les différentes parties du bâtiment. Chaque classe a trois fenêtres qui donnent sur les espaces verts du jardin. A l’ouest du bâtiment, il existe un couloir long de vingt-neuf mètres. Les murs sont faits de briques recouvertes d’un mélange de suie et de chaux. Les plafonds sont tapissés de lattes de bois clouées sur les poutres qui supportent la toiture.
La salle de spectacle est le plus grand espace couvert de l’ensemble : il mesure en effet vingt-sept mètres de long et treize mètres de large. La salle à manger est également très vaste avec ses dix-neuf mètres de long et ses treize mètres de large. Ces deux salons constituent la partie sud du bâtiment dans sa totalité. Les plafonds sont constitués de poutres de bois ou de fer qui servent d’appui à un plafond gigantesque, et ce sans la moindre colonne.
La façade est en pierre et le haut des murs est orné de motifs géométriques. Des encadrements composés de motifs blancs peints sur des mosaïques turquoise présentent des maximes et des vers de poètes iraniens, qui, outre leur beauté calligraphique, ajoutent à la spiritualité de l’ensemble. Entre l’aile nord et sud, on aperçoit deux couloirs très simplement décorés. Au-dessus du couloir nord se trouve “la chambre du roi” dont les fenêtres donnent sur les espaces verts du jardin. Les encadrements en plâtre qui surmontent ces deux couloirs sont ornés de versets du Saint Coran tels que :
" Ceux qui savent et les ignorants sont-ils égaux ? "(verset 9, sourate 39)
Il énonce ainsi la nécessité d’établir une différence entre les gens instruits et les illettrés. On peut également y lire une partie du verset 269 de la sourate 2 " La vache" qui énonce :
" Celui à qui la sagesse a été donnée, bénéficie d’un grand bien".
On trouve également des vers de Ferdowsi ainsi que des poèmes ou maximes d’autres écrivains inscrits en mosaïque sur de nombreux murs. Le bassin de pierre situé au centre de la cour semble avoir été reconstruit en dimension réduite, lors de la restauration du bâtiment en 1929. Les grands arbres qui ornent la cour ont sans doute été plantés lors de la création de l’école. La simplicité de l’architecture s’inspire directement du caractère de son fondateur, le grand Amir Kabir. Cette simplicité invite les étudiants de cette école à la réflexion. Ainsi, le Dâr-ol-fonûn est non seulement l’école des spécialistes et des savants mais celles des penseurs et des intellectuels.
Le Dâr-ol-fonûn est la première université moderne d’Iran, fruit des efforts de l’une des grandes figures de ce pays. La première université n’est donc pas celle de Téhéran mais l’école du Dâr-ol-fonûn. Elle devrait d’ailleurs retrouver son éclat d’antan à l’issu de l’important processus de rénovation dont elle est actuellement l’objet.