N° 10, septembre 2006

La conférence du Très Révérend Père Messina
sur les bases de la grandeur de l’ancien Iran (I)




Voir en ligne : 2ème partie


15 Mehr 1315,
7 Octobre 1936

Je voudrais, dans une vue d’ensemble, vous rappeler quelques épisodes caractéristiques de votre histoire pour en dégager ensuite les éléments les plus importants de votre tradition, ces éléments qui ont été la base de votre influence et de votre grandeur au cours des siècles.

Si je me permets de vous parler, pour la première fois dans ma vie, en iranien, c’est pour aller tout droit à votre intelligence et à votre cœur ; et si vous entendez un accent étranger, vous sentirez, j’espère, un coeur qui bat, autant que le vôtre, d’un grand amour pour votre pays et pour votre histoire.

Des peuples, qui appartenaient à la même souche que les Iraniens, comme les Scythes et les Cimmériens, ont eut l’occasion dans une époque reculée, de faire preuve d’esprit d’initiative, d’amour pour la liberté, de bravoure dans les combats. Ils n’apparaissaient pas cependant avoir possédé le talent de l’organisation et une solide conception de l’Etat. C’est pour cela que, malgré leurs efforts, ils n’ont pas laissé d’Histoire et qu’on a gardé à peine un vague souvenir de leurs exploits. Il était réservé aux Iraniens d’avoir une puissante idée d’organisation sociale et politique, qui devait bientôt les mettre au premier rang parmi les peuples de l’antiquité.

Ce n’est que dans une période relativement tardive que les Iraniens entrent dans l’Histoire mais la période historique, une fois commencée, est apparue riche de réalisations originales.

Au IXe siècle avant Jésus-Christ, des tribus de Mèdes résident sur le plateau iranien et donnent la preuve de cet esprit d’indépendance, de liberté et de fierté qui devait rester une des caractéristiques des populations iraniennes.

Certes, il ne devait pas leur être facile de revendiquer leurs libertés dans un temps où le puissant empire assyrien était maître incontesté d’un immense territoire, et encore moins aisé sous le règne d’un roi énergique comme Sargon Il, qui disposait de soldats rompus à toutes les batailles et aux plus rudes combats. Dans ses inscriptions, ce roi puissant lutte contre l’agitation de ces tribus mèdes impatientes de secouer son joug et de se gouverner elles-mêmes. Il les a probablement combattues plus d’une fois, mais malgré tout, ces tribus se constituèrent rapidement en royaume et s’élevèrent bientôt à un haut degré de civilisation. La capitale Ecbatane, aujourd’hui Hamadan, devenait le centre d’où rayonnait la culture sur tout le territoire iranien. Ainsi, la puissance et la force du royaume mède furent bien vite connues partout, lorsqu’un roi extrêmement guerrier, en alliance avec d’autres puissances, réussit à mettre fin pour toujours au règne assyrien.

Depuis lors, l’étoile des Sémites en Assyrie et dans la Mésopotamie ne fait que pâlir, et la prépondérance civilisatrice des Iraniens reste assurée pour longtemps. Les Iraniens étaient libres de vivre et d’évoluer d’après leur culture et leur tradition, culture et tradition qui auraient exercé pendant des siècles une influence puissante même en dehors de l’Iran.

Les Mèdes avaient permis que les Iraniens prennent conscience d’eux-mêmes et commencent la formation d’une solide tradition culturelle.

Après eux, ce furent les Perses avec la cour royale des Achéménides qui, en se rattachant à cette tradition, conçurent et réalisèrent un projet grandiose qui devait propager la culture iranienne des confins de l’Inde jusqu’aux dernières limites de l’Egypte.

Je ne vous raconterai pas l’histoire de ce puissant empire, je ne vous parlerai pas du courage, de l’endurance, de l’esprit de sacrifice de monarques achéménides comme Cyrus et Darius, que rien ne réussissait à faire plier et qui, pendant leur règne, apportèrent l’ordre et la culture dans les coins les plus reculés de leur pays et de leur vaste empire.

Mais on ne peut que être frappé par ce dessein gigantesque de former un empire parmi les plus grands de l’antiquité, dessein conçu par un prince originaire d’une partie méridionale de l’Iran, Cyrus, que tout devait porter à rétrécir ses horizons ; on est forcé d’admirer ce courage qui le porte au faîte de la puissance, l’attachement à son peuple, l’endurance qui le fait se déplacer d’un bout à l’autre de l’immense territoire pour faire sentir sa justice et sa puissance. On s’étonne devant les puissantes personnalités de Cyrus et de ses successeurs, qui, tout en s’occupant du bien-être de leur propre territoire, n’oublient pas les intérêts extérieurs, les menaces des puissances voisines. Ce sont également ces derniers qui, lorsqu’il est nécessaire, tombent avec la rapidité de la foudre sur les ennemis et, détruisant les empires, étendent leur royaume du Golfe Persique à la Méditerranée, ou encore aux confins de l’Inde jusqu’au sud de l’Egypte.

En outre, ils ne se contentent pas de conquérir, mais ils organisent et rendent prospères les terres conquises.

Darius, conscient du précieux héritage reçu, nous apparaît plus qu’un grand guerrier ou un puissant organisateur. Pensez en fait à la merveilleuse organisation des chancelleries achéménides, qui faisaient parvenir avec une étonnante rapidité et aux coins les plus reculés de l’empire l’expression de la volonté royale, et ce malgré la différence de peuples et de langues ; représentez-vous ce magnifique réseau de routes impériales, système capillaire, par lequel passaient et repassaient les influences les plus diverses et qui faisait du grand empire un organisme et une famille ; réfléchissez un peu à l’énergie qui était nécessaire pour maintenir en vigueur le service postal, travail dur et pénible que l’on nommait angaru, mot qui est passé dans certaines langues européennes pour désigner des travaux qui exigent de grands sacrifices. Pensez enfin à cet élan vers une perfection toujours plus grande, qui poussait Darius à envoyer des explorateurs pour trouver de nouvelles voies de communications et qui lui faisait concevoir le dessein de réunir la Mer Rouge à la Méditerranée à travers les lacs du Soudan et un bras du Nil.

Quels progrès n’avaient pas été réalisés, quel chemin n’avait pas été parcouru depuis les premiers efforts des tribus iraniennes au IXe siècle ; et quelle preuve magnifique de ce que les iraniens étaient capables de faire pour la civilisation humaine ! Les ruines mêmes de Persépolis et d’autres villes anciennes sont une preuve éloquente de la majesté grandiose de l’empire iranien.

On ne fonde pas un empire si vaste, et surtout on ne l’organise pas d’une manière exemplaire pendant des siècles, sans disposer d’un patrimoine idéal, d’un vrai trésor spirituel où l’on puise l’énergie nécessaire pour les efforts qu’une tâche pareille impose.

Et c’est surtout sur ce point que je voudrais m’arrêter un peu, car les empires disparaissent, mais leur contenu spirituel, quand il est puissant, reste et constitue le patrimoine idéal d’un peuple ; il le pousse à s’en souvenir et à s’en nourrir, et lui fournit en même temps les énergies nécessaires pour le faire revivre.

Nous lisons dans les inscriptions que Darius a fait graver à Béhissoutoun, Naghch-é Rostam, Alvand, des paroles qui nous offrent une clé pour pénétrer dans la conception spirituelle de l’empire achéménide. " Un grand dieu est Ahuramazda, qui créa cette terre, qui créa le ciel, qui créa l’homme, qui créa le bien-être pour l’homme. Le roi Darius parle :

"Ahuramazda m’a donné ce pouvoir, Ahuramazda me prêta secours pour conquérir ce pouvoir. آhuramazda et les autres génies me prêtèrent secours parce que je n’ai été ni querelleur, ni mensonger, ni violent : ni moi ni ma famille. Selon justice et équité j’ai procédé : je n’ai fait violence ni à un orphelin, ni à un pauvre. Celui qui a porté secours à ma maison, je l’ai comblé de faveur ; celui au contraire qui lui a causé dommage, je l’ai puni sévèrement. Le roi Darius parle : toi qui seras roi, ne sois pas bienveillant envers celui qui aime le mensonge et les litiges, mais punis-le sévèrement".

Remarquez encore : Darius tient à ce que cette profession de foi reste au cours des siècles et constitue les directives pour ses successeurs et pour son peuple : " Si tu vois cette inscription, ajoute-t-il, et ces figures, et si tu ne les détruis pas mais que les gardes selon ta force, que Ahuramazda puisse être ton ami, que ta famille soit nombreuse, faites que tu puisses vivre longtemps et que ce que tu fais puisse être rendu grand par Ahuramazda ". Il y tient tellement qu’il voulu faire graver l’inscription dans les trois langues principales du vaste empire et qu’il la fit traduire en araméen pour la faire connaître jusqu’aux extrêmes limites de l’Egypte.

Devant cette profession solennelle, on ne peut s’empêcher d’être pris par l’accent de sincérité qui se dégage des paroles de Darius. On doit également constater que quelque chose de nouveau apparaît en Orient : une dévotion totale à la divinité, à laquelle le monarque attribue les succès remportés. On y trouve également un souci de vérité, de justice et d’équité, qui lui font grand honneur. Cependant, il y apparaît surtout une conception nouvelle du pouvoir royal, qui est accordé par Dieu et qui a comme contrepartie l’observance, de la part du roi, de la loi éthique de façon à ce que les rapports entre rois et sujets restent réglés par cette loi divine qui impose ses normes aux deux parties sans aucune différence. Une telle conception est un des grands cadeaux que Zarathushtra a fait au peuple iranien, mais il n’a pas été le seul.

Cet homme dont on ignore l’origine réussit, dans une époque antérieure à Darius, à faire pénétrer ses idées dans certains milieux iraniens et les grands événements de l’Histoire iranienne porte le sceau de sa personnalité et de sa doctrine.

Il apprit au peuple qu’il n’y avait qu’un seul dieu, qui a créé ciel et terre, qui fait mouvoir les astres, pousser les plantes, qui a créé lumière et ténèbres, qui grave dans le coeur de l’enfant des sentiments de vénération et d’amour envers ses parents, et qui donne également à ceux-ci le sentiment de la dignité et de la sainteté de leur mission.

Il n’ignorait pas que le mal existe dans le monde et pour l’expliquer, il enseignait qu’il y avait deux esprits éternels, adversaires perpétuels l’un de l’autre car la nature de l’un était bonne et il ne pensait qu’au bien tandis que l’autre, au contraire, étant de nature mauvaise, n’aspirait qu’à faire le mal. Un combat continuel se livre entre les deux esprits, et le monde spirituel reste divisé en deux camps différents jusqu’à la fin des temps.


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