|
L’Imam Rachid Al-Din Watwât, né à Balkh au Vème siècle de l’hégire, est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers rhétoriciens de la littérature persane et arabe. Il est en effet l’auteur de plusieurs essais et traités dans le domaine de la prose et de la poésie. En outre, par les liens établis au travers de ses correspondances avec un bon nombre de littéraires et savants au quatre coins de la Perse, il a connu, de son vivant et très rapidement, une grande notoriété au sein de la haute société de l’Empire. Ceci lui a valu d’occuper le prestigieux poste de secrétaire d’Etat à la cour de deux monarques kharezms, place qu’il a pu garder, malgré les vicissitudes, tout au long de sa vie qui dura presque cent ans. Selon Yaghout dans Mojam Al-Odaba, il maîtrisait les deux langues à tel point que dans ses vers, il écrivait un hémistiche en persan et un autre en arabe, et cela dans un parfait respect des règles poétiques propres à chacune de ces langues. En revanche, l’extrême exigence qu’il portait à la forme n’a pas été sans incidence sur le fond, c’est-à-dire au niveau des idées suggérées et des motifs abordés. Outre son recueil de poème (divân), ses ouvrages les plus remarquables s’intitulent Hadayegh Al-Sehr et Tarjoman Al-Balagah.
Les flammes de ce cœur,
les perles de ces yeux
dévastèrent
peu à peu
l’édifice de ma vie.
De peur d’un feu
ou d’un torrent,
jamais il n’y eut
ni joie en ce cœur,
ni sommeil en ces yeux.
Le sort fit de l’envie
mon éternelle nourrice.
L’étoile du destin
remplit ma coupe
de son vin de souffrances.
Et telle une abeille
au miel empoisonné
par le serpent
de la fatalité,
en ce monde je fus.
En proie à d’insolents persiflages,
je tombai dans l’indigence.
Mes pareils, auréolés d’honneurs,
se sentaient
euphoriques.
J’étais voué
à une jeunesse glorieuse,
mais jeunesse
et gloire
s’éloignèrent.
Ma bien-aimée
aux douces lèvres roses,
comme le soleil levant
à l’image lumineuse.
Pour masquer cet éclat
se couvre d’un voile,
comme l’astre du jour
que cachent les étoiles.
Sans ses lèvres mielleuses
Sitôt,
je fonds tel le miel
dans l’eau.
Tu souhaiterais me voir
toute joie morte, brisé,
et te réjouis de m’avoir
le palais de raison saccagé.
Ô Ange de grâce
et de délice,
jusqu’à quand me garderas-tu
au supplice.
Patiemment je supporte
la peine,
et tu te hâtes de m’ouvrir
les veines.
Toi qui files les mèches
du parfait amour avec autrui,
quand me libèreras-tu
de mon chagrin ennui.
A l’instar d’un aigle
tu fonds sur ma constance,
bien que du corbeau
tu aies pris les nuances.
Epargne ô mon corps
ta digne allure,
même si ton âme
est affligée de blessures.
Et sois fort aise
d’assurer à la cour du seigneur,
ton seul refuge
contre tant de malheurs.