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membre de l’équipe d’alpinistes qui a découvert cette merveille de la nature, Djavâd Mohaghegh, relate son aventure.
Je me souviens, c’était en 1963. Nous étions un groupe de quelques amis qui profitions de nos week-ends pour faire de l’escalade et du camping, en particulier au printemps et en été, dans les montagnes environnantes de la région de Hamedan. Cet été là, lorsque la nouvelle de l’existence d’une grotte s’est répandue en ville, nous nous sommes réunis et avons pris une décision dangereuse : descendre dans cette cavité inconnue à l’intérieur de laquelle peu de gens avaient pénétré. Avec notre petit budget d’adolescents, nous avons rassemblé des cordes, quatre chambres à air de camions, quelques planches, des lanternes et deux lampes de poche. Sans avertir nos familles, nous sommes partis au village de Ali Sadr, à soixante kilomètres de la ville de Hamedan. Nous nous sommes glissés dans l’embouchure en forme de puits à l’aide d’une corde, puis, dans un espace étroit et humide, nous avons gonflé nos chambres à air, y avons fixé les planches à l’aide de cordes ainsi que nos lanternes à chaque extrémité des esquifs ainsi improvisés. Avec une prudence mêlée à la peur des débutants, nous nous sommes lancés dans cet espace obscur et inexploré ! Aujourd’hui, quand j’y repense, je ne sais quel est le meilleur terme pour définir notre expédition ; le courage ou l’inconscience ? Franchement, si un accident était survenu, qui aurait pu nous venir en aide ? Le spectacle de cet antre inexploré méritait-il que nous y risquions nos vies ? C’était la question qui résonnait dans nos têtes, sans qu’aucun d’entre nous n’ose la formuler. Mais la mélodie d’une réponse se perdait dans le tumulte silencieux de notre curiosité enfantine. Nous étions les premiers adolescents qui découvraient la plus merveilleuse grotte de l’Iran.
Ce n’est que quatre ans plus tard que les journaux annoncèrent la découverte de cette fabuleuse grotte. Son accès était difficile, car son embouchure était très étroite. En 1973, l’entrée fut élargie d’un demi-mètre pour en faciliter l’accès et dès 1974, la grotte fut accessible au public. A cette époque, les villageois guidaient les visiteurs dans ses parties avancées à l’aide de lanternes et de quelques barques.
La montagne « Sari Ghié » ou « Le rocher jaune » qui recouvre la grotte, en renferme également deux autres, connues sous les noms de « Soubâchi » et « Sarâb » situées, dans l’ordre, à une distance de 11 et 7 km de Ali Sadr. Les géologues estiment l’origine de cette montagne à la période Jurassique, c’est-à-dire qu’elle remonterait de 136 à 190 millions d’années.
C’est la composition de l’eau de pluie mélangée au dioxyde de carbone existant dans l’air qui est à la base de la formation de la cavité. En se transformant en faible acide carbonique, la substance s’est imprégnée dans le gypse et de ce contact est né une composition instable de bicarbonate de sodium. Ce liquide, en pénétrant dans les épaisses couches de gypse, a créé de petits espaces vides qui, tout au long de millions d’années, se sont répandus et ont engendré cette splendide grotte.
Située à une altitude de 1900 mètres au-dessus du niveau de la mer, la grotte Ali Sadr, composée d’un grand lac et de galeries accessibles en barque, est un des plus beaux sites naturels de l’Iran. Son lac, atteignant parfois une profondeur de quatorze mètres, est translucide, sans couleur, sans odeur, avec un goût naturel, mais son eau n’est pas potable. Tout au long de l’année, l’intérieur de la grotte a une température fixe de douze degrés. Jusqu’à nos jours, aucune vie animale n’a pu être décelée à l’intérieur. Le sol et le plafond sont recouvert de stalactites et stalagmites de différentes configurations formées au cours de millions d’années de transformations chimiques. L’air est léger, sain, sans poussière aucune et offre une ambiance paisible ; si vous allumez une bougie sous ses voûtes enchanteresses, sa flamme ne tremblera pas.
A ce jour, on a identifié quatorze kilomètres de galeries dont quatre kilomètres ont pu être aménagés pour les visiteurs. Dans les premières années de sa découverte, du fait du manque de compétence des responsables et de la cupidité de certaines personnes, quelques stalactites, résultant d’un long processus naturel s’étalant sur des millions d’années, ont été emportées et vendues pour décorer des aquariums au bazar. Fort heureusement, ces pillages n’ont pas entamé la beauté féerique d’un décor qui continue d’émerveiller le cœur des amoureux de la nature.
On trouve dans le monde entier des milliers de grottes, telle la grotte de « Moulis » en France, celle de « Boucan » et des « Chevaliers » en Australie et bien d’autres encore. A proximité de Beyrouth, capitale du Liban, il existe une grotte prodigieuse, connue sous le nom de « Djo’aïta. » Elle s’étale sur des dizaines de kilomètres et accueille chaque jour de nombreux touristes du monde entier. On y apprécie le souci d’harmonie quant aux matériaux utilisés dans l’aménagement ainsi qu’un style d’éclairage approprié.
Après la Révolution islamique, surtout à la fin de la guerre, pendant la période de reconstruction, le village s’est transformé en site touristique. Une infrastructure d’accueil englobant hôtels, villas en bois, campings, restaurants, lieux de prière, bazars traditionnels et espaces verts offre aux visiteurs des conditions agréables pendant leur séjour. Ces dernières années, le niveau de l’eau a baissé et grâce à des aménagements à l’entrée de la grotte, les visiteurs peuvent parcourir l’intérieur avec des barques équipées et sûres et sortir, sans encombrement, par une autre embouchure. La grotte est un des lieux naturels le plus visité de Hamedan, particulièrement en été. L’exploitation touristique de ce site a été bénéfique aux habitants du village Ali Sadr et a également favorisé une amélioration considérable de leur condition de vie.