N° 4, mars 2006

La terre dans les quatrains d’Omar Khayyâm


Sara Saïdi Boroudjeni


Né vers 1050-1123 après J.C. à Nichabour, Omar Khayyam appartient à la lignée des grands savants de son temps qui firent de l’Orient musulman la terre de prédilection des sciences de la pensée. Il jouit d’une grande renommée de mathématicien, d’astronome et de philosophe. Mais ses “robaïs” ou ses quatrains, qui font aujourd’hui sa gloire, furent totalement ignorés de son vivant. Le premier recueil de quatrains attribués à Khayyam a été composé à Shiraz et date de 865 de l’Hégire (1460 après J.-C.), près de trois siècles après la mort du poète. Ce manuscrit est conservé à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford et contient cent cinquante sept quatrains dont l’authenticité de certains est mis en doute. Car d’après le grand écrivain que fut Sadegh Hedayat "il y a peu d’oeuvres qui soient, autant que les quatrains d’Omar Khayyam, admirées, rejetées, haïes, falsifiées, calomniées, condamnées, disséquées et qui atteignent une renommée universelle, en restant pour autant méconnues" [1]. Dans son essai, Sadegh Hedayat entreprit à partir d’un choix de cent quarante trois quatrains, un travail rigoureux et méthodique qui tranche avec les habitudes des hommes de lettres iraniens.

Statue de Omar Khayyam en Iran

Nezami Arouzi, ami et élève de Khayyam, rappela respectueusement le nom de son maître dans son ouvrage intitulé Tchahar Maghaleh ou Les Quatre Discours sans faire la moindre allusion à ses quatrains. Abol Hassan Beyhaghi cite dans L’Histoire de Beyhaghi et Tatameye Savanol Hekmat [2] quelques ouvrages de Khayyam mais n’évoque pas ses quatrains. Cela illustre bien l’état d’esprit fermé et le fanatisme des gens de l’époque. Pendant longtemps, les quatrains de Khayyam restèrent cachés, hors de la portée du grand public et ne seront vénérés que par ses amis et ses condisciples dans des cénacles.

Plus tard au 19ème siècle, les traductions en anglais de Fitzgerald en 1859 et en français de Nicolas en 1867 propulseront le nom de Khayyam dans le monde entier. Par la suite, les traductions des quatrains affluèrent. Aujourd’hui encore, de nouvelles versions sortent tous les ans en France. Par ailleurs, de nombreux écrivains ont été influencés par ses pensées philosophiques à savoir Théophile Gautier, Maurice Bouchor, Jean Lahor, Armand Renaud et Alexandre Arnoux.

L’évident est que, neuf siècles après la disparition de Khayyam, ses poèmes nous intriguent encore, nous amenant à aiguiser nos sens par rapport à la nature et au monde. Chaque lecture des quatrains remet en valeur chacune des métaphores, constitue une nouvelle virée dans la rêverie de Khayyam et nous dévoile une parcelle de cette pensée qui serait susceptible de s’adapter aux circonstances de notre époque actuelle.

Nous y retrouvons toutes les contradictions et les beautés de la vie, car comme l’a si bien souligné Baudelaire " Le beau est toujours bizarre ".

La terre et les rêveries de Khayyam

Ô toi, des Quatre et des Sept, fortuite combinaison

Toi que Sept et Quatre mettent, dans la fièvre incessamment

Bois, je t’ai bien dit pourtant, et plus souvent qu’à ton tour

Le départ est sans retour, qui s’en va c’est pour de bon  [3]

Le monde sublunaire est celui du devenir incessant, de la croissance et du déclin, de la naissance et de la mort. Les êtres qui l’habitent sont le produit et le jouet des quatre éléments et des septs astres mobiles. La nature est donc l’instable reflet de lois immuables. Ce qui existe, existera toujours. L’existence est partout la même et rien ne peut interrompre le rythme incessant de la vie, la décomposition et la récomposition qui ne s’arrêtent jamais. Ce qui meurt aujourd’hui ne fait que retourner à sa source première qui, seule, existe et existera éternellement [4] : la terre.

Omar Khayyam

Les images de la matière terrestre s’offrent à nous en abondance. Selon Gaston Bachelard, la fonction de la littérature et en particulier de la poésie est de réanimer un langage en créant de nouvelles images ; les mots ne sont plus de simples termes. Ils ne déterminent plus des pensées ; la poésie ramifie le sens du mot en l’entourant d’une atmosphère d’images. Les nouvelles images littéraires que nous étudieront ici, sont évidemment le signe de la puissance créatrice de Khayyam. Elles se présentent à l’esprit sous différentes formes commandées par la dialectique du dur et du mou. Les images proviendront donc des matières dures - la pierre et la brique - et des matières de la molesse - l’argile et la boue. Nous verrons la place essentielle que tient la pulvérulence dans la rêverie de Khayyam. La poussière ou les cendres proviennent de la décomposition du corps humain, substance qui à l’instar des fleurs fânées, retournera aussitôt à la terre :

Comme un duvet sur la lèvre d’un céleste jouvenceau

Vois la verdure qui lève aux tendres bords du ruisseau

Que ton pas y soit léger : elle est née de la poussière

D’un frais visage naguère pareil au coquelicot  [5]

La terre est faite de la substance des morts qu’on y enfouit : c’est leur argile que le potier pétrit pour en faire bientôt cruches, jarres ou coupes :

Je m’aventuerai un jour dans l’atelier d’un potier

J’y vis le maître à son tour assidûment travailler

Il pétrissait insoucieux pour en former col ou anse

Le crâne vide des princes et les phalanges des gueux  [6]

Tout comme Khayyam, Gérard de Nerval a traduit cette volonté intime d’être modelé par l’équilibre d’une poussée intérieure et de l’action du modeleur. C’est par exemple dans l’atelier où des ouvriers tirent de la glaise l’extraordinaire lama onirique d’Aurélia :

" J’entrai dans un atelier où je vis des ouvriers qui modelaient en glaise un animal énorme de la forme d’un lama, mais qui paraissait devoir être muni de grandes ailes. Ce monstre était comme traversé d’un jet de feu qui l’animait peu à peu, de sorte qu’il se tordait, pénétré par mille reflets pourprés, formant les veines et les artères et fécondant pour ainsi dire l’inerte matière, qui se revêtait d’une végétation instantanée d’appendices fibreux, d’ailerons et de touffes laineuses. Je m’arrêtais à contempler ce chef-d’oeuvre, où l’on semblait avoir surpris les secrets de la création divine. " - C’est que nous avons ici, me dit-on, le feu primitif qui anima les premiers êtres..." [7]

La terre à la différence des trois autres éléments a comme premier caractère la résistance immédiate et constante. Elle est le partenaire objectif de notre volonté. Selon Bachelard

"dès que la main prend part à la fabulation, dès que des énergies réelles sont engagées dans une oeuvre, dès que l’imagination actualise ses images, le centre de l’être perd de sa substance de malheur. L’action est aussitôt le néant du malheur. (...) L’image est toujours une promotion de l’être. Imagination et excitation sont liées." [8]

L’acte de pétrir la matière, de modeler l’argile fait donc appel à la psychologie du contre. "L’imagination matérielle et dynamique nous faut vivre une adversité provoquée, une psychologie du contre (...) qui se promet la domination sur l’intimité même de la matière." [9]

" Ainsi la matière nous révèle nos forces (...) Elle donne non seulement une substance durable à notre volonté, mais encore des schèmes temporels bien définis à notre patience. Aussitôt la matière reçoit de nos rêves tout un avenir de travail ; nous voulons la vaincre en travaillant " [10]

La matière est donc le miroir de l’énergie. " Ce qui est bien certain, c’est que les rêveries matérielles changent la dimension de nos puissances : elle nous donnent des impressions démiurgiques : elles nous donnent des illusions de la toute-puissance. Ces illusions sont utiles car elles sont déjà un encouragement à attaquer la matière dans son fond." [11]

Nous voyons donc que le potier des quatrains de Khayyam prend les traits du Créateur. Son travail garde la tonalité d’une procréation. Le potier, "cet éternel potier" use de sa puissance et de sa domination sur la matière pour fabriquer et briser sa coupe :

Une coupe où l’esprit voudrait sans fin puiser

Dont il couvre le front de cent et cent baisers...

Quoi ! L’éternel potier qui fit cette merveille

La précipite à terre afin de la briser ! [12]

Ce geste émane d’une colère discursive, de la colère qui anime le travailleur contre la matière toujours rebelle. On pourrait se demander quelle est la cause de cette colère éphémère ? Il n’est pas difficile de comprendre que Khayyam se sentait perplexe face à la résolution de l’enigme de notre existence sur Terre. Impuissant à percer ce secret, le modeleur s’acharne sur la matière primitive. En effet, Khayyam soulève une question existentielle qui le préoccupera durant toute sa vie :

Oui, j’ai belle et fière mine, j’ai la grâce du cyprès

La fraîcheur de la tulipe, l’éclat de la rose, mais

Qui donc me dira pourquoi, le Peintre de l’univers

Dans ce mauvais lieu, la Terre, a daigné former mes traits ? [13]

Et la réponse à cette question sortira de la bouche du pot ou du pichet :

Je posai ma lèvre ardente sur la lèvre du pichet

Implorant de sa science le secret d’éternité

En me rendant ce baiser il me dit en confidence

Bois ; ce monde que tu hantes, tu n’y reviendras jamais  [14]

Ce quatrain témoigne de la puissance créatrice de l’imagination de Khayyam. Le pichet, objet de la terre et réincarnation du mort, parle ! Le modelage parlé met à l’actif les verbes de la matière modelée. L’imagination qui parle, l’imagination qui explique, l’imagination littéraire nous aide à vivre un désir intime de formes comme si nous avions le pouvoir de connaître les secrets de la création du vivant. Un baiser sur la lèvre du pichet suffit pour briser le silence divin tout comme la fécondation de l’inerte matière qu’est la glaise chez Nerval. Et c’est vraisemblablement toute la philosophie de Khayyam qui se dévoile à travers cette image littéraire et onctueusement analogique.

Quand l’arbre de ma vie, écroulé dans l’abîme

Sera rongé, pourri, du pied jusqu’à la cime

Lors, si de ma poussière on fait jamais un pot

Qu’on l’emplisse de vin, afin qu’il se ranime !  [15]

Autre quatrain illustre, autre image inédite qui montre à merveille toute la profondeur de la rêverie de Khayyam : le pot n’est-il pas la réincarnation vivante du corps mêlé à la terre ? Mais cette réanimation ne se fera pas par le simple geste de pétrissage de la matière terrestre, car pour la rêverie de Khayyam, "aucun élément n’est en soi bénéfique ou maléfique" pour reprendre les termes de Jean-Pierre Richard dans Poésie et profondeur. En effet, tous les éléments ne deviennent bénéfiques que s’ils se conjuguent. L’entreprise de réanimation du monde à laquelle se livre Khayyam devra donc commencer par réconcilier les divers éléments. La terre ou la poussière du corps humain renaîtront à condition d’être mouillées par le feu, ce vin rouge - ce sang végétal - teinture qui garde sa marque onirique [16]. C’est dans le modelage d’un limon primitif - argile ou boue - associé à une flamme, que la Genèse trouve ses convictions.

1- La terre, repos

Très souvent, dans les quatrains de Khayyam, la matière terrestre prend les allures d’un monstre dévoreur d’hommes. Les images du gouffre, du néant y sont récurrentes. Imbibées d’un profond pessimisme, elles mettent en évidence notre fatalité, notre existence vouée à un destin funeste et irréversible :

Quand nous aurons déserté, ton âme fine et la mienne

Une ou deux briques posées, cloront ta fosse et la mienne

Puis pour d’autres sépultures, les briquetiers un beau jour

Enfourneront dans leur moule, ta poussière et la mienne !  [17]

La terre sera modelée en brique pour couvrir les sépultures d’autres morts. Elle servira de pierre tombale. Ici, il n’est nullement question d’une fécondation de la matière. Poussière, brique et fosse s’unissent pour créer l’image la plus funeste de la poésie de Khayyam.

A travers les accents de cette annonciation infernale, la pierre révèle sa vraie nature, sa vraie fonction : sa rigidité, sa froide sècheresse, son étouffante densité, c’est à notre punition qu’elles doivent servir. Mais cette punition " ce n’est rien d’autre aussi que notre péché lui-même, notre existence ne peut que s’enterrer sous l’amas de sa propre cendre. Cette épaisseur mortelle où nous retombons tous figure en même temps l’issue (...) et la sanction de notre échec. Elle rassemble en elle la faute et le châtiment." [18]

L’Imprévu de Baudelaire se fait l’écho de cette punition. Satan célèbre la mort comme un départ à travers l’ultime épaisseur, comme une épouvantable odyssée rocheuse :

Je vais vous emporter à travers l’épaisseur,

Compagnons de ma triste joie,

A travers l’épaisseur de la terre et du roc,

A travers les amas confus de votre cendre,

Dans un palais aussi grand que moi, d’un seul bloc,

Et qui n’est pas de pierre tendre ;

Car il est fait avec l’universel péché... [19]

Pour le poète français tout comme Khayyam, la mort biologique revêt une apparence pétrifiée.

Dans un autre quatrain, c’est avec une grande délicatesse que Khayyam anéantit nos espoirs de jouissance en nous ramenant à la réalité qui est celle de notre destin fatal et de l’interminable rotation de la vie, dans le dernier hémistiche marquant son épilogue :

Imite la tulipe et prends la coupe en main

Et tout près d’une fille aux lèvres de carmen

Bois gaîment : le ciel bleu, tournant comme une roue

Va, dans un coup de vent, te renverser soudain  [20]

Sa rêverie voudra une fois de plus que la matière parle, mais cette matière ne sera pas l’argile en mouvement sous le désir des mains  [21] du potier qui en fera un pichet, mais une matière malpropre - la boue. Cette substance boueuse est méprisée par l’homme et l’image du refoulement transparaît dans le quatrain suivant :

Hier au bazar, je vis un potier qui, fébrile

De nombreux coups de pieds frappant un tas d’argile

Et cette boue alors s’est mise à murmurer

Las ! J’étais comme toi, laisse-moi tranquille !  [22]

Vénérons donc cette terre d’où nous sommes issus et où nous retournerons. Ici encore, le potier - doté de la toute puissance - se permet de fouler au pied la matière. Et nous retrouvons cette psychologie du contre qui anime le geste. Tantôt le modelage procure au potier une sensation de domination sur l’intimité de la matière et lui donne des impressions démiurgiques, tantôt le foulement au pied lui procure la même sensation mais sans qu’il aboutisse à la création d’un objet. Par contre, ce geste fera jaillir les doléances de la matière terrestre.

Nous sommes confrontés, à ce niveau de la pensée de Khayyam, à un dualisme entre une double psychologie du contre ; de l’homme contre la matière, de la matière contre l’homme. Or, l’on pourrait croire que l’embarras du poète à dévoiler les secrets de la création provient de ce même dualisme ? Mais avant de disparaître à jamais, jouissons de chacun de nos instants, délectons-nous de ce qui nous est donné et de ce qui nous entoure. Khayyam n’oublie pas de nous le rappeler :

Idole, bienvenue aux heures du matin

Fais-moi de la musique et donne-moi du vin

Cent mille Djem et Key disparurent sous terre

Dès que revint l’été, dès que l’hiver pris fin  [23]

 

2- La terre, écrin flamboyant

Celui qui créa la Terre et la Roue des cieux mobiles

Se plaît à brûler au fer du regret les coeurs sensibles

Lèvres belles, chevelures, que de musc et de rubis

Trésor à jamais enfouis dans l’écrin inaccessible !  [24]

Ecrin inaccessible ! Dans cette analogie, Khayyam compare la terre à un écrin dans lequel est enfoui un trésor : des perles, des pierres précieuses ou de belles femmes, incarnation du plaisir et de la convoitise. Ici, c’est autour de la beauté rare et profonde de la pierre précieuse qu’il faut chercher la racine de la rêverie cristalline. Khayyam rêvant, s’intéresse à une beauté exceptionnelle, à une beauté que l’on tient dans la main : fleurs, joyaux ou jolies femmes. La beauté féminine devient alors le rêve de puissance du poète muré dans sa mansarde.

Ô Roue des cieux, que de haine à toute ruine acharnée

Ta coutume est ancienne de crime et d’iniquité

Ô Terre, fendant ton flanc sous cette croûte jalouse

Combien de perles précieuses, on y verrait renfermées !  [25]

Ce quatrain peut être donné comme un témoignage de la paranoïa des richesses  [26]. Des perles précieuses reposent dans le ventre de la Terre et on pourrait penser que Khayyam a passé sa vie à chercher ce trésor.

Selon Bachelard, " dans le rêve fondamental de la pierre brillante - rêve qui paraît un des plus primitif chez tous les peuples, au point que la pierre précieuse peut être mise au rang des archétypes de l’inconscient - le rêveur aime une richesse qu’on ne vend pas." [27]

Cette richesse constitue les biens du rêveur qu’il ne vend jamais, qu’on lui prend, qu’il perd puisqu’il vit dans la hantise de les perdre. D’où la révolte du potier !

Tombeau de Omar Khayyam en Neishapur, l’Iran.

" La pierre précieuse travaillée au juste temps ... est donc vraiment une pierre astrologique. Elle est de l’astrologie taillée dans une matière dure, un noeud du destin bien serré..." [28] Bachelard conclut en affirmant : " C’est surtout par les influences matérielles que les alchimistes établissent une participation des astres aux vertus des pierres" [29]

Khayyam astrologue, n’a donc pas manqué de relater derrière cette image lumineuse sa passion pour les astres. La pierre précieuse est l’étoile de la terre, elle illuminera de tous ses éclats la terre qui est sombre, noire et terne.

Bachelard dit qu’aucune pierre précieuse n’est vraiment et uniquement terrestre, " que dans le règne des rêves, les cristaux sont toujours influencés par des participations aux autres éléments, au feu, à l’air, à l’eau" [30]

(...) Lèvres belles, chevelures, que de musc et de rubis

Trésors à jamais enfouis dans l’écrin inaccessible !

Dans l’écrin que constitue la terre, le rouge flamboyant du rubis est en effet primitivement une couleur de feu. Dans l’ordre des images, elle appartient au feu avant d’appartenir à autre chose. Le rouge du feu entrant dans le rubis, il semble qu’une immense flamme se glisse, s’enferme dans une sorte d’espace sans dimension. Aussi le rubis nous paraît la plus éclatante et la plus brûlante des pierres précieuses.

" Le joyau est le point où s’abolit l’opposition de la matière à la lumière. La matière reçoit la lumière jusqu’à son coeur et cesse de jeter une ombre. " [31] En effet, le rubis est ce morceau de charbon que la magie du feu et la longue patience souterraine transformeront en joyau aussi brillant qu’une étoile.

Si Khayyam compare la femme de ses rêves aux perles précieuses, c’est parce que pour lui, la femme aux lèvres couleur de rubis est la femme-flamme, la femme qui le brûle et qui peut lui donner son feu. La femme affirme la même chaleur dans la noirceur de sa chevelure. Dans sa rêverie, Khayyam peut donc aller la chercher et la savourer jusque dans la plus douillette intimité de sa chair, dans la plus profonde intimité de la matière terrestre dont elle est issue. Magnifique exemple de la combinaison bénéfique du feu et de la terre, dont nous avions précédemment souligné l’importance.

Or, depuis la profondeur souterraine, le désir s’y est enfoncé jusqu’à une certaine intimité chaleureuse de la matière, qui irradie également son feu à travers toutes ces incarnations transitives que sont fleurs, chairs, briques, pichets, pierres, terres.

Notes

[1Sadegh Hedayat, Les chants d’Omar Khayyam, traduit en français par M. F. Farzaneh et Jean Malplate, Paris, Corti, 1993.

[2تاریخ بیهقی و تتمه صوان الحکمة، 562 هجری

[3Traduit en français par Gilbert Lazard, Téhéran, Hermes, 1378.

ای آنکه نتیجه چهار و هفتی * وز هفت و چهار دایم اندر تفتی

می خور که هزار بار بیشت گفتم * باز آمدنت نیست، چو رفتی رفتی

[4Javad Hadidi, De Sa’adi à Aragon, Téhéran, Alhoda, 1999, p. 417.

[5Gilbert Lazard, Op.cit.

هر یبزه که بر کنار جویی رسته است * گویی ز لب فرشته خویی رسته است

پا بر سر هر سبزه به خواری منهی * کان سبزه ز خاک لاله خویی رسته است

[6Ibid.

در کارگه کوزه‌گری کردم رای * بر پله چرخ دیدم استاد بپای

میکرد دلیر کوزه را دسته و سر * از کله پادشاه و از دست گدای

[7Gérard de Nerval, Aurélia, José Corti, Paris, pp. 44-45.

[8La terre et les rêveries de la volonté, Paris, Corti, 1947, p. 20.

[9Ibid., p. 21.

[10Ibid., p. 23.

[11Ibid., p. 24.

[12Traduit en français par M. F. Farzaneh et J. Malaplate, Op.cit.

جامی است که عقل آفرین می‌زندش * سه بوسه ز مهر برجبین می‌زندش

این کوزه‌گر دهر چنین جام لطیف * می‌سازد و بار بر زمین می‌زندش

[13Gilbert Lazard, Op.cit.

هرچند که رنگ و روی زیباست مرا * چون لاله رخ و چو سرو بالاست مرا

معلوم نشد که در طربخانه خاک * نقاش ازل بهر چه آراست مرا

[14Ibid.

لب بر لب کوزه بردم از غایت آز * تا زو پرسم واسطه عمر دراز

لب بر لب من نهاد و می‌گفت این راز * می خور که به این جهان نمی‌آیی باز

[15Traduit par E’etessam Zadeh, The rubaiyat of Omar Khayyam, edited by Dr. Hossein Ali Nouri Esfandiary, 1949.

روزی که نهال عمر من کنده شود * و اجزام زیکدگر پراکنده شود

گر زانکه صراحتی کنند از گل من * حالی که ز باده پرکنی زنده شود

[16Jean-Pierre Richard, Poésie et profondeur, Paris, Seuil, p. 47.

[17Gilbert Lazard, Op.cit.

از تن چو برفت جان پاک من و تو * خشتی دو نهند بر مغاک من و تو

و آنگه ز برای خشت گور دگران * در کالبدی کشند خاک من و تو

[18Jean-Pierre Richard, Op.cit., p. 111.

[19L’Imprévu, cité in Poésie et profondeur, p. 111.

[20E’etessam Zadeh, Op.cit.

چون لاله به نوروز قدح گیر به دست * با لاله‌رخی اگر ترا فرصت هست

می نوش به خرّمی، که این چرخ بلند * ناگاه تو را چو خاک گرداند پست

[21Jean Tardieu, cité in La terre et les rêveries de la volonté, Op.cit, p. 102.

[22E’etessam Zadeh, Op.cit.

دی کوزه‌گری بدیدم اندر بازار * بر پاره گل همی زد بسیار

و آن گل به ربان حال با می‌گفت * من خمچو تو بوده‌ام مرا نیکو دار

[23Ibid.

هنگام صبوح ای صنم فرخ پی * برساز ترانه‌ای و پیش‌آور می

کافکند به خاک صدهزاران جم و کی * این آمدن تیرمه و رفتن دی

[24Gilbert Lazard, Op.cit.

آنکس که زمین و جرخ افلاک نهاد * بس داغ که او بر دل غمناک نهاد

بسیار لب چو لعل و زلفین چون مشک * در طبل زمین و حقه خاک نهاد

[25Ibid.

ای چرخ فلک خرابی از کینه توست * بیدادگری پیشه دیرینه توست

ای خاک اگر سینه تو بشکافند * بس گوهر قیمتی که در سینه توست

[26Gaston Bachelard, Op.cit., p. 297.

[27Ibid.

[28Ibid., p. 302.

[29Ibid.

[30Ibid.

[31Luc Dietrich, Ciselures et Dessins, cité in La terre et les rêveries de la volonté, Op.cit., p. 305.


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6 Messages

  • La terre dans les quatrains d’Omar Khayyâm 15 octobre 2009 18:49, par moi

    "clôtront" dans la traduction d’un des quatrains : il me semble que ce devrait plutôt être "cloront".

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  • La terre dans les quatrains d’Omar Khayyâm 9 avril 2014 21:59, par Sebastião Miguel

    Je me demande ce livre est en ces mots de Khayyam :

    "Le cercle croisé pas voyons rien ... ni commencement ni fin Rien dit la vérité.? D’où nous venons, où nous allons Maître qui a créé toutes choses ... pourquoi condamné à l’imperfection Si leur les images sont laides, qui est à blâmer ? Et si beau, pourquoi chercher sa ruine. "

    Merci

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  • La terre dans les quatrains d’Omar Khayyâm 9 avril 2014 22:00, par Sebastião Miguel

    Je me demande ce livre est en ces mots de Khayyam :
    "Le cercle croisé pas voyons rien ... ni commencement ni fin Rien dit la vérité.? D’où nous venons, où nous allons Maître qui a créé toutes choses ... pourquoi condamné à l’imperfection Si leur les images sont laides, qui est à blâmer ? Et si beau, pourquoi chercher sa ruine. "

    Merci.

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  • salam alikom
    j ai etudie khayam et j ai envis de decouvrir plus sur tout ce qu il a fait est ce que c est possible d avoir acces a un
    lien qui presente une traduction des robaiyat mais en arabe
    khoda hafed
    et techekkur

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  • La terre dans les quatrains d’Omar Khayyâm 24 janvier 2016 18:09, par Jacques Mayoud

    Bonjour,
    je suis musicien chanteur et ai mis en musique les rubayat d’Omar Khayyâm dans la traduction de E’etessam Zadeh. Je cherche des informations et des articles sur ce traducteur qui a vécu en Suisse dans les années 1930 et sur les différentes éditions de cette traduction que je trouve très belle et très simple. J’ai en projet d’enregistrer en 2016 un CD du concert "Les quatrains de Khayyâm" que j’ai créé. Si vous pouvez m’apporter des renseignements sur Abol Gassel E’Tessam Zadhe pour le faire connaitre au public français en même temps que les vers d’Omar Khayyâm, j’en serais très heureux.
    Bien cordialement, Jacques Mayoud.

    Mon site : www.jacquesmayoud.net

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