N° 4, mars 2006

Le Festival du film de Fajr


Massoud Ghârdâshpour


Aujourd’hui, la présence même du cinéma iranien au sein de n’importe quel festival international valorise ce dernier. On imagine donc l’importance d’un festival tel que le Festival de Fajr, qui condense les meilleures productions annuelles du cinéma d’Iran. Ce festival est une fenêtre ouverte sur le cinéma indépendant et reste pour les Iraniens, mais aussi pour les étrangers, l’occasion de s’informer de l’actualité cinématographique du pays.

Cette année, de grands réalisateurs étaient absents au rendez-vous. Les cinéastes inconnus et les plus jeunes ont ainsi pu présenter leurs films. Cette absence n’a pourtant pas entraîné la diminution de la longueur rituelle des files d’attente à l’entrée des cinémas. L’événement heureux du Festival fut la présence massive et remarquée du cinéma à caractère social. Le thème de la famille et les thématiques sociales au sens large, ont constitué le principal centre d’intérêt des films en compétition : trahison d’un homme marié dans Mercredi de fête de Asghar Farhâdi ; les conséquences de la guerre pour ce qui concerne la génération de l’après guerre dans Au nom du père de Ebrahim Hâtami-Kia ; des jeunes filles qui souhaitent assister à un match de foot au Stade Azâdi dans Offside de Jafar Panâhi ; une femme chassée de sa famille avec son fils, et dont l’existance devient particulièrement difficile dans Vendredi soir de Monâ Zandi, etc. Pour ce qui est de la technique, nous sommes encore loin des standards internationaux. C’est pourquoi le cinéma iranien peine encore à s’exprimer dans des genres tels que le cinéma d’horreur, la science-fiction, l’action, et même la comédie. Le cinéma social reste le domaine de prédilection des grands réalisateurs iraniens. Le 24ème Festival du film fut en effet riche en la matière.

Au nom du Festival

Ebrâhim Hâtami-Kia

"Enfant" du Festival de Fajr, Ebrahim Hatami-kia a obtenu le Simorgh de cristal du meilleur film (section compétition iranienne) pour Au nom du père. Pendant la guerre, un père pose une mine dans un site archéologique. Bien des années plus tard, après la guerre, lors d’une visite de ce site organisée par l’université, sa propre fille perd sa jambe en marchant sur cette même mine. Et son père de dire en s’adressant à Dieu : "Prends mon pied, rends le sien… j’ai fait la guerre, elle ne l’a pas faite. Je croyais, elle ne croyait pas…". Grâce à cette métaphore douloureuse, Hâtami-kia explique de quelle manière une guerre peut se prolonger au-delà d’elle-même en impliquant les générations suivantes.

Mohammad Reza Foroutan

Film social selon son réalisateur, film de guerre de l’avis de tous, Au nom du père a remporté le Simorgh de cristal du meilleur film, en lieu et place de Mercredi de fête, drame social de Asghar Farhâdi, qui était plutôt pressenti. Avoir primé le film de Hâtami-Kia en tant que le meilleur film prouve une fois de plus que le Festival suit la voie officielle du cinéma iranien. Elu comme meilleur film par les spectateurs, Mercredi de fête relate l’histoire d’une fillette qui fait des ménages et qui pendant un mercredi de fête de fin d’année devient le témoin involontaire d’une trahison conjugale. Ce film apporte, (en compensation ?), le Simorgh de cristal du meilleur réalisateur à Farhâdi, et le Simorgh de cristal de la meilleure actrice à Hedieh Tehrani. En revanche, c’est Parviz Parastouï qui gagne le Simorgh de cristal du meilleur acteur, toujours pour Au nom du père.

International mais pas trop

Assghar Farhâdi

Dans la section internationale du Festival, ont concouru 22 films étrangers et 6 films iraniens (3 longs métrages et 3 courts métrages). Parmi les films étrangers, citons Caché de Michael Haneke, Broken flowers de Jim Jarmush, Oliver Twist de Roman Polanski et Good night and good luck de George Clooney. Le Simorgh de cristal de cette catégorie a été accordé au film iranien Lentement de Jahângir Kowssari et le film de Haneke, Caché, a été élu meilleur film par les spectateurs.

Parviz Parastouï

En comparaison avec d’autres festivals internationaux, le Festival international du film de Fajr ne semble pas mériter cet adjectif. Aucun réalisateur parmi ceux dont nous venons de citer les films n’était présent au Festival. Par ailleurs, leurs films ont rarement été projetés dans leur integralité. C’est pourquoi la section internationale du Festival a manqué d’un certain dynamisme. "La section internationale du Festival sert uniquement à embellir la manifestation, a déclare Parviz Shahbâzi, cinéaste iranien, et n’a qu’une fonction décorative." Néanmoins, on ne peut nier l’utilité de cette partie du Festival, qui offre aux spectateurs iraniens l’occasion de visionner à l’écran des films appartenant au répertoire du cinéma mondial.

Hediyeh Tehrâni
La cérémonie de clôture, Tâlâr Vahdat

Lauréat

Compétition du cinéma iranien

Meilleur film : Ebrâhim Hâtami-Kia pour Au nom du père

Meilleure réalisation : Assghar Farhâdi pour Mercredi de fête

Meilleure musique de film : Mohammad Reza Darvish pour Fatal

Compétition internationale

Meilleur film : Jahângir Kozssari pour Lentement, Iran

Meilleure réalisation : Gianni Amelio pour Les clés de la maison, Italie

Meilleur acteur : Mohammad Reza Foroutan pour Lentement, Iran

Compétition du cinéma spirituel

Meilleur film : Féréshteh Tâherpour pour Quand tout le monde dormait

Meilleure réalisation : Ma Liwen pour Toi et moi, Chine

Documentaire

Meilleur film : Soudâbeh Mohâjeri pour Inana

Première réalisation

Meilleur film : Monâ Zandi pour Vendredi soir


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