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On a longtemps cru et l’on croit encore, que le célèbre diamant le Kouh-é-Nour fit partie du trésor impérial de l’Iran et qu’il fut cédé par les Qadjars à l’Angleterre. La vérité est tout autre.
Le Kouh-é-Nour, célèbre et incomparable joyau, fut certes en possession de Nader Shah Afchar pendant un temps, mais ne figura pas dans le trésor dont héritèrent les Zands et les Qadjars.
En novembre 1736, Nader Shah Afchar qui venait de renverser le dernier souverain Safavide et s’était proclamé Chah de Perse, quitta Ispahan à la tête d’une armée de 80 000, hommes et après avoir soumis les Afghans, poussa ses conquêtes jusqu’à Delhi qu’il mit à sac. Il s’empara d’un trésor considérable qui comprenait notamment le trône du Paon et les diamants Kouh-é-Nour (montagne de lumière) et Daryaye Noor (mer de lumière). Le célèbre trône, dont la magnificence avait jadis ébloui les hôtes du Grand Moghol, fut mis en pièces à la suite de l’anarchie qui suivit la mort de Nader Chah, le 19 juin 1747. On peut à ce titre s’interroger sur la provenance de son homonyme que beaucoup confondent avec l’original, lequel se trouvait, il y a quelque temps encore dans la grande salle du palais du Golestan à Téhéran, avant d’être transféré, dans la salle des joyaux de la Banque Centrale d’Iran. Selon certaines sources, le Kouh-é-Nour aurait été taillé au début du dix-neuvième siècle, par des artisans d’Ispahan, à l’occasion du mariage de l’une de leurs concitoyennes avec Fath Ali Chah Qadjar. Or, la nouvelle épouse du souverain portait le sobriquet de “Tâvous Khanom”. D’où le nom du trône en question.
Quant au reste du trésor de Nader, dont le Daryaye Noor, il est également conservé à la Banque Centrale, où il constitue une partie de l’encaisse métallique de l’Etat iranien.
Pour ce qui est du Kouh-é-Nour, son destin fut des plus romanesques. Il resta en possession des successeurs de Nader Chah, jusqu’au jour où son petit-fils, Chahrokh Mirza qui régnait alors sur la seule province du Khorassan, eut à subir les pires tortures des mains d’un puissant chef de tribu de la région qui exigeait que Chahrokh lui dévoile la précieuse cachette. Ce dernier fut sauvé in extremis par Ahmad Chah Durrani, un ancien général de son grand-père et fondateur du royaume d’Afghanistan, qui se vit offrir la pierre en guise de reconnaissance. Pesant alors 186 carats, elle demeura à Kaboul plus de soixante ans, et fut témoin des drames sanglants qui déchirèrent les descendants d’Ahmad Chah. Le petit-fils de celui-ci, Zaman Chah, était en possession du Kouh-é-Nour lorsqu’il_fut déposé du trône, rendu borgne et enfermé dans une citadelle, par son frère Mahmoud. Le monarque déchu réussit toutefois à préserver le Kouh-é-Nour de la convoitise de son bourreau, et grâce à la complicité d’un de ses geôliers, le fit plâtrer dans le mur de sa cellule. Peu de temps s’écoula avant que Mahmoud ne fût à son tour détrôné et emprisonné par un troisième frère, Chah Chodja. Celui-ci libéra aussitôt Zaman Chah qui, en signe de gratitude, lui remit le joyau. Six ans plus tard, Mahmoud s’évada de prison et reconquit la couronne, obligeant ses frères Zaman et Chuja à chercher refuge auprès de Ranjit Singh, le maharaja du nouveau royaume sikh du Pendjab.
Avide de femmes, de chevaux et de pierres précieuses, Ranjit Singh fit tout ce qui était en son pouvoir pour extorquer le fameux diamant à son hôte, allant jusqu’à le priver de nourriture lui et sa famille jusqu’à ce que mort s’ensuive. Etant entré en possession de la pierre, il l’incrusta dans un brassard qu’il portait lors des cérémonies officielles. A la mort de Ranjit Singh, en 1839, ses trois fils, Kharak Singh, Sher Singh et Dhalip Singh héritèrent tour à tour du Kouh-é-Nour, devenu désormais un symbole de souveraineté.
Entre-temps, le gouverne-ment britannique des Indes avait jeté son dévolu sur le Pendjab. Les guerres anglo-sikhs de 1848 et 1849 lui en assurèrent d’abord le protectorat, puis la souveraineté. Le 29 mars 1849, le Conseil de Régence et le maharaja Dhalip Singh ratifiaient l’acte de soumission du Pendjab à la Grande-Bretagne. Au terme de ce document, le Kouh-é-Nour fut cédé à la reine Victoria. Au même moment, lord Dalhousie, gouverneur général des Indes et architecte de la conquête du nouveau territoire, écrivait à ses supérieurs à Londres : " Ce n’est pas tous les jours qu’un officier du gouvernement ajoute quatre millions de sujets à l’Empire britannique et place le joyau historique des Grands Moghols sur la couronne de son souverain. Cela, je l’ai accompli. "
La reine Victoria fit enchâsser le diamant dans sa petite couronne. Depuis 1937, il formait l’ornement principal de la couronne de la reine mère d’Angleterre. Retaillé en 1852, son poids est aujourd’hui de 108,93 carats.