N° 30, mai 2008

Les vêtements de femme à l’époque safavide (1502-1722)


Faranak Jahânguiri
Traduit par

Babak Ershadi


Le nombre de documents qui nous sont parvenus de l’époque safavide prouve l’importance de la mode vestimentaire à cette période de l’histoire iranienne par rapport aux époques précédentes. Des habits, ainsi que des documents, des peintures et autres ouvrages visuels datant des Safavides, nous renseignent dans une large mesure sur l’habillement masculin et féminin dans la Perse du XVIe siècle jusqu’au début du XVIIIe siècle, et sur ce que nous pouvons appeler sans hésitation "les métiers de la mode" (couturiers, créateurs, stylistes).

En soi, les vêtements de cour datant de l’ère safavide sont assez rares, en particulier en raison du pillage de la capitale et des garde-robes impériales par les Afghans en 1722, date de la fin du règne de cette dynastie. Par ailleurs, à partir du XVIIIe siècle, les Perses ont pris goût, peu à peu, aux modes vestimentaires européennes, ce qui n’a pas tardé, un siècle plus tard, à entraîner une rupture avec les modes anciennes, au moins dans les milieux citadins. Les documents visuels et les peintures nous fournissent cependant beaucoup d’informations sur les habitudes vestimentaires des deux sexes, d’autant plus que les cours européennes conservent de précieuses collections de vêtements somptueux offerts en souvenir par les Safavides aux voyageurs ou aux rois européens.

Jeune fille au bonnet de fourrure, Mohammad ‘Alî, XVIe siècle

Au XVIe siècle, les habits des hommes et des femmes de la cour safavide rappelaient des modes plus anciennes, celles surtout de l’époque timouride, du nom de la dynastie tatare qui régna sur la Transoxiane et la Perse du XIVe jusqu’au début du XVIe siècle. Les Timourides étaient les descendants du conquérant turco-mongol Tamerlan (1336-1405). Bien que Tamerlan fût célèbre dans les annales du crime pour sa cruauté et les nombreuses atrocités commises par ses armées, il fut aussi, admettons-le, un passionné érudit et un mécène enthousiaste des arts. Sa dynastie est donc renommée pour son aide au développement de la littérature et des arts turcs et persans. Les princes et les princesses timourides appréciaient la mode et ne manquaient pas de goût, c’est ainsi que les Safavides héritèrent, du moins en leurs débuts, du style vestimentaire des Timourides, caractérisé par un style à la fois simple et somptueux. En effet, à cette époque, les dames safavides s’habillaient d’habits à la coupe sobre mais chic, donc chers. Cette beauté coûteuse d’un luxe visible extrême venait de l’usage des étoffes et des parures les plus chères du monde.

Cependant, il semblerait qu’il n’y ait pas eu à l’époque de grandes différences entre l’habillement féminin et masculin des courtisans, la distinction des genres résidant essentiellement dans les couvre-chefs : turbans perse pour les hommes, et différents types de foulards pour les femmes.

D’après les miniatures et les peintures de l’époque, les dames de la cour safavide étaient très "chic" et s’habillaient avec goût et élégance. Les étoffes étaient splendides, somptueuses et brodées de fils brillants. Elles portaient des tuniques longues, ouvertes jusqu’à la taille et brodées sur les bords, avec, en dessous, une sorte de chemise. Sur ce chemisier, les femmes portait une robe (radâ), vêtement de dessus, couvrant le buste et le haut des jambes, qui laissait voir le col ouvert de la tunique de dessous (plus échancrée pour les femmes qui allaitaient). Il y avait également des chemisiers de soie, blancs ou en couleurs, boutonnés non pas devant, mais sur l’épaule droite. Le tissu de ce corsage était d’une qualité supérieure aux vêtements de dessous. Une écharpe (châl), large bande d’étoffe, de velours ou de cuir, était nouée autour de la taille. Quant aux pantalons, portés sous la tunique ou le chemisier, ils étaient amples, ajustés sur les chevilles, souvent de tissus rayés et brodés sur les bords. Enfin, les femmes portaient une robe sur tous ces vêtements. Cette robe à col en V était le vêtement le plus important. Certaines robes avaient des manches longues et amples jusqu’aux coudes. D’autres possédaient des manches plus longues et plus serrées qui tombaient jusqu’aux poignets, comme pour les robes masculines.

Vêtements de femme à l’époque safavide

Un tableau datant du XVIe siècle nous montre une princesse persane vêtue d’un corsage au col brodé. Les manches de la robe sont courtes et on peut voir les manches de son vêtement de dessous fait d’une étoffe très fine. Les robes et les corsages avaient parfois une doublure et les femmes les mettaient en hiver.

Le vêtement typiquement féminin de l’époque était une jupe longue (chaliteh) qui tombait jusqu’aux chevilles. Les femmes portaient des bottes de cuir ou de toile qui enfermaient le pied et la jambe. A partir du XVIIe siècle, les femmes ont porté également des souliers en cuir de différentes couleurs.

Les vêtements d’intérieur des femmes étaient évidemment différents des habits du dehors. A l’intérieur de la maison, les femmes mettaient soit un foulard couvrant les cheveux et qui descendait dans le dos, soit un fichu, pièce d’étoffe nouée sous le menton, qui couvrait la tête, la gorge et les épaules. Les dames des familles riches portaient également des chapeaux ornés de pièces d’or et d’argent, ou de pierres précieuses. Lorsque les femmes sortaient de chez elles, elles mettaient un voile long (tchâdor) qui couvrait entièrement leur corps de la tête au pied. Elles couvraient également leur visage avec des voilettes de dentelle destinées à les protéger des regards indiscrets. Les peintures de l’époque de l’empereur Shah Abbas Ier (1588-1629), les fresques du palais Tchehel-Sotoun à Ispahan, et les dessins des voyageurs européens qui ont visité la capitale safavide, nous renseignent sur certains détails de la mode vestimentaire de l’époque, ainsi que ses évolutions et ses innovations.

Miniature persane, portrtait d’une princesse à l’époque safavide, par Mirzâ Ali, XVIe siècle

En 1630, l’empereur Shah Safi offrit à la cour du tzar russe un corsage féminin court et serré. Il était de velours et portait des broderies en fils d’or. En 1644, le tzar offrit le vêtement à la reine de Suède, Christine, qui fut couronnée la même année. Ce corsage est conservé aujourd’hui au musée royal de Stockholm.

Au XVIIe siècle, de nouvelles modes vestimentaires vinrent bouleverser les normes acquises et la couture connut des changements remarquables. Les robes eurent des corsages plus serrés et l’ampleur des manches diminua. Le voyageur anglais Herbert, qui a visité la Perse pendant cette période (1626-1627), décrit des robes serrées et longues. Vers la fin du XVIIIe siècle, Seyyed Hassan Mortazavi Astarâbâdi lança plusieurs nouvelles modes basées sur les appréciations personnelles de l’empereur Shah Abbas Ier : pantalons de tissu anglais, robes à col anglais, à col rond, etc.

Jean Chardin (1643-1713) est parmi les Européens qui visitèrent la Perse où il vécut l’âge d’or de la dynastie safavide. Dans le récit de son voyage, il décrit un vêtement court à la mode depuis le début du XVIIe siècle. Cet habit court avait supplanté un certain temps les robes longues. L’apparition de cette mode datait apparemment de l’époque du règne de Shah Abbas Ier, mais il n’a été représenté dans les tableaux de l’époque qu’assez tard, vers le milieu du siècle.

Il va sans dire que ces modes du XVIe au début du XVIIIe siècle se limitaient naturellement à la cour safavide et à la haute noblesse citadine de l’époque. La dynastie safavide, quant à elle, commença à décliner au début du XVIIIe siècle et les Afghans prirent Ispahan, la capitale, en 1722. Dix ans plus tard, Nâder Shah devint régent du dernier prince safavide, et il mit définitivement fin à la dynastie en 1736.


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