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Sous la peau du Rey d’autrefois, de longs bazars réunissaient les vendeurs et les clients de toutes classes et horizons…
Le bazar est le lieu de commerce par excellence, où se réunissent quotidiennement un grand nombre de clients et de marchands. Généralement, la présence des bazars plus ou moins importants reflète l’importance de chaque ville du point de vue commercial, économique, artistique, etc. C’est pourquoi les gouverneurs de l’époque tentaient de construire de grands bazars aux décorations fastueuses. Outre les échoppes s’alignant tout au long du bazar, d’autres bâtiments servaient à la foule comme centre de réunion dont la mosquée, l’école, le caravansérail et le bain public. Parfois, dans les points d’intersection des bazars se formaient des "Tchâhârsough", ou carrefours couverts. Ils avaient en général une forme circulaire et étaient décorés à l’aide d’ornements en tuile émaillée et en plâtre. Le bazar a été toujours un lieu agité et plein de monde. Il n’y régnait un calme relatif qu’à l’heure de la prière et du déjeuner ainsi que la nuit. Ainsi, les bazars étaient ouverts du petit matin jusqu’au soleil couchant. Au moment du coucher du soleil, on organisait une sorte de cérémonie pour célébrer la fin d’un jour animé, plein de bruits et d’allées et venues. A environ huit heures du soir, on jouait du tambour dont le son signifiait : "Vous, marchands ! Ramassez toutes vos affaires et retournez chez vous !" Cela suffisait pour que tout le monde cesse son travail et quitte son échoppe. Une heure plus tard, l’endroit était désert, et seuls restaient les gardiens de nuit qui faisaient la ronde tout le long du bazar. Le chef de ces agents de police s’appelait "Dârougheh" et était chargé de surveiller l’ensemble de l’équipe et recevait les rapports des différents postes.
Chaque recoin de bazar appartenait à un corps de métier particulier ; il y avait par exemple le bazar des marchands du tabac, celui des marchands de chapeaux, de chaussures, etc. De cette façon, les clients ne s’y perdaient pas et pouvaient trouver directement ce dont ils avaient besoin. Dans la ville de Rey, le nombre de ces bazars était considérable et l’ancien bazar de Rey - qui a survécu jusqu’à nos jours - fait partie du patrimoine historique et culturel de la grandiose ville de Rey.
Cette ville était auparavant un lieu de passage sur la Route de Soie, ce qui favorisa son essor commercial et l’apparition de grands bazars. Après Rey, les caravaniers de la Route de la Soie s’arrêtaient à Hamedân pour ensuite aller jusqu’en Mésopotamie. La présence de la ville de Rey sur cette route a contribué à augmenter son importance commerciale. On y vendait des produits importés de Chine, d’Inde et d’Asie centrale, tandis que d’autres marchandises venant d’Asie mineure, de Grèce, et de Mésopotamie étaient exportées dans les autres régions du monde.
L’ancien bazar de Rey nous rappelle aujourd’hui le brouhaha des jours lointains ; lorsque les marchandises, au lieu d’être exposées derrière des vitres lustrées, étaient naïvement rangées sur des planches devant les petites échoppes. Si les anciens propriétaires des échoppes ont laissé place à leurs successeurs - car dans le cadre traditionnel le métier se transmet de père en fils - l’atmosphère n’a guère changé : les mêmes chariots pour déplacer les marchandises, les mêmes vieillards souriants qui vendent les condiments, les tapis de prières et les chapelets, les herboristes pesant les épices et les fines herbes de couleurs variées, les drapiers qui mesurent les étoffes au cent dessins... Le bazar doit également sa popularité à ses restaurants traditionnels, où l’on y sert des "kebab" préparés à l’iranienne, servis avec le pain cuit sur place dans des fours traditionnels. Dans certains recoins du plafond du bazar, on peut apercevoir des nids d’hirondelles en forme de bol. Ces oiseaux migrateurs composent instinctivement des œuvres d’art, en assemblant minutieusement du bois et des bouts de tiges placés les uns à côté des autres. Ces nids sont d’ailleurs l’un des attraits de cet ancien bazar.
Il n’est pas difficile de trouver l’entrée du bazar, étant donné qu’elle se situe tout au long du mausolée de Shâh Abdol’azim, du nord au sud. L’essentiel du bazar actuel se situe au milieu, à un carrefour couvert dont le plafond est voûté. L’aile sud de ce carrefour couvert mène au caravansérail "Dogholou", c’est-à-dire le caravansérail jumeau, tandis qu’une petite place est aussi à remarquer dans son aile est. On peut également parcourir, toujours le long du bazar, deux vielles ruelles s’appelant "Garmâbeh" (le bain) et "Saghâyân" (les porteurs d’eau). Selon certaines sources, à la suite de la demande du régisseur du mausolée de Shâh Abdol’azim destinée à régler le problème de la distribution de nourriture aux pèlerins, Shâh Tahmâsb le Safavide ordonna de construire 24 boutiques près du mausolée. Cet ordre est considéré comme le point de départ de la formation du bazar actuel. Plus tard, sous le règne de Nâssereddin Shâh puis sous le gouvernement d’Amir Kabir, la construction du bâtiment fut complétée.
Tout compte fait, bien qu’un bazar soit un centre commercial, cet ancien bazar de Rey donne l’impression d’être une foire traditionnelle dont le cadre fait disparaître tout l’ennui d’une modernité parfois trop monotone.
Comme son nom l’indique, le mausolée de Javânmard Ghassâb à Rey appartient à une personnalité bien connue de l’époque. Mais malheureusement, il nous reste peu d’informations concernant sa vie et sa biographie. Il est cependant demeuré célèbre pour sa piété et sa générosité. En effet, la première partie de son nom, ou plutôt son titre de "Javânmard" signifie "brave et généreux", tandis que "Ghassâb" fait référence à son métier de boucher. Pourtant, il est à noter que dans le deuxième tome du livre Les notes de Ghazvini, deux récits différents sont relatés à propos de cet homme. De plus, d’après l’un des responsables de l’héritage culturel de Rey, il aurait vécu à la même époque que l’Imam Ali, le premier Imam shiite, qu’il chérissait énormément. A présent, la seule trace qui nous est restée de lui est le bâtiment du mausolée. Il se situe à Mansourâbâd, à un kilomètre à l’ouest de la route de Téhéran menant à Rey. Selon M. Mostafavi, à l’époque, les gens parcouraient une longue distance à pied ou à cheval pour arriver au mausolée de Javânmard Ghassâb. Pour cela, ils passaient par la porte "Ghâr" à Téhéran pour ensuite traverser Ali’âbâd sur une route de terre menant vers le sud. Ainsi après avoir parcouru quelques kilomètres, ils traversaient un pont à côté duquel coulait un grand ruisseau.
Toutefois, depuis cette époque, le bâtiment a subi quelques changements. Il est actuellement en forme de cube mesurant environ 6 mètres de côté avec un dôme en brique recouvert de torchis. Au centre du bâtiment se trouve un tombeau entouré par des barres. Une plaque gravée de deux vers peu visibles scelle la pierre tombale. Outre ces vers, l’image de quelques lions entourés d’ornementations en relief sont également gravés sur la plaque. Le mausolée et la plaque datent probablement de l’époque de Fathalishâh le Qâdjâr.
Pour parler de Rey, on ne manquerait jamais de mots. Son passé est si riche et tumultueux que l’on découvre à chaque fois quelque chose de nouveau. La liste de ses monuments, collines et murailles est aussi longue que son histoire. Le visage de cette ville grandiose demeure pour nous caché derrière la poussière des siècles, mais nous sommes heureuses d’avoir fait revivre certaines de ces facettes au cours de ces quelques récits…
FIN