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En 2004, Djamshid Aminifar a pris le parti, malgré les critiques acerbes de son entourage, de devenir peintre de rue. Il est le seul peintre de rue qui semble exister à Téhéran. Installé au croisement des rues Enghelâb et Felestine, il ramasse des débris épars, des planches, des cartons, des carcasses de roue, des bouts de ventilateurs… et les transforme en objets singuliers, animés par un univers pictural particulier, foisonnant. Innovant par son style naïf et personnel, il peint en pleine rue puis stocke ses œuvres derrière une palissade. Le contraste est grand entre cet homme - issu d’un milieu social aisé et ayant fait, avant la Révolution, des études artistiques en Angleterre - et le regard consterné de l’ensemble d’une opinion publique peu sensibilisée à cet art. La plupart des passants sont apeurés à la vue de cet artiste marginalisé.
Posées à même le sol entre l’Université de l’Art et le café Godot, ses œuvres ont cependant attiré le regard d’un petit nombre d’étudiants, enclins à encourager cette nouvelle pratique artistique. Ces quelques jeunes Iraniens sont devenus solidaires d’un artiste quotidiennement confronté à la malveillance de nombreux passants. Ces derniers apparaissent d’ailleurs sous la forme de vaches dans les œuvres de l’artiste. Celui-ci s’exclame : "Je veux que mes tableaux leur renvoie cette image d’eux-mêmes". Ali Fakhâri, lycéen, a organisé deux expositions en l’honneur de l’artiste : l’une en février 2006 au Centre culturel et artistique Bahman, l’autre à l’automne 2007 mais n’a pu vendre que très peu d’œuvres. D’après lui, Djamshid Aminifar serait "le Van Gogh de l’Iran". Rokhsâreh Ghâemmaghâmi, réalisatrice, a élaboré en 2007 un film documentaire, Cyanosé, comprenant dix minutes d’animation, sur l’artiste, sa vie, son oeuvre, la richesse de son imagination. Selon elle, Djamshid Aminifar représente "la figure même de l’Artiste". Ce film a remporté un vif succès en Europe, au Canada et même en Iran.
Pourtant, Djamshid Aminifar, peintre de rue, vit dans une précarité accrue. Nous craignons qu’il ne devienne davantage marginalisé. Son rêve : être reconnu, et exposer, pourquoi pas à l’étranger…