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C’est l’hiver ; l’hiver rigoureux avec ses courtes journées et ses longues soirées ; avec sa terre qui abandonne nonchalamment ses bras nus à la froide caresse de la neige, dont les flocons peignent doucement de la pointe du pinceau son sommeil blanc. C’est l’hiver avec ses boules et son bonhomme de neige, son écharpe, son châle, ses bottes et ses gants. C’est les trottoirs de la rue Valî-’Asr qu’on descend à pied, sous la neige, le soir, quand les bus sont pleins à craquer. C’est aussi la nappe à carreaux du Korsî, le rouge de la grenade, la pastèque de la nuit de Yaldâ, la poignée de noix sortant de la poche du manteau usé du grand-père, et les récits merveilleux de la grand-mère : c’est l’hiver à l’iranienne. Mais c’est aussi le Père Noël qui descend par la cheminée pour déposer des cadeaux dans les souliers des enfants. C’est le sapin et les guirlandes, les Messes et le Réveillon de Noël. C’est les illuminations des Champs-ةlysées. C’est l’Arc de Triomphe transformé en une porte magique qui clôt un très beau parcours à effectuer la nuit tombée. C’est les cafés qu’on prend en terrasse chauffée, en regardant le monde qui passe. C’est la joie, c’est les "bonne année !" C’est l’hiver à la française.
En son troisième hiver, le soleil brille toujours au ciel de la Revue de Téhéran. Le journal a vu le jour il y a un peu plus de deux ans, avec l’objectif de présenter prioritairement le patrimoine culturel iranien peu connu du public français, et ce, en dépit des relations entretenues de longue date entre les deux pays. L’Iran et la France, deux grands pôles de civilisation mondiale, ont établi, on le sait, des liens diplomatiques il y a bientôt deux siècles. Depuis, la France n’a point cessé de diffuser sa langue et sa culture dans notre pays, à tel point que l’on reconnaît aujourd’hui à sa juste mesure, l’influence constructive de cette dernière. Pour preuve, les nombreux ouvrages traduits à partir de cette langue, durant toutes ces années. La présence de mots français dans la langue persane illustre également ce principe. Cependant, l’absence de la tendance inverse s’est toujours fait sentir. Nous manquions jusqu’alors d’un outil permettant de communiquer en retour la richesse de notre culture à ces mêmes Français, mais également aux francophones du monde entier. C’est sur cette voie non balisée que s’engagea la Revue de Téhéran. L’objectif poursuivi était en effet de taille, compte tenu du caractère effectivement inédit de ce premier mensuel iranien d’expression française. La collecte d’articles et de textes de qualité, rédigés en "bon français" constituait (et constitue encore) l’un des problèmes majeurs de l’entreprise. Celle-ci exigeait des rédacteurs et des traducteurs possédant une maîtrise suffisante de la langue française. La distribution aussi ne manqua pas de poser problème. Cependant, contre vents et marées, la Revue a persévéré, et aujourd’hui, mieux qu’avant (de l’aveu même des lecteurs), elle continue à paraître en kiosque tous les débuts de mois, et contribue ainsi à valoriser la culture iranienne. Cela grâce aux soins d’une équipe peu nombreuse mais motivée, et par-dessus tout, grâce à votre fidélité et à vos encouragements, chers lecteurs et compagnons de route. Des professeurs et des étudiants de tous les départements de français nous ont par ailleurs apporté leurs conseils en vue d’améliorer et d’enrichir notre revue. Nous vous remercions de tout cœur de votre soutien moral, et de nous avoir aidé à tracer l’itinéraire de notre passionnant périple : celui de la découverte de l’Iran d’hier et d’aujourd’hui. Le chemin est bien long et nous venons tout juste de prendre la route.
Oui, de la Perse antique jusqu’à l’Iran islamique, la distance à parcourir est bien longue, il faut sans arrêt prêter sur cette voie l’oreille à un poète, à un mystique qui chante en Robâ’î, la gloire de Dieu, ou bien s’abandonner à la contemplation d’un beau paysage, d’une belle miniature, d’un dôme bleu turquoise... On a raison de répéter que l’Iran est riche : de l’art, de la littérature, des sites historiques à n’en plus finir, des us et coutumes, une faune et une flore giboyeuse… et c’est vrai qu’avec vous nous aussi nous découvrons ou redécouvrons ses beautés miraculeuses (comme ils sont fous ceux qui hurlent à la guerre, ce mal ennemi du beau !). Nous ne manquons pas cependant d’évoquer les problèmes du pays, du trafic de Téhéran jusqu’aux problèmes éducatifs : nos cahiers traitent chaque mois un sujet du jour, ou bien un sujet en rapport avec un événement particulier du calendrier persan. Nos rédacteurs aussi bien que les correspondants de la revue en France, essaient par ailleurs de nous tenir au courant des événements culturels français, ce qui signale au passage l’intérêt porté par la Revue à la culture française, et qui répond aussi en partie aux doléances des lecteurs (en particulier des étudiants).
Le travail reste évidemment perfectible. De cela, nous sommes plus que quiconque conscients. Mais son perfectionnement exige avant tout la contribution des iranophiles de tous bords, des passionnés de la langue française, ou bien de ceux qui trouvent simplement plaisir à coucher leurs paroles sur les pages blanches de notre revue. Ceux-là aussi seront toujours les bienvenues. Joyeuse année ! Et bon hiver !