L’eau et l’ombre sont précieuses en Iran ; elles procurent de la fraîcheur dans ce pays au climat sec. Les Iraniens ont trouvé des moyens pour contrecarrer la lumière et la chaleur intenses du soleil pendant l’été : ces moyens s’appliquent en particulier dans le jardin. [1]

I- Le jardin est un élément de l’architecture iranienne depuis des millénaires :

Un certain nombre d’éléments sont en faveur de cette affirmation. On a trouvé en Iran des pots en terre cuite datant du 4e millénaire avant J.C., sur lesquels on voit le dessin d’un bassin entouré d’arbres. Sur d’autres pots, il existe un dessin en forme de croix qui semble être la représentation de canaux, avec parfois un bassin dessiné à l’intersection des canaux.

Le jardin faisait partie de l’architecture iranienne au cours du 1er millénaire avant J.C. Il existe des preuves archéologiques à ce sujet à Pâssârgâd, à Persepolis, à Suse et dans d’autres sites archéologiques. Des textes écrits par des historiens grecs (en particulier Xénophon) au cours de l’Antiquité confirment également ce fait.

Il semble que les premiers jardins créés en Iran à l’époque achéménide étaient situés à Pâssârgâd, résidence de Cyrus Ier, fondateur de l’Empire Achéménide (559-530 avant J.C.). Les palais situés à Pâssârgâd étaient conçus et construits comme une série de pavillons situés au milieu de jardins et parterres aux formes géométriques, ainsi que des canaux et cours d’eau en pierre, l’ensemble constituant un parc avec différentes variétés de plantes et d’animaux. Les études récentes montrent que ce jardin fut probablement le modèle des jardins ultérieurs.

Les rois de la dynastie achéménide s’intéressaient à l’horticulture et à l’agriculture. Leur administration encourageait les efforts des satrapes, qui tentaient d’innover en matière de techniques d’irrigation, d’arboriculture et d’irrigation. Le jardin royal avait de plus un sens symbolique : l’idée que le Roi crée un jardin fertile sur une terre aride, qu’il soit à l’origine de la symétrie et de l’ordre, et qu’il soit donc le créateur d’une réplique sur la Terre du Paradis Divin, conférait au Roi une plus grande autorité et légitimité.

A l’époque des rois Achéménides, le jardin devint, pour la première fois, l’élément central de l’architecture. Dès lors, le jardin fit partie de la culture iranienne, et des générations successives de monarques asiatiques et européens, ou tout simplement des amoureux du jardin copièrent le concept et la forme architecturale des jardins perses.

Dès l’époque achéménide, l’idée d’un paradis terrestre se propagea dans la littérature et la langue des cultures autres que la culture iranienne. Le mot avestique "pairidaeza" migra vers les autres langues indo-européennes telles que le grec et le latin, mais aussi vers des langues sémitiques ; le mot Akkadien "pardesu", le mot hébreu "pardes" et le mot arabe "ferdows" ont pour origine ce mot persan.

II- Les éléments constitutifs du jardin iranien :

Les arbres et les fleurs

La lumière du soleil est un facteur important de structuration des jardins iraniens, et conditionne les textures et les formes choisies par l’architecte, le but étant de réduire l’impact des rayons solaires. Les arbres et les treilles servent donc d’ombrage naturel.

Dans les jardins iraniens, les arbres ont donc une grande valeur, non seulement pour l’ombre qu’ils fournissent mais aussi parce qu’ils attirent les oiseaux. Plus il y a d’arbres dans un jardin, plus les oiseaux qui habitent dans ce jardin sont nombreux. Et plus les arbres d’un jardin sont vieux, plus ce jardin a de la valeur.

Jardin de Fine, Kâchân, Iran

Les arbres que l’on voit traditionnellement dans les jardins iraniens sont le cyprès -l’arbre iranien par excellence-, le platane, et toutes sortes d’arbres fruitiers, en particulier le grenadier, et souvent des vignes.

Les fleurs font également partie des éléments constitutifs des jardins, en particulier des arbustes tels que le rosier et le lilas.

Un tel jardin permet d’avoir une très belle floraison au printemps, et des fruits exquis en été.

L’eau, les canaux, le bassin

Mais sans eau, aucune plante ne peut survivre. Il ne pleut pas beaucoup dans la plupart des régions de l’Iran, d’où l’importance capitale de l’eau dans la constitution du jardin iranien.

Dans les régions arides, les Iraniens construisent des "ghanât" pour avoir accès à l’eau souterraine. Ce procédé -qui existe, semble-t-il, depuis l’époque achéménide consiste à creuser des puits successifs (une quarantaine au moins) les uns à côté des autres, à un niveau supérieur à la hauteur de la cité ou du village, à flanc de montagne, et à relier ces puits par des carrières souterraines, ce qui permet de faire monter l’eau de la nappe phréatique jusqu’à la surface de la terre, et de faire écouler l’eau avec un débit abondant et régulier. On achemine ensuite cette eau jusqu’aux habitations, terrains agricoles et jardins.

Jardan de Châhzâdeh - Kermân, Iran
ketâb-e Iran

Les Iraniens construisent généralement un bassin au milieu du jardin, à l’intersection des rigoles à tracés réguliers qui acheminent l’eau du "ghanât" ; cette eau assure l’irrigation des plantes et se verse dans le bassin central. Le bassin est construit avec une légère pente, de manière à ce que l’excédant d’eau, une fois le bassin rempli, s’écoule à l’extérieur du bassin.

Les bassins iraniens ont deux caractéristiques typiques : la première caractéristique est une margelle à l’intérieur du bassin, tout autour de la bordure -qui permet aux gens de s’asseoir sur la bordure du bassin et de mettre leurs jambes à l’intérieur de l’eau pour se rafraîchir- ; la deuxième caractéristique est un petit canal qui entoure le bassin à l’extérieur de celui-ci et qui sert de trop-plein.

Le pavillon central

A l’époque de la dynastie Sassanide (224-641 après J.C.), on bâtissait dans le domaine réservé à la chasse du roi un pavillon, situé à l’intersection des chemins. On pense que cette forme structurée en quatre parties a inspiré la forme architecturale des jardins iraniens des siècles postérieurs, et que l’on nomme "tchahâr bâgh" [2], comportant quatre carrés de plantes et le bassin au milieu.

III- La présence du jardin dans l’art iranien :

Le jardin, cet élément fondamental de la culture iranienne, est présent dans toutes les formes artistiques iraniennes. Le tapis, les tissus, la peinture -en particulier la miniature- et la musique classique iranienne représentent souvent l’atmosphère et l’ambiance qui règnent dans les jardins iraniens : la sérénité règne, et l’on jouit du temps que l’on passe ensemble (en famille ou entre amis), assis à côté d’un bassin, à l’ombre d’arbres centenaires, à bavarder tout en buvant une boisson ou en mangeant des fruits, et à écouter le chant des oiseaux. C’est divin. Rien d’étonnant donc que jardin et paradis aient un même nom en persan.

Notes

[1Un article de l’Encyclopedia Iranica sur les jardins iraniens à l’époque des Achéménides, et le premier chapitre du livre de Donald Newton Wilber sur les jardins iraniens (dont la traduction en persan par Mahine-dokht Sabâ a été publiée aux éditions Elmi-Farhangui en 1385) ont servi de base pour cet article.

[2"Tchahâr-Bâgh" signifie "quatre jardins"


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1 Message

  • Le jardin iranien 29 juin 2016 07:37, par yves.luginbuhl@univ-paris1.fr

    Merci de m’informer sur les recherches réalisées sur les jardins persans. Je cherche en particulier un jardin isolé dans le désert iranien et irrigué par des Khanat.
    Yves Luginbühl, directeur de recherche émérite au CNRS, France

    repondre message