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Présentées au printemps 2008 à l’auditorium du musée du Louvre à Paris par le Docteur Rajabali Labbâf Khâniki, archéologue, rattaché à l’Université de Mashhad, ancien adjoint scientifique de l’Organisation du Patrimoine national.
Rajabali Labbâf Khâniki a tout particulièrement étudié et fouillé les vestiges archéologiques du Khorâsân : sondages et fouilles archéologiques de onze sites historiques, la dernière campagne ayant consisté en six saisons de fouilles à Shadiakh. Il a publié huit ouvrages, quatre-vingt-quinze articles et donné de nombreuses conférences dans des congrès régionaux et internationaux, notamment au Tadjikistan, au Turkménistan, en Chine et en Angleterre.
Le site archéologique de Shadiakh, sous la responsabilité d’une équipe iranienne dirigée par le Docteur Rajabali Labbâf Khâniki, s’étend au sud de la ville moderne de Neyshâbur et à environ 3 km au sud des vestiges archéologiques de l’ancienne ville. Il est situé à 1,5 km du mausolée de Omar Khayyâm et à 200 mètres de celui du poète Attar.
Une équipe franco-iranienne, dirigée par Monique Kervran (directeur de la recherche au CNRS, co-directeur de la mission irano-française de Neyshâbur) et R. Labbaf, a prospecté le Quhandez (citadelle) de Neyshâbur, en 2004 et entrepris des fouilles de 2005 à 2007. En 2007, la co-direction française a été confiée à Rocco Rante de l’Institut Français de Recherche en Iran (IFRI). L’étude du matériel céramique a été confiée au Département des arts de l’Islam du Musée du Louvre.
Ces recherches ont permis de mettre au jour les plus anciens niveaux d’occupation du site, de la période sassanide jusqu’à la fin du XIIe - début du XIIIe siècle.
Les résultats archéologiques des fouilles 2005-2006 de la citadelle de Neyshâbur ont été présentés à l’auditorium du Louvre en janvier 2007 par Monique Kervran et les résultats céramologiques des fouilles 2005-2007 ont été présentés en janvier 2008 par Annabelle Collinet et Delphine Miroudot (ingénieurs d’étude au département des Arts de l’Islam du Musée du Louvre).
A en croire les récits historiques, Shadiakh était à l’origine un jardin planté d’arbres, contigu à la ville de Neyshâbur. Au IXe siècle de l’ère chrétienne, le site devint terrain militaire et siège du gouvernorat du Khorâsân, sous l’autorité d’Abdullah Bin Tâher (828-845). Il le resta pendant plus de 300 ans jusqu’à l’invasion de Neyshâbur par les hordes mongoles. Après l’invasion mongole, Shadiakh connaîtra une seconde période, durant la dynastie ilkhânide.
Les monuments et les objets découverts au cours des six campagnes de fouilles ont révélé des indices importants du contexte socio-politique de la ville à différentes périodes. Ils indiquent que Shadiakh a été démolie et reconstruite plusieurs fois. Des traces d’incendie sur de vastes étendues, de nombreux murs détruits recouvrant des squelettes humains donnent à penser que la ville a été souvent touchée par des guerres et des séismes.
Les fouilles de Shadiakh ont principalement révélé l’histoire postérieure de Neyshâbur : si ce faubourg existait bien avant l’époque seljoukide, c’est en effet à partir du XIIe siècle et durant la période mongole qu’il a connu un réel essor.
Certains chercheurs pensent que la ville de Neyshâbur fut fondée par Shâh Rokh le Timouride, fils de Tamerlan, au XVe siècle de l’ère chrétienne. Des vestiges de palais construits au XIIe et XIIIe siècles, retrouvés à Neyshâbur, contredisent cette hypothèse. De même, des briques émaillées, identiques à celles de la Mosquée du Vendredi de Zuzan ont été retrouvées. Or cette mosquée est la quatrième édifiée avant l’invasion des Mongols. Elle date de 1219. Restée inachevée, elle est le plus grand édifice de l’architecture islamique d’Iran, avec des iwans de plus de 35 mètres de hauteur. Il est permis de penser qu’un édifice comparable existait à Neyshâbur.
Parmi les nombreux objets découverts, on a retrouvé une plaque à signes astrologiques, datant probablement du XIIe siècle, donc bien avant la période timouride, sur laquelle ont été représentés le soleil et le lion, symboles du pouvoir en Iran. C’est la représentation la plus ancienne de cet emblème que l’on ait trouvé. Il est donc permis de penser que c’est ici que l’on trouve ses racines.
Par ailleurs, on a retrouvé à Neyshâbur des amas de cendres et de charbon, résultant d’incendies de portes et constructions en bois, des clous, des corps éparpillés, des murs de brique détruits, traces d’attaques mongoles probables. Par contre, aucun vestige de l’époque timouride n’a été retrouvé sur les sites fouillés.
Après la mise à sac de Neyshâbur en 1153, ses habitants s’installent en nombre à Shadiakh. Durant la seconde moitié du XIIe siècle, période troublée par les luttes de pouvoir entre Khwârazmshâhs et Seljoukides, le faubourg de Shadiakh est agrandi et fortifié. Mais c’est après les tremblements de terre ayant causé la destruction partielle de Neyshâbur au début du XIIIe siècle, et suite aux invasions mongoles de 1221, que le centre de la ville s’est déplacé à Shadiakh.
La chronologie des destructions successives qui ont eu lieu à partir de cette époque, a été établie par les archéologues :
" 1221, destruction de Shadiakh et de Neyshâbur par les Mongols puis reconstruction.
" 1251, destruction de Shadiakh par un tremblement de terre puis reconstruction.
" 1259, destruction de Shadiakh par une attaque mongole puis reconstruction.
" 1270, tremblement de terre. Les murs dont on a retrouvé les vestiges ont été abattus lors de ce séisme.
" 1295, à la suite de la destruction précédente, Neyshâbur est déplacée à l’emplacement qu’elle occupe aujourd’hui.
Un complexe architectural identifié comme un palais a été découvert au centre de Shadiakh. L’andarouni (partie réservée aux membres de la maisonnée) et le birouni (partie de la maison réservée aux visiteurs), dont une partie seulement a été mise au jour, la qualité des murs reconstruits et des décorations architecturales révélant stucs et fresques, comme l’important matériel découvert (céramiques, métaux et verres en particulier) indiquent un style de vie aristocratique. Ils sont les riches témoins de la culture matérielle de Neyshâbur aux XIIe-XIIIe siècles.
Parmi les éléments découverts lors des fouilles de Shadiakh intéressant particulièrement les chercheurs, on peut noter un atelier de production du vin posé sur un sol en chaux, équipé d’un bassin et d’un passage pour l’eau ; un hammam réaménagé en cuisine, datant sans doute de la période ghazvanide, vers l’an 1000 de l’ère chrétienne ; une fabrique de verre, dans laquelle on a retrouvé des moules avec tessons de verre plat, premier exemple connu de fabrication de ce type de verre. Un bol en céramique à décor de lustre métallique daté de 1217, soit quatre ans avant l’invasion mongole, a été retrouvé dans la salle d’audience d’un palais, des bas-reliefs fixés sur le mur d’un palais, exemple de représentation humaine et animale, ainsi que des inscriptions en coufique et en naskh. Les objets mis au jour ont été catalogués, puis transférés au musée de Tous ou aux musées nationaux où ils continuent d’être étudiés.
Les campagnes de fouilles sont interrompues depuis deux ans. Les chercheurs espèrent pouvoir les reprendre rapidement pour mener à bien la mise au jour complète du site de Shadiakh, composé d’un ensemble de palais liés à plusieurs périodes historiques. Cette nouvelle campagne permettrait en particulier la mise au jour d’un ensemble complet de la période seljoukide, essentiel à la connaissance des différentes utilisations des espaces dans l’Iran ancien.