N° 35, octobre 2008

L’industrie du tourisme en Iran : une modernisation insuffisante ?


Arefeh Hedjazi


Le tourisme s’est transformé, depuis l’avènement des congés payés, le développement de la société de consommation, et la "révolution des transports" au niveau mondial, en une industrie en pleine expansion. Ainsi, aujourd’hui, une part souvent importante du PIB de nombreux pays est redevable au développement de cette industrie. En Iran, les politiques mises à exécution avant et après la Révolution islamique ont toujours tendu vers un développement de l’immense potentiel touristique du pays, qui fut néanmoins souvent ralenti par certaines préoccupations d’ordre politique et idéologique. Cela dit, depuis 1988, fin de la guerre imposée par l’Irak, l’extension du tourisme et de l’hôtellerie est l’un des buts poursuivis par les divers plans quinquennaux de développement.

Avec douze sites inscrits au patrimoine de l’Unesco et plus de cinquante sites proposés pour figurer dans cette liste, ainsi qu’un site à inscrire au titre de huitième merveille du monde, l’Iran est doté d’un patrimoine historique et naturel exceptionnel, respectivement le dixième et le cinquième mondial en termes de potentiel touristique. Pourtant, la part de ce pays dans les échanges et les revenus touristiques internationaux est de 1%, tandis que l’Iran ne se situe qu’en 57e position des destinations touristiques, chiffre qui subit des fluctuations inattendues et inquiétantes, impropres à rassurer les financeurs potentiels. Alors que 5,1% du PIB mondial comprend les revenus directement liés aux activités touristiques, ce chiffre reflète assez bien la faiblesse de l’Iran dans ce domaine compétitif et en plein développement, faiblesse qui s’explique par plusieurs raisons.

Télécabine à Namak-Abroud, nord de l’Iran
Photo : Saeed Naghibi

Les grandes crises que l’Iran a connu lors de ces trois dernières décennies, la Révolution islamique et le changement des valeurs sociales, les modifications des relations internationales entretenues en raison du changement total des données sociopolitiques internes, la guerre défensive contre l’Irak qui dura plus de huit ans, puis l’économie d’après guerre et le lent travail de reconstruction qui débuta n’ont guère formé un tableau social, économique et politique permettant le développement de cette industrie. Pourtant, l’aspect religieux d’une culture ne constitue pas un obstacle sérieux au tourisme, ainsi peut-on donner l’exemple de l’Egypte, de la Malaisie ou de la Turquie qui sont témoin d’une nette augmentation des entrées touristiques.

Autre raison primordiale : l’établissement en Iran d’un gouvernement qui, en raison de son idéologie religieuse et ses positions valorisant l’indépendance et l’aide aux pays pauvres et opprimés, dans un climat mondial marqué par la rivalité des deux "grands" du monde bipolaire et un libéralisme économique qui laisse exsangue le Tiers monde, a très vite eu pour conséquence l’animosité des grandes puissances, qui usèrent de tous les moyens pour exprimer leur mécontentement profond par rapport à ce nouvel Etat islamique. Dans ces conditions, un embargo tacite fut imposé sur tout ce qui provenait de l’Iran et l’image véhiculée, - encore aujourd’hui - par les médias occidentaux contribua à donner l’image d’un pays arriéré, dangereux, aux habitants fanatiques et xénophobes dissuadant toute velléité de voyage en Iran. Ces considérations mises à part, il est également avéré que les gouvernements successifs venus au pouvoir après la guerre, depuis 1988, n’ont pas accordé un intérêt suffisant au potentiel du pays dans ce secteur, et seule une infime partie des projets définis par le troisième plan de développement quinquennal 2000-2005, qui permit l’essentiel des réformes en matière de développement du potentiel touristique, ont été exécutés.

Les mangroves de l’île de Gheshm, Golfe persique

En réalité, les problèmes entravant le développement du tourisme sont essentiellement d’ordre matériel, telles que l’insuffisance de publicité et de la promotion des différents sites touristiques iraniens, mauvaise image véhiculée par les mass média, faiblesse des infrastructures, personnel non-qualifié, insuffisances des structures d’accueil, etc. Cependant de grands avancements ont été effectués en la matière, en particulier depuis les cinq dernières années, où la privatisation et la passation de pouvoir des grandes sociétés étatiques, inefficaces, aux entreprises privées, dynamiques et novatrices, dans un climat de concurrence, ont permis l’essor du financement privé dans ce secteur.

Les politiques mises à exécution depuis l’an 2000

Le troisième plan de développement quinquennal prévoyait certaines réformes pour le développement de l’industrie du tourisme. Le fusionnement des deux grandes administrations consacrées au tourisme, - l’Organisation du Patrimoine culturel et l’Organisation du Tourisme iranien -, placées sous la direction du ministère de la Guidance islamique, la privatisation du secteur touristique, l’encouragement des investissements nationaux ou étrangers par la réforme des lois contraignantes en la matière, la construction et la rénovation des infrastructures d’accueil, l’aménagement des sites naturels et historiques, le développement du tourisme islamique et religieux, le développement du tourisme par l’aménagement des anciennes voies de communication telles que la Route de la Soie, le rassemblement d’une documentation exhaustive concernant les sites historiques et la préparation de guides divers, le développement de l’enseignement du personnel, la conformité aux normes internationales en matière de gestion du tourisme, le développement de la promotion du tourisme en Iran et la redéfinition de la place de la culture au sein de la société iranienne formaient l’essentiel des réformes concernées. Le but était de valoriser l’industrie du tourisme en tant que source importante de revenus non pétroliers, et le plus important moyen également d’instaurer efficacement ce qui avait été qualifié de "dialogue des civilisations". Cela dit, même si une partie des buts prévus furent atteints, le chiffre d’affaires d’un milliard deux cent millions de dollars est loin des dix huit milliards de dollars prévus. Ainsi, en 2007, seuls sept cent mille voyageurs étrangers ont visité l’Iran, parmi lesquels figurent avant tout des afghans et des voyageurs en provenance des pays arabes voisins, et une part infime de touristes occidentaux.

Une citadelle de l’île de Gheshm, Golfe persique
Photo : Fariborz

Pourtant, le constant développement de cette industrie en Iran permet d’être optimiste, et ce d’autant plus que dès à présent, la mise à exécution effective de l’article 144, qui prévoit la privatisation d’une grande partie du secteur public, a insufflé un nouvel esprit dans le domaine compétitif de l’industrie touristique. Les investissements ont augmenté, plusieurs dizaines de sociétés et d’agences de voyage aux grands capitaux se sont lancées sur ce marché. Cet afflux de capitaux est d’autant plus important qu’il comprend également des investissements internationaux, malgré les menaces et le durcissement des sanctions contre l’Iran. Ainsi, l’Iran connaît depuis 2003 une croissance de son activité touristique constante de plus de 4%, chiffre intéressant même si les autres pays de la région ont des chiffres de croissance pour la plupart plus élevés.

Quoiqu’il en soit, nous sommes aujourd’hui témoins d’un réel effort de développement dans ce secteur. La création de nombreux centres et agences de tourisme, d’associations touristiques, de comités permettant l’échange de points de vue et de services entre l’administration et les professionnels du voyage, le développement rapide de nouvelles formes de voyages telles que le tourisme désertique au centre de l’Iran, le tourisme maritime dans le Golfe persique, - dont les beautés naturelles et les ressources archéologiques sont pour la plupart encore peu connues -, le trekking, l’alpinisme, l’écotourisme, les nombreux investissements iraniens et étrangers dans le domaine de l’hôtellerie, l’aménagement des infrastructures de voyages tels que le développement des compagnies aériennes nationales, du réseau du chemin de fer national, l’élargissement des routes et la croissance de la demande dans le secteur de l’enseignement des diverses spécialités du voyage démontrent le dynamisme de cette industrie en Iran. Il faut donc être optimiste et espérer que l’esprit millénaire du voyage en Iran pourra bientôt jouir d’un souffle nouveau.


Sources :

WTTC, Tourism Satellite Accounting research 2008, Iran travel and tourism, http://www.wttc.org/bin/pdf/temp/iran.html

"Avalin hamâyesh-e beynol mellali forsathây-e sarmây-e gozâri dar san’at-e gardechgari-e Irân", Mosaferân Magazine, numéro 40, août-septembre 2007.

http://www.mojnews.com

http://chtn.ir/WebForms/Fa/News/NewsInfo.aspx?ID=20365

http://www.sommets-tourisme.org/f/sommetsG/troisieme-sommet/actes/pluss.html


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