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C’est au travers d’une terrible destruction patrimoniale, celle des Bouddha de Bâmiyân en mars 2001, que le monde a pris conscience avec horreur de la situation dramatique du peuple afghan. Cet évènement et ceux qui ont suivi ont conduit à bien d’autres destructions mais également à un éveil international en faveur de la protection des richesses historiques et artistiques du pays, symboles de sa culture millénaire et de sa diversité.
L’Afghanistan témoigne par ses productions artistiques d’une histoire complexe liée en partie à son emplacement géographique. Situé au centre du continent asiatique et à cheval sur la chaîne de montagne de l’Hindou-Kouch, le pays qui contrôlait depuis la préhistoire les voies de passage vers l’Inde était également une étape majeure de l’ancienne Route de la Soie. Les invasions successives (Grecs, Perses, Arabes, nomades du Nord…) et les nombreuses richesses qui transitèrent par ses terres sont aujourd’hui perceptibles dans les importants vestiges qu’a livrés son sous-sol. L’Afghanistan a été et est encore un carrefour où cohabitent des peuples aux langues et aux traditions diverses. Dans cette pluralité qui est encore un motif de déchirement et de conflits, le patrimoine afghan n’a-t-il pas un rôle de premier plan à jouer ? Peut-il rassembler les Afghans et leur permettre d’enrichir et de reconstruire une identité érodée par des siècles de conflits armés et d’occupations ?
C’est en tout cas le pari fait par l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) avec certains gouvernements (dont la République islamique d’Iran) et des organisations internationales qui apportent leur soutien financier mais aussi scientifique à l’Afghanistan. En raison de l’urgence de la situation et afin qu’un maximum d’aspects de la culture du pays soit pris en compte, plusieurs programmes coexistent depuis plusieurs années, oeuvrant à la fois pour la renaissance du musée national d’Afghanistan et de ses collections, et pour la sauvegarde du patrimoine monumental.
C’est au début du XXe siècle, en 1919, que le premier musée d’Afghanistan voit le jour à Kaboul. Initialement installé dans le palais de Bâgh-i Bâlâ, il est ensuite déplacé dans le palais du roi Amânoullah avant de trouver, en 1931, la place qui est encore la sienne aujourd’hui, dans l’édifice de Darulâmân, à huit kilomètres du centre de Kaboul.
Son fond fut initialement constitué par les collections royales, comprenant peintures, manuscrits, armes, objets d’art… Il s’est enrichi dès 1922 d’un grand nombre d’objets issus des fouilles menées par la DAFA (Délégation Archéologique Française en Afghanistan). La collection du musée national comptait au milieu du siècle environ 100 000 pièces illustrant la riche histoire du pays, depuis l’époque préhistorique aux périodes classique, bouddhique, hindoue et islamique.
Détruites, pillées et vandalisées, seul un tiers des collections subsiste aujourd’hui, pour la plupart endommagées et fragmentaires. Afin de lutter contre le pillage et la revente des objets sur le marché de l’art international, une liste rouge des antiquités afghanes en péril a été publiée et des mesures sont prises pour favoriser le retour des collections vers leur pays d’origine.
Depuis la chute des talibans en 2001, de nombreuses organisations ont œuvré avec l’UNESCO et l’aide de plusieurs gouvernements à la reconstruction et à la sécurisation des locaux du musée, du site, ainsi qu’à la restauration et à l’inventaire (papier et numérique) de ses collections. Officiellement rouvert en 2004, le musée a poursuivi sa réhabilitation en se dotant d’outils permettant aux équipes la bonne conservation des collections. Deux importantes restaurations ont été rendues possibles par l’intervention du Musée Guimet (Paris) et de la DAFA : une célèbre statue de Kanishka placée dans l’entrée du musée et un important bodhisattva provenant du site de Tepe Marandjân.
C’est en 2007 que les 1400 objets conservés depuis 1999 dans le musée-en-exil d’Afghanistan (Budendorf, Suisse) ont repris leur place dans le musée qui présente également dans ses collections permanentes des oeuvres du Nuristan, ainsi que la présentation à l’extérieur de trains et véhicules anciens.
Plusieurs expositions internationales ont contribué à la redécouverte de la richesse du patrimoine afghan. La première, « Afghanistan : une histoire millénaire », fut réalisée en 2001 à partir de collections occidentales et a été présentée à Barcelone, Paris, Tokyo et Houston. La seconde, « Afghanistan : les trésors retrouvés », en 2006, a marqué le retour de l’Afghanistan sur la scène culturelle internationale avec une présentation à partir de ses propres collections cachées durant les années sombres et redécouvertes dans les coffres de la Banque centrale de l’enceinte du Palais présidentiel.
Cette réhabilitation s’inscrit dans une politique de protection du patrimoine immédiate et à long terme. Elle vise, au travers de la formation des équipes locales, à la transmission de savoir-faire et de compétences qui permettront aux équipes afghanes la maîtrise des outils nécessaires à une gestion autonome et indépendante de leur patrimoine. C’est également dans cette optique que se développe la campagne menée en faveur du patrimoine monumental.
Actuellement, seulement deux sites afghans sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial : le minaret de Djâm, chef-d’œuvre de l’art Ghuride du XIIe siècle, au magnifique décor réalisé en brique sculptée et en céramique glaçurée, qui culmine à 65 mètres de haut dans le paysage spectaculaire d’une vallée de la province du Ghor. Le second site est celui de la vallée de Bâmiyân, de son paysage et de ses vestiges archéologiques. Ce site exceptionnel sur la Route de la Soie, témoigne à travers une occupation qui s’étend du Ie au XIIIe siècle, de la richesse de l’école d’art bouddhique du Gandhara.
Ces deux ensembles figurent conjointement sur la Liste du patrimoine mondial en péril. Ils ont subi des dommages majeurs durant ces dernières années, que la campagne de sauvegarde du patrimoine afghan tente de réparer.
En 2002, un Comité international de coordination (CIC) placé sous la direction de l’UNESCO a été créé afin de coordonner les efforts internationaux en faveur du patrimoine afghan. Les objectifs sont nombreux et visent entre autres à la conservation et à la restauration de ces deux sites majeurs, ainsi qu’à la préservation de ceux qui figurent sur la Liste indicative du patrimoine mondial : la ville de Hérat, celle de Balkh et les lacs du Band-e Amir.
Au-delà du patrimoine matériel, le CIC s’attache à prendre en compte le patrimoine immatériel, également érodé par des années de conflits. L’artisanat traditionnel, les techniques et les savoir-faire, la musique, les langues sont des richesses dont la disparition s’opère souvent sans laisser de trace et qu’il est plus difficile de prendre en compte de par leur nature elle-même.
La première étape de sauvegarde de ces richesses passe d’abord par leur reconnaissance, puis par la prise de conscience de leur fragilité par les détenteurs de ces savoirs.
C’est en considérant le patrimoine dans sa globalité que celui-ci permettra peut-être de constituer un point de ralliement pour les Afghans et de tisser des liens entre les différentes populations. Car c’est par la valorisation et la réappropriation de son patrimoine et de son histoire que passe la reconstruction symbolique du pays. Cependant, la reconquête d’une identité culturelle ne doit pas se limiter au seul territoire afghan, mais s’inscrit dans un vaste territoire linguistique et culturel, celui de l’Asie centrale, au sein duquel des programmes de dialogues interculturel et interreligieux développés par l’UNESCO, permettront peut-être l’émergence d’une cohésion sociale forte, d’une paix durable et de relations culturelles fructueuses.