N° 40, mars 2009

Etudiants, professeurs : quel type d’interaction ?


Afshin Nasimi
Traduit par

Esfandiar Esfandi


Comme toujours, dans les débats sociétaux, tout commence par un constat. S’il n’est pas chiffré, minutieusement analysé à coup de graphiques et de courbes en tous genres, ce constat peut néanmoins constituer la première étape d’une systématisation ultérieure.

Dans la société iranienne et plus particulièrement dans l’enseignement supérieur, il est un épineux sujet qui déborde de beaucoup le strict cadre académique. Ce sujet concerne la relation de l’étudiant au savoir, et partant, à l’illustre intermédiaire auquel incombe la lourde besogne de véhiculer ce savoir au sein de l’académie, c’est-à-dire le professeur. Si le sujet nous semble déborder du cadre purement universitaire, c’est qu’il symbolise, qu’il illustre à échelle réduite, une manière de relation asymétrique dont les citoyens iraniens ne manquent pas de faire l’expérience au quotidien. Cette relation, si infime soit-elle, est celle qui relie négativement le non-diplômé au diplômé au sein de la société iranienne. Quand on parle de diplômé, on évoque évidemment le stade ultime de l’apprentissage universitaire, c’est-à-dire le grade de docteur (et son équivalent en terme de valeur sociétale, l’ingénieur).

Au sein de la société iranienne, il s’est depuis longtemps établit une forme de hiérarchisation sociétale qui place automatiquement le détenteur d’un titre de doctorat dans une position supérieure et psychologiquement dominante. Il ne s’agit bien entendu pas pour nous (loin s’en faut) de minimiser et à plus forte raison de dévaloriser la place éminente qu’occupent à juste raison, dans la société, les « chercheurs », toutes disciplines confondues. Pourtant, il suffit simplement de prêter l’oreille aux simples discutions quotidiennes, et surtout pour ce qui concerne l’université, d’être attentif aux dires des professeurs et des étudiants, pour constater la déviation fonctionnelle du métier de « maître dispensateur de sapience ». En effet, le même excès, le même déséquilibre qui régit en société les rapports entre le diplômé de haut vol et le simple quidam se retrouve au sein de l’université, dans le rapport étudiant /professeur (nous le répétons, selon les propres dires des enseignants).

Un groupe d’étudiants de Dâr-ol Fonoun et leurs professeurs, il y a une soixantaine d’années

En effet, une certaine forme de rapport hiérarchique quelque peu déviante aurait tendance à interférer sur la qualité de l’enseignement et surtout de l’apprentissage. Le problème ne date évidemment pas d’hier et exige que l’on remonte aux petites classes et à l’enseignement secondaire. A ce stade de l’apprentissage, il s’établit tout naturellement entre l’enseignant et l’apprenant, un rapport de supériorité qui est la condition sine qua non de l’apprentissage chez les apprenants de bas âge ou d’âge moyen. C’est le type même, toute proportion gardée, de la relation de maitre à disciple telle qu’elle nous a été léguée par l’antiquité. Cette relation constructive et (salutairement) hiérarchisée évolue progressivement et tout naturellement vers une plus grande conscientisation de l’élève. En effet, suite à l’afflux continuel de savoir, et surtout l’âge aidant, l’apprenant se retrouve, à la veille de son entrée à l’université, prêt à s’engager dans une nouvelle forme d’interactivité où il pourra théoriquement envisager sa relation avec son enseignant en termes d’échange (malgré le déséquilibre évident de l’échange en termes de gain). Seulement (voilà où « le bât blesse ») l’étudiant, dans le système éducatif qui est le nôtre, s’engage dans la course à l’apprentissage avec un sérieux désavantage : son expérience au sein de l’enseignement primaire et secondaire, axé sur le « bachotage » et le « par cœur », neutralisent en lui son potentiel critique, neutralisent en lui la moindre velléité interactive. En conséquence de quoi ce dernier se retrouve inapte, à l’heure où il entre victorieusement à l’université, de « déployer ses ailes », inapte à éviter de reproduire avec ses professeurs, le sempiternel « schéma scolaire » du maitre et du disciple « qui n’a d’yeux que pour son maître ».

Le résultat de cette situation est à la défaveur des deux parties. D’un côté, l’étudiant poursuivra, ou se sentira contraint de continuer à reproduire le même modèle scolaire d’échange à sens unique ; avec pour conséquence de neutraliser chez lui tout espoir de progrès qualitatif. Dans ce cas, le professeur continuera à représenter au regard de l’étudiant, le modèle ô combien contestable du maitre incontesté (et s’il conteste ce sera sur le mode de la rébellion vis-à-vis d’une figure d’autorité). De l’autre côté, le professeur aussi fera les frais de cette relation fortement asymétrique, s’il persiste (en l’absence de déontologie) à se complaire dans cette asymétrie qui le dispense de la nécessaire mise à jour de ses connaissances théoriques et pratiques en matière d’enseignement. En somme, la hiérarchie qui régie la relation entre le savant et le non savant, le diplômé et le non diplômé, le professeur et l’étudiant, pour naturelle qu’elle soit, exige d’être maîtrisée en vue de garantir la qualité de notre enseignement supérieur.

Ces quelques remarques, je le rappelle et le précise, reprennent les propos épars de certains professeurs et de certains étudiants conscients de l’amélioration qu’exige un système éducatif par ailleurs et dans l’ensemble, satisfaisant.


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3 Messages

  • Etudiants, professeurs : quel type d’interaction ? 31 octobre 2010 03:36, par a.alkabir

    je remercié vous a cette recherche magnifique.et je souhait pour votre cite web la réussite dans tout les domaine.
    kabir de Maroc

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  • Etudiants, professeurs : quel type d’interaction ? 29 janvier 2012 18:04, par Mohammad Ali Sadeghi

    je vous remercie,en avance,pour fournir cette recherche remarquable.vous avez mis le point sur un sujet,transpercé depuis longtemps au sein de la société iranienne,qui cause,selon certains, la distanciation entre le savant et le non savant, apparemment.Moi, aussi, je crois que le titre est plus essentiel que le bagage dans n’importe quel domaine,en apparence. Mais de toute facon il faut chercher à améliorer le système éducatif et surtout les comportements humains.Merci

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  • Etudiants, professeurs : quel type d’interaction ? 7 juin 2016 10:08, par ar-fragrance

    ces quelques remarques, je le rappelle et le précise, reprennent les propos épars de certains professeurs et de certains étudiants conscients de l’amélioration qu’exige un système éducatif par ailleurs et dans l’ensemble, satisfaisant.

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