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Qui se souvient un peu dans le soleil enfui,
Des grands cieux tournoyant comme une âme légère
Et des chaudes amours à la couleur si chère,
Où l’éternité même, un instant, avait lui ?
Cet âge-là mêlait passion et bien-être ;
Le jour voluptueux chantait en séraphin ;
C’était parmi la joie un vertige sans fin
Peuplé de longs désirs jamais las de renaître.
Au comble de l’extase au beau rire de miel,
Chaque enfant tout pareil à quelque fol artiste,
Survolait, radieux, des marches d’améthyste
Sous le chevalet nu d’un grandiose arc-en-ciel.
Les vents clairs s’étoilaient de lunes magnifiques ;
L’aurore en se voilant s’enivrait de douceur ;
L’azur qui s’avançait avec des mains de sœur,
Se délectait pour nous d’incroyables musiques.
Puis, figure céleste aux charmes frémissants,
Le rêve sur nos jeux infinis et frivoles,
Ouvrait des chemins purs choyés par mille idoles,
Et réchauffait la vie en ses doigts caressants.
Ni sommeil, ni lutte ;
L’écroulement sourd
D’une vague hirsute
Dans les cris du jour.
Ni trêve, ni flamme ;
Le hurlement seul
D’une rouge lame
Sur un froid linceul.
Au fond du ciel vide,
Rien que la clameur
Follement avide
D’une aube qui meurt.
Stridente minute
Aux sanglots mêlés !
Rien… rien que la chute
De mes vœux fêlés.
François Villon
Du fond des temps, Villon, comme une pure cime ;
Foi sourde, chaude haleine au grand souffle attristé,
Prêtre de l’au-delà, voyou lâche et sublime
Terrifiant et sanglotant d’humanité.
Pierre de Ronsard
Sous ta plume, Ronsard, monte en un bleu sourire
Le suc des matins frais succulents de couleurs.
Dans l’orgueil de tes mots, une belle se mire
Et célèbre à la fois ton génie et ses fleurs.
Alfred de Vigny
Délicieux Vigny qui d’un vaste poème
Sut tisser la lumière à laquelle on rêva :
Silences murmurés, frisson d’écho suprême,
Prodiges soupirés à la lèvre d’Eva.
Victor Hugo
Ton sang herculéen fait trembler nos limites ;
Hugo, satan céleste, âme en deuil, pâtre nu,
Hugo, soleil énorme éclaboussé de mythes,
Qui sculpte l’innommable et cueille l’ingénu.
Gérard de Nerval
Des flots denses nimbés de magie et de moire
Polissent ta voix pleine aux suaves grandeurs.
Nerval, pionnier d’un monde entre songe et mémoire,
Dont nul n’a jusque-là retrouvé les splendeurs.
Charles Baudelaire
Au drapé de ton style orageux et solaire,
Tes cris ont la langueur des ciels qui se défont.
Avons-nous assez dit qu’en toi seul, Baudelaire,
Saigne le plus terrible et sourd le plus profond ?