N° 41, avril 2009

Entretien avec le Dr. Behzâd Ghareyâzi


Zaynab Sadaghiân


Dr. Behzâd Ghareyâzi

Né en 1960, le Dr. Behzâd Ghareyâzi est titulaire d’un doctorat en génétique. Lui et son équipe ont mis au point pour la première fois dans le monde un riz résistant à la pyrale (qui est un parasite du riz) en collaboration avec l’Institut International de Recherche Rizicole (IRRI) [1]. Le Dr. Ghareyâzi est l’un des fondateurs de l’Institut de Recherche en Biotechnologie Agricole en Iran. Il est également membre du Public Research and Regulation Initiative (PRRI) [2]. Il a participé à de nombreux colloques internationaux et a écrit plus de 200 articles scientifiques. Il a été récemment invité par l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour proposer des méthodes nouvelles en biotechnologie.

M. Ghareyâzi, pour vous qui êtes un spécialiste dans ce domaine, qu’est-ce que la biotechnologie ?

La biotechnologie est une technique qui utilise les êtres vivants, une partie de leur corps ou leurs cellules, pour produire une substance, afin d’offrir une possibilité de vie plus confortable aux êtres humains. Dans ce sens, la biotechnologie est une technique qui date d’une époque très ancienne ; les Egyptiens et les Iraniens ont été les premiers peuples à utiliser la biotechnologie ; l’utilisation du procédé de la fermentation pour faire du pain, et l’utilisation de micro-organismes pour produire le yaourt et le fromage font partie des techniques de biotechnologie traditionnelle. Mais lorsque l’on parle d’une biotechnologie scientifique, il s’agit de procédés modernes, par exemple la formation des tissus cellulaires ou l’utilisation des marqueurs moléculaires et d’autres outils biologiques. La biotechnologie moderne a besoin d’une définition juridique et internationale. En biotechnologie moderne, on extrait l’ADN, on le modifie, puis on l’injecte dans la cellule ; ces procédés n’existent pas dans la biotechnologie traditionnelle.

Quelles sont les répercussions de cette science sur la vie des êtres humains ?

De nos jours, la biotechnologie touche tous les domaines, par exemple la microbiologie, la génétique, l’informatique, la médecine légale, l’agriculture, etc. Les progrès dans la production d’aliments plus sains, plus frais et plus nutritifs, la protection de l’environnement, la découverte de médicaments nouveaux, ont été réalisés grâce à la biotechnologie. C’est pour ces raisons et pour mille autres que la plupart des pays ont décidé de maîtriser cette technique et l’ont insérée dans leur programme stratégique. En Iran, en particulier après la Révolution islamique, la création d’organismes et de centres de recherche tels que l’Organisation des recherches scientifiques et industrielles, le Centre de recherche international sur le génie génétique, et l’Institut de recherche en biotechnologie agricole, ont permis de faire de grands pas dans le développement de la biotechnologie.

Le clonage d’un mouton qui s’appelle Royânâ par les spécialistes du Centre de recherche Royan, la production de produits OGM [3], l’utilisation de cellules souches pour les recherches diverses, la production de médicaments utilisés pour le traitement du sida et de la sclérose en plaques par les savants iraniens sont le fruit de cette attention que porte l’Iran au développement de la biotechnologie.

Les résultats obtenus dans ce domaine par les Iraniens sont donc brillants ; mais existe-il encore des obstacles à la recherche ?

Oui, absolument. Ces résultats brillants obtenus par les scientifiques iraniens ne signifient pas que nous n’ayons aucun problème. L’un des problèmes majeurs est le boycottage exercé par certains pays, par exemple les Etats-Unis, afin d’empêcher les chercheurs iraniens de réaliser des progrès dans ce domaine. Il existe également des obstacles à l’intérieur de l’Iran, qui doivent être levés pour que nous puissions atteindre nos objectifs scientifiques.

Est-ce que la biotechnologie est enseignée dans les universités iraniennes ?

L’Iran s’est doté récemment d’un document diplomatique et international à propos du développement de la biotechnologie. Selon ce document qui trace notre stratégie scientifique, l’Iran doit l’appliquer à 0,5% de la surface cultivée, ce qui lui permettrait d’être au premier rang dans ce domaine parmi les pays du Moyen-Orient. Pour atteindre cet objectif, l’Iran doit augmenter le nombre de ses spécialistes en biotechnologie. La biotechnologie est donc enseignée dans plusieurs universités en Iran au niveau de la maîtrise et du doctorat, y compris des universités de provinces. L’Iran est actuellement capable d’exporter ses produits technologiques dans les domaines de la biotechnologie et la génétique aux pays voisins. En jetant un coup d’œil sur les articles rédigés par les étudiants iraniens et qui ont été publiés dans les journaux scientifiques internationaux, on comprend l’importance qu’à la recherche en biotechnologie en Iran.

Est-ce que la biotechnologie iranienne est en mesure de concurrencer celle d’autres pays, les pays européens par exemple ?

C’est une question qui mérite une longue réponse, mais pour répondre brièvement, je dois préciser que les recherches en biotechnologie faites en Iran sur certains sujets sont les plus avancés du monde.

En Iran, la présence de l’islam créé également une ambiance propice à la recherche. Le Coran commence par le mot « Lis ! », ce qui peut être considéré comme une invitation de tous les musulmans à découvrir l’inconnu ; notre religion incite ses croyants à une quête scientifique « du berceau jusqu’au tombeau », et leur conseille d’apprendre les sciences « même en Chine » [4].

Les savants iraniens ont montré leur compétence dans la recherche sur les cellules souches, et ils ont obtenu des résultats brillants dans ce domaine. Un autre exemple d’une réussite remarquable est la mise au point d’un riz transgénique en Iran.

Vous avez fait allusion au riz transgénique mis au point par un groupe de scientifiques iraniens dont vous faites partie. Quelles sont les différences entre le riz ordinaire et ce riz ?

L’Iran est l’un des grands pays consommateurs de riz dans le monde. L’importation du riz a même atteint il y a deux ans un chiffre sans précédent. Le rythme de production mondiale du riz depuis deux décennies augmente moins rapidement que celui de sa consommation. Les réserves stratégiques mondiales sont en train de s’épuiser. En 2008, nous avons été témoins d’une hausse sans précédent du prix mondial du riz. Le riz a donc actuellement une importance capitale. L’une des solutions pour résoudre cette crise est d’améliorer les techniques de production. Mais le riz a ses parasites ; l’un d’eux, la « pyrale du riz », vit dans la tige du riz. Pour enlever ce parasite, les agriculteurs utilisent des pesticides très dangereux qui non seulement coûtent cher, mais nuisent à l’environnement et à leur santé.

Une rizière à Falour, province du Mazandarân

Nos recherches ont abouti à une solution pour ce problème : nous avons mis au point un riz résistant à la pyrale, par l’introduction d’un gène d’une protéine dans le génome du riz. L’aspect original de ce type de riz transgénique est le fait que cette protéine n’est pas exprimée dans le grain du riz (alors que dans tous les produis OGM qui obtiennent l’autorisation de consommation, comme le maïs BT en Europe, la modification introduite dans le génome est exprimée dans le grain). Il n’y aura donc aucune substance nuisible dans ce que consommeront les gens, si ce riz transgénique est cultivé à grande échelle. Grâce à cette modification du génome du riz, la quantité de pesticides utilisés par les agriculteurs diminuera, ce qui contribuera à avoir un environnement moins pollué. Une recherche vient de prouver que ce procédé a une influence positive sur les « organismes non ciblés », c’est-à-dire les insectes qui sont utiles pour l’environnement ; l’effet bénéfique de ce riz transgénique est perceptible par l’augmentation du nombre des différentes variétés animales qui vivent aux alentours des rizières (serpents, grenouilles, araignées, coccinelles, etc.).

Le riz que consomment actuellement les Iraniens contient-il ces pesticides dont vous avez parlés ?

Malheureusement oui. Ces pesticides utilisés contre les parasites ont des effets néfastes sur la santé : ils peuvent favoriser l’apparition de caries, d’étourdissements, de nausées, d’allergies… et peuvent même entraîner certains décès. J’espère que la production massive de ce riz transgénique pourra supprimer un certain nombre des aspects nuisibles de la consommation du riz ordinaire.

Vous avez évoqué le fait que les Iraniens ont beaucoup de potentialités dans le domaine scientifique. Mais ont-ils les moyens de les valoriser ?

Les jeunes iraniens ont font preuve d’un très vif intérêt pour les sciences ; ils ont des idées foisonnantes et ont un capital intellectuel non négligeable. Nous sommes fiers d’avoir des étudiants très brillants dans nos universités. L’Iran est par ailleurs un pays riche en espèces animales et végétales, ce qui nous permet d’avoir des produits agricoles diversifiés. Récemment, une loi a été votée par notre parlement afin de permettre aux agriculteurs de cultiver les produits OGM ; ce serait un grand avantage. Il nous faut cependant continuer à supprimer les obstacles au progrès de nos chercheurs et de nos savants.

La Revue de Téhéran vous remercie de nous avoir accordé cet entretien.

Merci à vous.

Notes

[1Le principal objectif de cet institut est de trouver des méthodes durables pour améliorer le bien-être des riziculteurs et consommateurs de riz tout en préservant l’environnement.

[2Le PRRI offre un forum pour le secteur public de la recherche. Son objectif est d’être informé et impliqué dans les règlements internationaux et les discussions relatives à la biotechnologie moderne. Les membres du PRRI sont des scientifiques qui travaillent dans des universités, des instituts de recherche gouvernementaux et les organisations internationales.

[3Un organisme génétiquement modifié (OGM) est un organisme vivant dont le patrimoine génétique a été modifié par l’homme.

[4Ces deux conseils (être à la quête de la science du berceau jusqu’au tombeau, et même jusqu’en Chine) sont deux paroles (hadiths) du Prophète.


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3 Messages

  • Entretien avec le Dr. Behzâd Ghareyâzi 15 novembre 2010 10:59, par ZERROUK

    Bonjour ;

    jusqu’à ce jour et faute de moyens ; je n’ai pas fait
    de brevet pour protéger mon invention .
    J’ai compensé par un raccourci en faisant un contrat de
    confidentialité avec un organisme nommé Scientific - Facilitors .
    Après quinze ( 15 ) jours d’analyse je reçois un e-mail qui
    reconnait l’importance de cette innovation ; mais !!!.
    Pour des raisons de budget , de programmation et autres ;
    mon projet ne peut pas être pris en charge ? .
    J’ai réflechi longuement à cette énigme ; et j’ai conclu que
    les investisseurs préfèrent la difficulté technologique pour
    assurer des profits durables .
    Concernant les détails de la machine :
    C’est un generateur qu’on charge avec de la pression hydraulique
    une fois chargé on libère le mouvement qui fonctionnera à
    perpétuité avec la charge initiale.
    C’est une energie propre et constante ( indépendante de la
    vitesse du vent ou du rayonnement solaire )
    Elle est moins encombrante et sans nuisance sonore .
    On peut utiliser cet appareil pour charger les batteries
    des véhicules électriques ou alors on pourra produire de
    l’hydrogène pour faire rouler des véhicules non polluants .
    J’espère avoir répondu à vos questions .
    Et que pourriez - vous faire pour m’aider ?
    Mes Sincères Salutations

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    • je serais ravi d’avoir la liste de ces 200 articles car je n’ai pas pu les trouber sur le net.
      merci infiniement.je compte sur vous.

      pour repondre au commentaire : aucun mouvement perpetuel n’existe dans l’univerrs c’est impossible.donc personne ne peut l’inventer non plus.l’univers lui meme n’est pas pepetuel.aucune source energetique ne peut etre perpetuel sinon le monde n’existerait pas non plus car c’est en contradiction.rien n’est perpetuel RIEN du tout.(sauf la betise de l’homme bien evidemment)

      merci infiniement.

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    • Vu les milliards de personnes au monde qui se nourrissent du riz cette découverte est primordiale je pense, ou se trouve le IRRI ? comment cela se fait il que cette decouverte n’ai pas été annoncé dans les medias mondiaux ? pourquoi on trouve rien sur le net à ce sujet ?( c’ets peut etre trop recent !)
      merci infiniemment et super bravo pour cette decouverte ? au fait il a eu son doctorat ou exactement ? merci encore
      cette decouverte merite un couverture mondiale je pense.

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