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Université de Téhéran
Les rapports qu’entretient l’art avec la guerre sont des plus délicats dans l’univers de création artistique. La thématique de la guerre fait vibrer le texte de vives émotions tenant de la noblesse et de la fierté aussi bien que de l’indignité et de la bassesse. Elle ne manque pas à ce titre de pousser l’homme de lettres à se positionner pareillement au soldat se trouvant à la frontière de la guerre. Car cette horrible expérience que l’humain ne sait encore comment fuir le marque corps et âme, créant à ce (...)
« L’œuvre littéraire n’a de sens que par rapport à l’histoire, c’est dire qu’elle apparaît dans une période historique et ne peut en être séparée »
Pierre Macherey, Pour une théorie de la production littéraire, p. 28.
Le temps est venu de poser une question fondamentale mais en même temps douteuse à la littérature persane contemporaine : contient-elle réellement dans son vaste champ le genre du roman ? C’est une question à laquelle il semble facile sinon bête de répondre, vu l’abondance des bouquins sortant (...)
Vint le printemps des esprits
Ô jeune branche danse !
Dansez ô le sucre, ô le Caire !
Car Youssef vient d’entrer (…)
Un aspect marquant de l’œuvre poétique de Mowlânâ est son caractère musical. La musicalité est en effet manifeste, particulièrement dans ses ghazals (odes), fruits de sa rencontre avec Shams Tabrizi, laquelle enflamme la raison du célèbre docteur en théologie de la ville de Konya et donne naissance à son premier recueil poétique : Divân-e Shams. Une œuvre importante de la littérature (...)
La rencontre
J’ai, dans le miroir, regardé
Hélas, il n’y avait à l’infini
Que solitude !
Tiré du recueil La lune dans le brouillard.
Né en 1956, Mohammad-Rezâ Abdolmalekian est, entre autres, une figure importante de la génération des « poètes de la guerre ». Son œuvre est à ce titre marquée par la rhétorique du combat iranien contre l’Iraq. Elle célèbre l’esprit de résistance et la bravoure des soldats qui ont participé à la guerre. Le poète ne manque cependant pas d’aborder les thématiques liées aux champs (...)
La vie ne diffère nullement
De la mort quand
L’on est au fond des habitudes
Tu as trouvé la mort
Seulement
Tu n’en es pas conscient.
La poésie persane contemporaine suit toujours son mouvement naturel d’intégrer la vie de tous les jours, ainsi que de se faire remarquer par la simplicité de son langage et la rectitude des sentiments de son auteur. Entre autre, Rasoul Younân, né en 1969, est une figure assez connue de ce courant, pour qui la forme favorite de rendre ses poèmes est le minimalisme. (...)
Cher compatriote !
Vous qui êtes pressé
Ne perdez pas votre temps précieux
A dormir.
Moi
Avec une quarantaine d’années d’expérience
En Iran et aux Etats-Unis
Je rêverai à votre place.
Né en 1951 à Yazd, Abbâs Saffâri est une figure importante de la poésie persane actuelle, vivant depuis longtemps aux Etats-Unis, où il mène une vie de poète. Avec cette particularité qu’il ne cherche pas, dans son œuvre, comme chez la plupart de nos poètes résidant en dehors du pays, à épancher ses douleurs ou sa (...)
Le cinéma est une manière de rêver différent de ce que nous dictent les manières du temps et de l’époque.
Kiârostami
Rares sont les pays dotés d’un cinéma à caractère national, et possédant des particularités leur permettant de se mesurer au niveau mondial. La présence des films iraniens aux plus importants festivals internationaux, et cela depuis une vingtaine d’années, montre bien le caractère spécifique et en même temps universel du cinéma iranien. Par son dynamisme et sa diversité, tant pour la forme (...)
Dans le domaine de la philosophie et de la littérature, la conception moderne du monde se caractérise particulièrement par une attitude d’opposition face aux traditions ou au passé, par une rupture avec ce qui précède, et remet en cause en particulier la croyance religieuse. La modernité commence pour ainsi dire dans une conception foucaldienne, avec Kant et l’Aufklنrung. Aussi a-t-elle l’âge de la raison et se caractérise essentiellement par l’émergence du sujet humain « comme liberté », pour reprendre (...)
La poésie, il va sans dire, constitue un élément fondamental de la culture iranienne, et caractérise les aspects divers de la vie sociopolitique et culturelle de l’homme persan. Elle n’a en effet de cesse à définir sa manière d’être au monde, toujours en décalage avec les exigences du monde moderne, lequel est essentiellement marqué par la prose.
La poésie a effectivement été, cela depuis longtemps, la forme artistique la plus marquante de la culture et de la littérature persanes, la preuve en est le grand nombre de scientifiques, philosophes et mystiques iraniens qui s’occupèrent également de poésie.
Le monde du dernier ouvrage (le seul en prose) de Farid ad-Din ’Attâr, Le Mémorial des Saints, écrit en 617 de l’Hégire lunaire, est celui des merveilles et des impossibles, le monde imaginaire des hommes d’élite, ces « Amis de Dieu » qui ne cessent de faire des miracles, de faire parler les morts, les arbres, les murs et les cimetières, tous afin d’extirper des cœurs humains l’amour du monde terrestre. Ce dernier ne mérite pas d’être l’habitation de l’homme ; il est « la boutique de Satan », à laquelle il ne faut rien voler, sinon « il te suivra et le reprendra ».
L’art à l’époque des Seldjoukides est lié à un contexte géographique très large, celui du monde musulman, allant de l’Anatolie jusqu’en Egypte, en passant par l’Iran où cette famille de Turcs installe son centre de pouvoir et prend l’attribut de Grands Seldjoukides. L’empire de ces derniers eut une importance majeure du fait qu’il confirma la place dominante de l’Iran dans le domaine artistique ; c’était presque la même position que possédait l’Italie, à la même époque, dans le contexte de l’art européen. (...)
Chacun se glorifie de quelqu’un
Nous, nous nous glorifions d’Ali
Tes descendants sont tous lumières, sujets donc de fierté, mais toi, tu es cette lumière de soleil qui caresse dans le froid de l’hiver, et qui embrase en pleine canicule. Là où les aveugles ténèbres s’épaississent autour de tout et que la Terre se congèle, ton souvenir, comme un éclair éblouissant, surgit, traverse les siècles et se dilate dans le présent pour faire redresser et la terre et le temps, droits et hauts comme ton corps : celui (...)
Le procès de désacralisation occidentale
a séparation de l’homme d’avec la nature, du sujet d’avec l’objet, culmine dans la rupture de l’unité du ciel et de la terre. Cette rupture, quoique lente, paraît inévitable. Compte tenu de la distance qu’a prise l’homme avec la nature, à savoir le monde, ainsi que de l’ouverture de l’espace sur l’infini, l’homme a vu disparaître peu à peu de son horizon la présence autrefois sensible du divin ; il est désormais « (…) de moins en moins absorbé dans la contemplation (...)
La modernité est une notion complexe qui ne se laisse pas aisément cerner. Concept dynamique et transversal, il apparaît difficile, voire impossible d’en établir la genèse et de dater le moment de son apparition.
Outre l’évolution des idées, qui constitue l’axe principale de notre étude et qui se manifeste par une transformation de la représentation du monde, l’idée de modernité évoque de profonds bouleversements sociaux, politiques, économiques et technologiques. Elle peut désigner, soit une époque, soit (...)
"Notre raison a fait le vide. Enfin seuls, nous achevons notre empire sur un désert (…) Nous tournons le dos à la nature, nous avons honte de la beauté. Nos misérables tragédies traînent une odeur de bureau et le sang dont elles ruissellent a couleur d’encre grasse". Tiré de L’été, cet extrait fait bien part de cette sensibilité précisément moderne, qui se fait remarquer par la description d’un monde frappé de vide, une sensibilité absurde qu’on trouve éparse dans l’époque où vit son auteur. L’œuvre et la (...)
Sâdegh Hedâyat est considéré comme le premier romancier moderne de l’Iran dont l’œuvre reflète des effets malheureux d’une rencontre : celle avec la modernité. Malgré la clairvoyance dont fait preuve cet écrivain, en critiquant la société superstitieuse et tyrannisée de son époque, il n’arrive cependant pas à se garder à l’écart des conséquences maléfiques de sa prise de conscience moderne. Il se trouve entre autre condamné à une solitude essentielle, marquant tout artiste moderne, mais qui paraît emporter (...)
La gloire est le propre de Dieu, l’Eternel et le Très-Haut ; plus on L’honore et plus on s’approche de Lui ; plus on Le remercie et plus Il nous offre des dons. En descendant, la respiration prolonge la vie et en remontant, elle réjouit. Deux faveurs résident alors dans toute respiration, dont à chacune est dû un remerciement.
Mais aucune main ni aucune langue ne peut Le remercier à sa juste valeur
Incipit du Jardin des roses, ce texte est à n’en pas douter l’un des plus célèbres de la littérature (...)
Le monde est profond, plus profond qu’aucun ne peut le dire. Son malheur est profond. La joie est plus profonde encore que le chagrin. Le malheur dit : va t-en ! Mais, la joie veut toute l’éternité. Elle veut profondément l’éternité abyssale.
Frédéric Nietzsche
Norouz est évidemment la fête iranienne la plus joyeusement célébrée depuis un temps mythique, situé par la plupart des historiens à l’époque de Djamshid, le roi perse qui fit la joie de son peuple en montant au ciel debout sur son char. Dans la (...)
C’est l’hiver ; l’hiver rigoureux avec ses courtes journées et ses longues soirées ; avec sa terre qui abandonne nonchalamment ses bras nus à la froide caresse de la neige, dont les flocons peignent doucement de la pointe du pinceau son sommeil blanc. C’est l’hiver avec ses boules et son bonhomme de neige, son écharpe, son châle, ses bottes et ses gants. C’est les trottoirs de la rue Valî-’Asr qu’on descend à pied, sous la neige, le soir, quand les bus sont pleins à craquer. C’est aussi la nappe à (...)
"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux" Alfred de Musset
Le train part
Tu pars avec
Tout l’arrêt part avec
Comme je suis naïf
De t’attendre encore
Depuis des années
Debout
A côté de ce train parti
De m’appuyer encore
Aux grilles de cet arrêt parti !
Comme de coutume, toi, tu pars, et moi, je reste, comme de coutume, les yeux fixés sur un chemin, qui, je le sais, ne verra plus ton retour. Je reste seul avec la pluie, le vent et des nuits qui s’allongent entre deux éternités ; (...)
Il y a des gens
Qui ne comprennent rien à ce monde
C’est pourquoi
Leurs gestes sont confus et pleins d’effroi
Je connais des gens
Dont les yeux brillent d’une immense espérance
Débordant les confins du monde
Pour atteindre le jour et la nuit infinis
Il y a pourtant
Un étrange chagrin dans leurs yeux
Car
Ils ne comprendront rien à ce monde
Jusqu’à son dernier jour… ***
Bijan Jalâli (1927- 1999) est le poète des noces de l’homme et du monde ; un poète qui fait abstraction du temps historique (...)
Ces vers (écrits en 1964), devenus très tôt populaires, constituaient le mot d’ordre des étudiants réfractaires à la dictature de l’ancien régime d’Iran. Ils sont par ailleurs révélateurs de l’atmosphère de révolte dans laquelle baigne la poésie de Hamid Mossaddegh (1939-1998). Le titre de son premier ouvrage, L’étendard de Kâveh (1961), illustre cette dimension essentielle de l’œuvre de l’auteur. Celle-ci est cependant profondément marquée, comme les textes d’un grand nombre de poètes de l’époque, par la (...)
Oui, oui, la vie est belle
La vie est telle
Un ancien et consistant temple du feu
Si vous l’allumez
La danse de son éclat
Se verra de tous les horizons
Sinon il restera éteint
Ce de quoi nous serons coupables.
Fidèle élève de Nimâ, et fervent connaisseur de littérature classique persane, Siâvosh Kasrâyï (1926-1995) s’inspire de l’épopée pour distiller des poèmes d’espérance. Le souffle épique de sa création manifeste le goût de la liberté et de la révolte. Il figure à ce titre parmi les auteurs (...)
Appelez-moi par mon prénom
Ahmad-Rézâ !
Au soleil mes yeux brillent tellement
Que j’oublie un instant
La vieillesse et la maladie
Les pins de mon voisinage
Ont séché par manque d’eau
Réveillez-moi s’il vous plaît !
Pour les arroser
Et donner du grain aux vieux pigeons
Assis sur les branches vieilles
Du pin de chez moi !
A l’âge de 66 ans, Ahmad-Rézâ Ahmadi représente encore la génération des poètes ayant contribué, il y a presque quarante ans, à enrichir la poésie d’une dimension prosaïque. Sa (...)
De la douleur et de l’amour
N° 19, juin 2007Tu écoutes le récit de mon cœur ce soir
Tu oublieras demain et moi et mon histoire…
Cœurs brisés, gonflés de chants de larmes, de solitudes et de passions amoureuses, nous prenons le large dans l’espoir d’atteindre la côte pacifique : nous rompons des lances contre le vent, contre la tempête, nous avançons et avançons fredonnant nos chants à l’unisson ; avec les oiseaux de mer, nous nous envolons ; au soleil, sous la pluie et au clair de lune. Dans le royaume de l’amour nous sommes, au pays du "ghazal". (...)
Au nom du Dieu des eaux, des jardins et des pommes
N° 18, mai 2007… Alors
Je te parlerai
Du poème qui vient
Pour que tu ouvres la fenêtre
Pour toujours
Que tu emportes dans ta chambre
La lune
Et mon poème
Qui vient du silence du monde…
Ainsi commence la vie : par une fenêtre ouverte par où entre la lune. Mais hélas ! Nous vivons une époque où les hommes se tiennent debout très loin d’eux-mêmes…personne ne croit en la fenêtre de l’autre ; personne n’entend la voix de la solitude des rideaux, lorsqu’on les ferme doucement, et derrière restent seuls la chambre et (...)
La poésie en toutes circonstances
N° 17, avril 2007Ils ont raison
Je n’ai pas été bon
Il y a longtemps
Au soir d’une journée loin du chagrin du Dey
Une colombe malhabile
Devinant l’éternuement du ciel
Chercha refuge sur la terrasse de notre maison
La fenêtre était close
Je n’étais pas chez moi
Et toute la nuit
Il avait plu. ; L’avenir est à la poésie de parole", estime Seyyed Ali Sâlehi, digne représentant du mouvement poétique du même nom apparu vers la fin des années quatre-vingt. Officiellement fondé en 1988 avec la publication du recueil (...)
La matrice maternelle
Ne fut point mon début
Même la Terre
N’est pas plus ancienne que moi
Mon œuf est rendu fécond, on dirait,
Dans la chambre à coucher
De Dieu et de Satan
A l’âge classique, Hafez et Saadi furent les maîtres incontestés du ghazal (courts poèmes d’amour). La poésie contemporaine a également le sien : Hossein Monzavi. Ce dernier est considéré comme le sultan du Ghazal, et pratique ce genre avec un talent d’artisan auquel se mêle une sensibilité moderne. Il chante l’amour, mais sa (...)
Aujourd’hui … 10 octobre. Il fait beau, plus beau, et tout le monde le dit, que les années précédentes au même jour. Mais je vais bientôt mourir. Dans quelques jours ; dans quelques semaines, au plus tard dans quelques mois : ma vie ne dépassera pas, je le sais, les limites de l’année. La date exacte me sera indiquée au terme d’examens confiés aux soins du docteur Mac Lawrence, spécialiste des maladies graves de renommée mondiale, et professeur émérite à Harvard. " Votre cas est bien rare, me disait-il (...)
Né en 1933 à Damghân, au cœur du désert iranien, Royaï vit à présent en France où il a publié de nombreux ouvrages de poésie dont : Dans les années nocturnes en 1994, Et la mort était donc autre chose en 1997 et La pensée en je signature en 2004. Parmi ses premiers ouvrages, on peut citer Les poèmes de mer en 1967, De je t’aime et Les nostalgies en 1968.
Un siècle avec Levinas
C’est toujours sur les lieux les plus élevés que je me suis senti l’avoir rencontré ", disait Levinas pour évoquer son amitié avec Maurice Blanchot. Ces " lieux élevés " se situeraient-ils ailleurs qu’au pays de la Pensée ? Rien n’est moins sûr. Et cette amitié ne relève-t-elle pas du souci profond qu’est le respect de l’Autre ? Rien n’est moins sûr. Il n’est donc point étonnant que l’UNESCO, ce lieu exemplaire et symbolique de la rencontre, et qui s’est efforcé de fonder la coopération internationale sur la (...)
Je ne crie guère
Je m’approche
Et tu m’entendras !
a poésie, en quête d’essentiel, rend le monde obscur, comme disait Mallarmé. Elle se nourrit à ce titre d’impressions et de sentiments ambigus ; de l’étrangeté du monde que le poète cherche à saisir à chaque " coup de vers ", pour déboucher au final sur un univers encore plus complexe ; plus pesant. A cette pesanteur vient parfois répondre la légèreté de l’humour. Celui-ci, tout comme la poésie, est une fenêtre ouverte sur l’existence, dont il nous révèle (...)
Attention !
N’attache jamais
Le bec d’un oiseau
Car
Il chantera avec ses ailes
Ne brise jamais ses ailes
Car
Il s’envolera avec son chant
Jusqu’à très haut dans le ciel
Ne dis jamais
Au poète
De garder le silence
Car…
L’homme qui vit et qui chanta la mort, Nosrat Rahmâni est, eu égard au contenu de ses textes, l’un des plus modernes poètes de la poésie persane contemporaine. Son oeuvre est en effet hantée par l’idée du néant de la vie et de la fascination de la mort. Ce qui émane à n’en pas (...)
Je préfère être un arbre
Sous les coups de fouet d’ouragan et d’éclair
Palpitant d’éclore et de dire
Plutôt que d’être
Une calme roche
Confiée aux tendres caresses de la pluie
Ou d’être oreille corps et âme
Emporté par le silence.
Ces nuits-ci
Dans lesquelles
La fleur a peur de la feuille
La feuille a peur du vent
Et le vent du nuage ; Le temps n’est apparemment plus favorable à l’apparition des grands poètes persans, et il faut souvent regarder en arrière, en direction d’un passé (...)
À Esfandiar Esfandi
Au terme d’un long trajet d’études scolaires et universitaires, je m’assieds maintenant au bord d’un tableau noir, et en le fixant, je me retrouve dans les dédales des absurdes couloirs que j’ai arpentés tant d’années, dans l’attente d’imminentes récréations, de vacances toujours lentes à venir. Une porte s’entrouvre alors devant moi, donnant sur une époque lointaine, sur le lointain de l’enfance. Des salles de cours se juxtaposent, s’allongent, se démultiplient. Elles évoquent les (...)
Notre géographie
Entre l’arbre et la mer
Accueille toujours les rouges accidents
Entre l’arbre et la mer
C’est toujours agréable de voir
Le va-et-vient des oiseaux
Né en 1959, quelque part entre le vert des forêts du Mâzandarân et le bleu de la mer caspienne, Salmân Harâti fut un " rouge accident ", un éclair qui illumina un court instant le ciel nuageux de notre poésie contemporaine. Très jeune, il prit place dans le panthéon des grands poètes d’après la révolution. Celle-ci marqua profondément (...)
* A Léonard Cohen
Je désirais te voir. Te voir. Tu me manquais beaucoup. L’envie me démangeait de te voir partout, mais je ne te trouvais nulle part : ni dans la rue, ni dans les vitrines, ni derrière les rideaux, ni derrière les murs, ni dans le parc, ni même sous la pluie ; nulle part dans la ville. Tu avais envahi le pays de mon cœur ; tu étais introuvable dans le pays de mon corps. Que pouvais-je faire donc, dis-moi ?
" Vous venez patiner avec moi ? " me dit-elle. Elle arrive ; elle me (...)
Le mont naît des premières pierres
Et l’homme des premières douleurs
Il y avait en moi un prisonnier rebelle
Qui ne pouvait s’accommoder de ses chaînes
Je suis né de ton premier regard.
L’homme dont la jeune pousse des mains évoquait l’amour de Dieu. L’homme dont la hauteur de révolte éclipsait celle de l’Enfer. L’homme qui mourait d’un seul "oui", non de la plaie de cent poignards, et dont la mort donnait naissance aux milles princes : une grande citadelle dont la clé était le simple mot amour. (...)
Après qui soupirai-je
Moi qui comme le feu vis en brûlant
Ni triste ni joyeux
Ni terre ni univers
Ni mot ni fond
Que signifie-je ?
Pour le chiite fervent qu’est Hassan Hosseini, que signifierait la vie sans amour pour son Imâm, le guide des martyres de Kerbala ; celui dont le courage et le dévouement pour la sauvegarde des valeurs islamiques marquèrent l’histoire du chiisme ? Hosseini est en effet le grand héritier de cette tradition poétique iranienne qui glorifie, depuis le quatrième siècle (...)
Ce n’était plus possible
La plume n’exprimait plus mon cœur
Il faut déposer les plumes, me dit-il
Dorénavant
L’arme blanche de la parole est impuissante
Il me faut chanter pour la guerre
Par le canon du fusil
Avec la cartouche en guise de mot
La cinquantaine passée, Aminpour ne cherche plus à bâtir son œuvre avec des cartouches. Il est bien loin de l’époque de « l’alerte rouge » ; l’époque où « la poupée en sang de l’enfant qui courait décapitée » pesait dans sa besace de poète. Pourtant le souvenir (...)
Rouhollah Hosseini : vous êtes, monsieur, à Téhéran depuis quelques jours. Puis-je vous demander, pour commencer votre impression sur le pays ?
Stéphane Heuet : Ce sera plutôt mon impression sur Téhéran, car je ne reste pas assez longtemps pour pouvoir m’éloigner de votre capitale. Je suis émerveillé par les gens. Franchement, de la ville, je n’ai pu voir que quelques avenues, bâtiments et musées, et la Maison des artistes que je trouve remarquable ; très bien bâtie, et munie d’équipements techniques (...)
Viens avec moi pleurer sur l’homme d’aujourd’hui
Le pauvre, il a perdu le sens de l’amour
" De la musique avant toute chose " disait alors Verlaine ; aujourd’hui, c’est encore le degré de musicalité qui fait en grande partie la force du poème. La musique est le moule qui confère sa forme à la parole, qui démultiplie le verbe, qui l’habille de ses belles notes, qui à voix haute, séduit l’oreille, et l’esprit à voix basse. Telle est la poésie mochirienne. On l’écoute, on l’entend, on la fredonne à l’infini. (...)
Rouhollah Hosseini : L’existence est fortement imprégnée du parfum de l’enfance, à plus forte raison la vie d’un artiste. Permettez-nous donc de commencer par votre biographie. Quel parcours avez-vous suivi pour devenir le célèbre documentariste que vous êtes aujourd’hui ?
Kioumars Derambakhsh : Je suis né le 25 décembre 1945, par un jour de neige. La deuxième guerre mondiale venait de finir ; les bombes atomiques avaient déjà rasé Nagasaki et Hiroshima. C’est peut-être pour cette raison que je me suis (...)
Je viens du sud de la source de soif
Je viens du sud du sable de serpents
Je viens du sud du jardin silencieux du golfe
Je viens du sud de la grande forêt de soleil.
Dans l’histoire de la poésie persane contemporaine, Manoutchehr آtachi, est de ceux, véritables créateurs d’images, que la postérité aura négligé à tort. Continuateur de la voie tracée par Nimâ, il a en effet contribué à enrichir le répertoire de notre poésie nationale. Son élection en 1384, quelques jours avant son décès, comme " figure (...)
La tragédie de l’homme qui s’épuise à vivre sans appel : la révolte
En Iran, on assimile souvent l’œuvre et la vision du monde d’Albert Camus au "mythe de Sisyphe". Personnage dont on sait qu’il fait sans cesse rouler une roche jusqu’au sommet d’une montagne, tout en sachant que celle-ci déboulera fatalement et indéfiniment la pente pour rejoindre son point de départ. L’absurdité est ainsi symboliquement illustrée. D’une certaine manière, "L’épigraphe"*, le poème-type du poète persan contemporain, Akhavân Sales, reprend le même thème, celui de l’absurde qui, nous dit-on, (...)
L’heure de tenir sa parole est venue, dis tout et ne t’effraie guère
N’hésite pas à dégainer ton sabre le jour de la guerre
Parmi les classiques de la poésie persane se trouvent un grand nombre d’hommes, qui, depuis longtemps, contribue à illustrer notre littérature. Cependant, les femmes sont absentes en la matière. A part Rabée Bente-Kaab, qui est peu connue du grand public, nous n’avions pas vu d’autres figures marquantes, jusqu’à l’apparition du grand génie de la poésie persane, Parvin Etessâmi. (...)
Je viens de Kâchân
Je suis peintre
Je fais parfois une cage avec des couleurs, je vous la vends
Pour que le chant du coquelicot, qui se trouve dedans
Rafraîchisse votre cœur flétri de solitude
Oh ! Ce songe qui me vient, ce songe !
Ma toile est morte
Je sais bien que le petit bassin de ma peinture
Manque de poissons.
Le peintre de la poésie persane contemporaine, Sohrâb Sepehrî est à n’en pas douter l’un des plus grands poètes de l’Iran moderne. Il naquit en 1929 à Kâchân, la ville qu’il (...)
Le Musée des Arts Contemporains accueille ces jours-ci une exposition qui vaut, pour le moins, le détour. Deuxième du genre depuis la révolution Islamique en 1979. Celle-ci s’intitule "mouvement de l’art moderne iranien". La manifestation initiale, qui s’est déroulée il y a à peine cinq mois, avait également trait à l’art moderne. Cette précédente exposition aura permis aux visiteurs d’admirer des classiques de l’âge d’or de la période dite "moderne" de l’art occidental. La seconde, actuellement en cours, (...)
Réza Seyed-Hosseini, éminent traducteur d’ouvrages littéraires (pour la plupart français) est l’un de ceux qui a permis de favoriser, par son travail, l’ouverture de notre pays sur la culture, et en particulier la littérature mondiale. Ses deux tomes portant sur Les Ecoles littéraires entre autres, restent une somme incontournable pour ce qui concerne la compréhension de l’évolution des tendances et des courants littéraires en occident. Le remarquable Dictionnaire des œuvres vient également de paraître (...)
Sur le mont est venu se poser un aigle
Sans gémissement ni plainte aucune,
Pendant que le triste soleil se couchait
Il mit la tête sur une pierre et rendit l’âme
Cet aigle symbolise le poète Akhavân Sales, le plus classique parmi les Nimaiens. Il naquit en 1928, à Tous (Meched) la ville natale de Ferdowsi, autre grand dont l’influence et le souffle épique marquera fortement la poésie d’Akhavân. Sa vocation de poète se révèle très tôt, et il publie son premier ouvrage, Arghanoun, en 1951, à l’âge de (...)
On a coutume de présenter l’Occident comme un pôle de modernité et de progrès technologique, en l’opposant un peu hâtivement à l’Orient, dont on dit qu’il constitue l’autre pôle, celui de la candeur et du naturel. A la vérité, il est préférable d’éviter les dichotomies réductrices. Cependant, il n’en reste pas moins que cette séparation a d’une part, une vertu explicative, mais aussi et surtout, qu’elle est réellement palpable, en particulier à travers et dans le domaine des arts. L’art est le miroir dans lequel (...)
Je t’attends la nuit
Quand noircissent entre les branches du Talâdjane les ombres
Celles qui font succomber tes amants de chagrin
Je t’attends
La nuit quand dorment les vallées comme des serpents morts
Au moment où la main du nénuphar noue le piège
Au pied du cyprès de montagne
Que tu te souviennes ou non de moi
Je ne laisserai pas réduire ton souvenir
Je t’attends
Père de la poésie moderne persane, Nimâ Youchidj (1897-1959), de son vrai nom Ali Esfandiyari, est né à Youch, un village (...)
Traduit par
N° 1, décembre 2005Je remercie ma bien-aimée et m’en plains avec douleur
Connais-tu l’amour ? Ecoute ce récit qui te mettra en pleurs
Je n’attendais rien en échange de mes bonnes grâces
Que dieu nous garde des maîtres qui n’accordent leurs faveurs
Personne n’offre plus d’eau aux libertaires assoiffés
Ont-ils quitté le pays des Amis de dieu leurs connaisseurs ?
O mon cœur ! Evite de t’emmêler dans ses cheveux si longs
Où l’on trouve des têtes coupées sans crime ni erreur
Tu adores ton œillade amoureuse qui boit notre (...)
“C’était une Grande
Elle était d’aujourd’hui
Ouverte à tous les horizons,
Et comprenait si bien le langage de l’eau et de la terre.”
Forough Farrokhzâd, grande poétesse contemporaine iranienne est née à Téhéran en 1934. Très tôt, dès l’âge de dix ans, elle compose de nombreux poèmes, où “mon Moi de ces jours-là, dit-elle, prenait une grande part”. En 1950, à l’âge de seize ans, elle se marie avec l’homme de son choix, malgré l’opposition de leurs familles respectives…un mariage malheureux qui la laisse déçue (...)