N° 168, novembre 2019

Architecture de la nouvelle cuisine en Iran


Marzieh Azad Armaki*


Ancien modèle de cuisine iranienne

La maison se métamorphose avec les modes de vie et les rapports de genre. Au cours des cinq derniers siècles, l’Europe a connu des changements fondamentaux. Ces changements stabilisés au début du XXe siècle ont été transférés, expérimentés, adoptés, acculturés voire rejetés dans les autres cultures.

L’époque moderne a néanmoins perpétué une distinction, celle du travail des hommes le plus souvent à l’extérieur du foyer familial, et le travail des femmes majoritairement à l’intérieur de la maison, consistant en l’éducation des enfants et les tâches ménagères multiples. Le partage du travail, donc de l’espace, a largement été façonné par ces différences. Au cours de ces dernières décennies, avec l’accès des femmes aux études supérieures et le changement dans la structure des professions, la plupart des femmes sont entrées sur le marché du travail et sont présentes à la fois au sein de la société et à la maison.

En Iran, aujourd’hui, l’espace public reste souvent pensé et conçu pour les hommes, et tend à manquer d’espace déambulatoire, où l’on peut marcher tranquillement, ensemble, en contemplant le paysage. Mais dans l’espace privé même, c’est-à-dire dans la construction des logements, les besoins et goûts spécifiques des femmes ne sont souvent pas assez pris en considération par les architectes iraniens. Le défaut de concertation et de politique dans la conception et l’organisation des espaces dans la maison, surtout la cuisine, tendent à perturber les rapports au sein de la famille et en premier lieu parmi les femmes.

Dans cet article, nous nous pencherons sur l’espace le plus féminin de la maison téhéranaise : la cuisine, et la transformation récente de son style avec l’élaboration architecturale de la nouvelle cuisine dite ouverte. La question qui se pose est de savoir si la cuisine pensée comme le cœur d’une maison, est conçue spécialement pour les femmes selon leur mentalité, leur goût, leur culture, leurs besoins corporels, leur déplacement et leur travail. Y a-t-il un rapport entre l’espace de la cuisine, qui est un espace féminin, et l’espace collectif de la maison où se rassemblent les membres de la famille ? On distinguera les usages et pratiques dans les cuisines iraniennes et occidentales pour mieux définir la forme et la place de la cuisine iranienne.

Pour certains architectes, l’avantage de la cuisine-open est de permettre aux femmes de voir et de communiquer facilement avec les autres membres de la famille, ce qui est tout à fait acceptable. Mais cet espace ouvert ne vient-il pas contredire certains aspects de la culture de la femme iranienne qui y prépare les repas et y poursuit ses occupations traditionnelles ? La façon de vivre, les interactions et les comportements de la femme iranienne sont-ils semblables à ceux de la femme non-iranienne ? En dissimulant souvent l’espace open de la cuisine surtout lors de réception avec des non-intimes, la femme iranienne ne cherche-t-elle pas à redonner une certaine tranquillité à l’espace typique de la cuisine traditionnelle ?

 

Dans l’ancienne architecture iranienne, les cuisines ont été construites au rez-de-chaussée

Cadre théorique

 

D’après Boys, dans les pays occidentaux et européens, la plupart des plans proposés par les architectes et les planificateurs ignorent complètement le sexe, et donnent plus d’importance au concept de fonctionnement – et accorde ponctuellement de l’attention au niveau social, type de famille ou à l’âge. Néanmoins, les espaces conçus influencent de façon différente les femmes et les hommes. (Boys 1999)

Récemment, d’importants travaux ont été réalisés en vue d’optimiser l’espace afin qu’il puisse mieux répondre aux besoins des femmes. Toute analyse de l’espace nécessite aussi de porter un intérêt à la temporalité. Ainsi, les espaces domestiques sont divisés en espace diurne, espace nocturne et espace commun. L’espace nocturne comprend les chambres à coucher, l’espace commun, les toilettes et l’espace diurne, la salle à manger, la cuisine et le salon. La cuisine est l’espace utilisé par les femmes au cours de la journée. L’attention au comportement et à l’état d’esprit de celle qui l’occupe, la durée du temps qu’elle y passe sont importants à prendre en compte dans toute analyse. 

La plupart des concepteurs tendent, consciemment ou inconsciemment, à diviser les espaces architecturaux environnants entre espace masculin et espace féminin. Pour eux, les espaces plus doux et plus sûrs sont des espaces féminins, tandis que les espaces durs et potentiellement moins sûrs comme les lieux de travail sont des espaces masculins.

Dans l’introduction de Design et féminisme, Ronser et Rothschild soutiennent que la question de la place de la femme dans l’architecture passe nécessairement par :

- L’examen des travaux négligés par les architectes ;

- La connaissance de l’« arrangement spatial » qui est axé sur les modalités de l’expérience des femmes dans l’espace qu’elles occupent et utilisent ;

- L’analyse « des théories de l’architecture » qui étudie les différences entre femme et homme, la féminité et la masculinité avec leurs signes et leurs formes.

En étudiant l’arrangement spatial des espaces féminins, on peut élaborer des modèles dont l’utilisation est très utile dans la création et l’arrangement des autres espaces. L’architecture jouant un rôle important dans l’expression des notions culturelles et symboliques et la modélisation des interactions sociales, nous pouvons étudier l’architecture féminine dans son expression de la culture des femmes, notamment à travers les interactions spatiales. La plupart des valeurs culturelles et symboliques s’expriment par le choix des matériaux, de la couleur, de la forme et de la taille des meubles ainsi que par l’espace environnant (Rapport, 1990). Aujourd’hui, l’indifférence des architectes, des ingénieurs et des designers à l’égard des valeurs féminines les conduit à présenter des formes dites « nouvelles » qui ne sont en réalité que des stéréotypes. Pour planifier un édifice, il faut prendre en considération non seulement la question du genre, mais également la couche sociale, la culture et l’identité nationale. Par ailleurs, il est nécessaire d’examiner cette question du point de vue de la re-création de modèle et de la recréation des modèles en fonction des inégalités sociales et économiques.

À titre d’exemple, dans le design des maisons de style victorien, à chaque activité correspond un espace différent : un espace pour les repas, un autre pour cuisiner, pour dormir et pour les fonctions officielles sociales. Ce plan divise efficacement un grand nombre d’activités par le biais du genre. Nous voyons que ces distinctions ont subi des changements au cours du dernier siècle. Les maisons d’aujourd’hui reflètent un rapport plus équitable en insistant sur les salles de réception et la cuisine panoramique. Cet exemple montre bel et bien comment l’espace construit pourrait changer ces tendances. Ce sujet est manifeste dans la distinction et la séparation des espaces des femmes et des hommes sur les lieux de travail. (Lajcman, 1991)

Ancien modèle de cuisine iranienne

La cuisine, en tant que pôle de la maison, dispose d’un certain nombre de fondements et de critères à savoir :

- grande luminosité de jour comme de nuit et vue agréable

- triangle culinaire - évier, cuisinière, rangement - pour une meilleure circulation et l’absence d’interférence dans les travaux.

 

Dans la maison traditionnelle iranienne, la cuisine se trouve dans le coin le plus reculé et le plus sombre. Pour aller à la cuisine, il faut passer par un corridor sombre et désert, un espace privé pour les femmes. Ce style pourrait paraître tout à fait conforme aux besoins de l’époque, mais aujourd’hui, les activités communes des hommes et des femmes dans les lieux publics se montrent également dans la maison, de sorte que la séparation traditionnelle étonne la plupart des gens. L’existence d’espaces ouverts au centre de la maison est devenue l’une des caractéristiques de la cuisine moderne.

Méthodologie de recherche

 

Dans cet article, nous aborderons essentiellement la qualité de cet espace. L’objectif n’est pas de réaliser une analyse statistique mais de présenter différents avis et interprétations. La méthodologie adoptée est l’entretien semi-directif. Les personnes interrogées représentent diverses couches de la société et habitent dans différents quartiers. Les différences d’âge, de niveau d’études, les croyances religieuses et le style de vie sont pris en considération.

 

Résultats

 

Les femmes au foyer et les femmes qui travaillent adoptent des positions concernant la forme actuelle des cuisines. Celles qui apprécient les cuisines ouvertes évoquent les raisons suivantes : une amélioration de l’ordre esthétique de la maison, une vaste vue et une meilleure luminosité de cet espace. Celles qui s’y opposent avancent des questions liées à la religion, principalement le hijab, la violation de l’espace privé de la femme, la diffusion des odeurs de nourriture dans la maison. Nous évoquerons d’abord les avis opposés puis les avis plus favorables.

Exemple de cuisine « open » en Iran

L’une des raisons évoquées est la question de la violation de l’intimité de la femme. Pour les femmes iraniennes, religieuses ou non, la question de l’intimité est très importante. Cet aspect apparaît notamment avec les corridors étroits et sombres menant à la cuisine dans les maisons anciennes, ou via la division de la partie interne [1] et externe des espaces de la maison. Les rideaux ont également toujours joué un grand rôle dans la séparation des espaces interne et externe de la maison.

L’absence de cet espace intime semble à lui seul constituer le plus grand problème. C’est ce qu’évoque un certain nombre de femmes.

Fâtemeh, 41 ans, passe quotidiennement 6 ou 7 heures dans la cuisine pour faire la cuisine, la vaisselle, utiliser le réfrigérateur ou déplacer des plats. Elle passe la plupart de ce temps près de l’évier et à côté de la cuisinière. Elle se dit mécontente en raison de l’absence de vue agréable malgré la fenêtre de la cuisine. Dans sa cuisine, la fenêtre laisse passer seulement la lumière à l’intérieur. Au sujet de la situation de la cuisine dans la maison, elle dit : « Si la cuisine était au même endroit que le balcon, j’aurais eu une belle vue de l’extérieur. » Elle est obligée de fermer la fenêtre de sa cuisine car depuis la rue, on peut voir l’intérieur, alors que si l’on avait échangé la place du balcon et de la cuisine, celle-ci aurait donné sur la cour-jardin et elle aurait pu bénéficier d’une belle vue et de la lumière, tout en gardant son intimité. Pour elle, la cuisine est l’endroit où les femmes travaillent du matin au soir.

Rafa’t, 45 ans et femme au foyer, préfère sa cuisine fermée de six mètres carrés. Elle s’oppose fermement à la cuisine-open car selon elle, cette forme de cuisine viole l’intimité des femmes. Pour elle, la cuisine est un lieu de tranquillité et cette tranquillité dépend de la clôture de la cuisine par rapport aux autres espaces de la maison. Au cours des sept heures de travail qu’elle passe dans sa cuisine, elle écoute la radio, boit du thé et elle peut lire les quotidiens grâce à la lumière qui y existe. Elle souhaiterait qu’en plus de sa bonne luminosité, sa cuisine bénéficie d’une belle vue.

Les raisons religieuses sont les principales raisons de l’opposition des femmes à la cuisine dite « open ». La plupart des interviewées estiment qu’il est très dur de travailler dans une cuisine open en raison du hidjab. Pour d’autres, ce style de cuisine est destiné particulièrement aux femmes modernes pour qui le hidjab ne pose pas un problème. Ceci dit, de nombreuses femmes voilées préfèrent néanmoins la cuisine open. Pour elles, la modernité de ce type de cuisine est un critère déterminant. Les exemples ci-dessous sont intéressants :

Shahnâz, âgée de 55 ans, qui a passé, pendant 23 ans, une grande partie de son quotidien dans la cuisine non-open de 18 mètres carrés d’une maison, vit actuellement dans une maison dotée d’une cuisine open. La lumière de son ancienne cuisine venait du patio, mais à présent elle n’est pas contente d’avoir une cuisine qui donne sur la rue : « Il faut être toujours attentif aux plats et aux marmites sur la cuisinière pour que personne ne puisse les voir de la salle de réception. Travailler avec un foulard à la cuisine est plus difficile pour moi et je ne suis plus aussi agile que dans le passé. » Pour elle, la dimension, la lumière et la propreté de la cuisine sont très importantes. Elle affirme : « Si l’on a une bonne cuisine, on a la santé aussi ».

Une autre femme interrogée a un enfant âgé d’un an. Pour elle, la cuisine-open lui donne la possibilité de surveiller son enfant. C’est une femme croyante, et elle propose qu’on place un store ou une tapisserie dans l’espace ouvert de la cuisine-open pour que l’intimité de la femme soit respectée. Cette absence d’intimité ternit un peu l’image de la cuisine-open pour elle. Elle travaille et pour elle la cuisine est un espace qui doit rester en contact avec les autres espaces de la maison : « Je ne veux pas qu’être dans la cuisine m’empêche d’avoir un œil sur le reste. » Elle répète que la présence permanente d’un rideau ou d’un store dans la cuisine l’empêcherait de surveiller son jeune enfant.

Exemple de cuisine « open » en Iran

 

Une dame de 45 ans dont la maison a été construite par sa famille se dit mécontente de travailler dans une cuisine-open : « Si l’on refait cette maison, nous opterons certainement pour une cuisine fermée. À l’époque, la cuisine open était à la mode. Nos enfants ont dit que la cuisine open était préférable. Mais moi, je n’aime pas ça. Ce n’est pas protégé. Car les femmes passent leur temps à la cuisine. Il faut que l’espace soit plus grand et plus protégé ». Elle passe chaque jour cinq ou six heures à la cuisine et regarde en même temps la télévision qui se trouve dans le salon devant la cuisine. Elle sait que c’est un avantage de la cuisine open. Mais elle préfère que quand elle a des invités, sa cuisine soit fermée et protégée. Sa cuisine donne sur une cour arrière. Elle dit : « Il y a assez de lumière. La fenêtre de la cuisine donne sur l’extérieur et cela m’inquiète ».

Les autres inconvénients de ce type de cuisine pour les Orientaux, surtout des Iraniens, sont l’odeur de cuisson, notamment des fritures. Cela gêne les Iraniens et freine l’enthousiasme pour les cuisines open. 

 

Saeideh vit depuis 8 ans dans son appartement de 90 mètres carrés. Elle affirme : « Ma cuisine est open et je suis obligée de mettre ma cuisinière près de la partie ouverte (open) c’est à dire près du salon et je dois tout le temps surveiller l’odeur et les taches. Sous la fenêtre de ma cuisine, on a installé les placards à vaisselle et je ne peux plus regarder l’extérieur. Il est difficile de voir la rue, mais au moins, il y a assez de lumière dans la cuisine. » Elle évoque son idée de déplacer sa cuisine qui se trouve au nord de l’appartement vers le sud, près du balcon. Pour elle, la cuisine constitue le cœur de la maison.

 

Une jeune femme de 28 ans, récemment mariée, se dit mécontente de sa cuisine open car elle est obligée de passer la moitié de son temps à nettoyer et dégraisser les placards à vaisselle, qui continuent dans le corridor et le salon. Elle affirme : « Quand j’ai des invités, je m’inquiète de l’odeur du repas dans la maison. Frire est insupportable pour moi. On ne peut pas faire les fritures quelques heures avant. Il faut le faire au moment de servir le repas. Si la cuisine avait une porte, j’aurais fermé la porte et ouvert la fenêtre. Je dois mettre tout le temps les assiettes et les marmites sales par terre pour que personne ne puisse les voir du salon. »

Nahid, 33 ans, est une enseignante qui, avant d’aller au travail, est obligée de faire la cuisine tous les matins. Elle est mécontente parce que tôt le matin, l’odeur du repas se propage dans la maison. Elle a une opinion nettement négative de la cuisine open. Pour elle, la cuisine est un lieu où se rassemblent les membres de la famille pour manger tous ensemble.

 

Au cours de cette recherche, nous avons constaté que les cuisines-open sont vues avec autant d’avantages que d’inconvénients.

Les femmes qui apprécient ces cuisines ont évoqué des raisons qui peuvent être classifiées en trois catégories :

1- Vue plus dégagée et plus de luminosité 

2- Amélioration de l’aspect esthétique et l’aspect moderne

3- Possibilité d’avoir plus de contact depuis la cuisine avec les autres membres de la famille

 

À titre d’exemple, Mariam est une jeune fille qui invite souvent des amies. Sa cuisine est open et elle a une fenêtre qui donne sur la cour. Elle regarde parfois la télévision depuis la cuisine. Pour elle, l’avantage de sa cuisine est de fournir la possibilité de parler avec ses invités alors qu’elle fait la cuisine. Le respect d’un invité va selon elle de pair avec l’entretien de la conversation. Et la cuisine open fournit cette possibilité.

Nasrin, âgée de 31 ans, veut transformer sa cuisine fermée en cuisine open. Elle passe 2 heures par jour à la cuisine. Elle y fait seulement la cuisine. Elle affirme : « À part faire la cuisine, je n’y fais rien. J’aime la cuisine open pour pouvoir mieux contrôler l’intérieur de la maison. Maintenant, ma cuisine est fermée et je ne peux rien voir. » La lumière de la cuisine vient de la cour arrière et c’est une lumière assez convenable. Elle préférerait avoir des fenêtres qui s’ouvrent sur la rue. Elle est un peu jalouse vis-à-vis des gens qui ont des cuisines open et qui peuvent regarder leurs enfants jouer dans la salle et parler avec leur époux alors qu’elles font la cuisine. Pour son prochain logement, elle essaiera de louer une maison avec une cuisine open.

Comme ailleurs, certaines familles iraniennes utilisent la partie open comme table pour manger

Tayebeh vit dans son appartement depuis 5 ans. Il a une petite cuisine de 6 mètres carrés, mais qui est quand même équipée d’une grande fenêtre qui laisse passer assez de lumière à l’intérieur et un système de climatisation. Seulement, le nombre des placards à vaisselle ne la satisfait pas. Pour elle, dans la cuisine, on peut faire beaucoup de choses. Depuis la cuisine, elle regarde la télévision. « Ma cuisine a une belle vue, j’apprécie beaucoup, car on peut diriger la maison depuis la cuisine. Quand ma fille fait ses devoirs, je m’occupe également. Si elle a des questions, elle peut me les poser. Puisque notre cuisine est petite, nous n’y mangeons pas. J’aurais aimé avoir une cuisine plus grande pour pouvoir y prendre nos repas avec les membres de la famille ».

Être à la mode est l’autre aspect qu’évoquent les femmes au sujet des cuisines open. Pour elles, c’est l’esthétique et la modernité de ces cuisines qui font leur point fort.

Sânâz est une femme moderne qui se dit contente d’avoir une cuisine open. Le seul inconvénient de sa cuisine est le plan de travail en pierre : « Utiliser le safran et le jus de citron pourrait détériorer la surface de la pierre. Dans ma cuisine et dans la plupart des cuisines d’aujourd’hui, il y a assez de lumière. De belles arcades ont donné un aspect ouvert à la cuisine. J’aime beaucoup ma cuisine, car elle est moderne et je peux disposer des placards à vaisselles sous la partie ouverte. J’utilise la partie open comme une table pour manger. Pour moi, la cuisine, ce n’est pas seulement un endroit pour faire la cuisine. J’y passe beaucoup de temps. Je m’installe souvent dans la cuisine et je parle au téléphone. Quand j’ai des invités, je peux facilement communiquer avec eux. Mais je sais que les familles religieuses ont des problèmes avec ce genre de cuisine. Bref, la cuisine open est belle, les carreaux, les placards à vaisselle y sont très jolis. » Une autre femme interrogée, Râzieh, 28 ans dit à ce propos : « La cuisine est la maison de la femme et la plupart des femmes s’occupent à l’intérieur de la cuisine. Elle doit être agréable. Elles passent tout leur temps ici. Les fenêtres en arcade des cuisines sont très jolies. » Bien qu’elle souligne certains inconvénients des cuisines-open, elle affirme néanmoins : « Ces cuisines enjolivent les maisons et augmentent leur aspect esthétique si elles sont bien conçues. Elles doivent avoir assez de lumière et des placards à vaisselle élégants ». Elle sait que les familles religieuses ont des problèmes avec ce genre de cuisine. Elle affirme : « Pour les jeunes gens d’aujourd’hui qui n’ont pas beaucoup d’invités, ces cuisines ne posent pas de problèmes. » Elle rappelle qu’il y a des cuisines qui sont open mais n’offrent pas de vue directe sur la salle de réception.

Conclusion

 

Espace et mode de vie interagissent. Le changement de l’espace culinaire iranien est à la fois l’effet et la cause du changement du mode de vie. Il a évolué avec la mondialisation. On peut soutenir que la cuisine ouverte modifie les positions traditionnelles iraniennes lors des réceptions et autour de l’intimité de la femme. Le propos fait aussi débat parmi les Iraniennes. Mais ce style architectural est partout adopté dans l’architecture contemporaine car il embellit ces cuisines, donne plus de lumière et permet de mieux communiquer avec les autres membres de la famille. Tous ces facteurs montrent l’intérêt que portent les femmes à ces cuisines. Mais à l’opposé, on ne peut ignorer les besoins d’autres Iraniennes pour qui la cuisine est le principal espace de vie quotidien et personnel. Architectes et designers doivent mieux reconnaître les fonctions de ces cuisines en tenant compte du mode de vie particulier à l’Iran et réfléchir à de nouveaux plans.

    *Assistant professeur, Shahid Rajaee Teacher Training University

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    Notes

    [1La maison iranienne traditionnelle comprend deux parties interne et externe, afin de différencier la partie privée de la partie publique de la vie sociale. C’est historiquement la question du voile et de l’intimité qui a créé cette distinction. Dans l’architecture traditionnelle iranienne, ces deux parties sont nettement différenciées et les espaces internes et externes sont reliés par des couloirs longs et sombres afin de dissuader les étrangers d’y entrer.


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