N° 168, novembre 2019

Le riz et la cuisine de l’époque safavide


Babak Ershadi


Les trois provinces du littoral de la Mer Caspienne sont les principaux centres de la culture du riz en Iran, mais il y a également d’importantes productions de riz dans plusieurs autres provinces.

L’histoire de la consommation alimentaire en Iran fait principalement partie de l’histoire de l’agriculture et de l’élevage sur le plateau iranien. Depuis les temps les plus anciens, l’alimentation de base repose sur la consommation du blé, du millet et, dans une certaine mesure, de l’orge en remplacement du blé.

Les documents de la période islamique (à partir du milieu du VIIe siècle) montrent que la hausse du prix de l’orge par rapport au blé, accompagnée de la disparition concomitante du blé des marchés, a toujours été considérée comme un signe du début d’une période de famine. Le seigle, bien qu’apparemment indigène à l’est du plateau iranien (Afghanistan), n’était généralement pas consommé autrefois.

Après le développement et la diffusion de systèmes de plantation intensive reposant principalement sur l’utilisation de techniques d’irrigation sophistiquées, les fruits et les légumes frais, consommés crus, sont devenus des éléments importants de l’alimentation.

Les coings, les pommes, les poires, les melons, les pastèques, les grenades, les raisins, les pêches et les mûres sont cultivés en Iran depuis l’Antiquité.

L’emblématique Chelow-kabâb (du riz cuit avec différents types de kébabs) est sans doute le plat le plus populaire en Iran.

Étant donné le rôle historique de l’Iran en tant que centre d’échange entre les civilisations d’Anatolie, du Caucase, du Proche-Orient, d’Inde et d’Asie centrale, de nombreux produits agricoles, fruits et légumes furent transplantés d’une région à l’autre par l’Iran. Il semblerait que le safran, la rhubarbe et les épinards aient été cultivés pour la première fois sur le plateau iranien. Les experts savent que les oignons, l’ail, les carottes, les fèves, les pois chiches et les graines de lin étaient utilisés pour l’alimentation en Iran depuis le début de l’Antiquité.

Les plantes importées d’Inde ou via l’Inde furent acclimatées plus tôt en Iran que dans d’autres régions du Proche et du Moyen-Orient : canne à sucre, aubergine, agrumes, plus tard également les épices tropicales et le riz.

Les méthodes de préparation des produits laitiers découlent essentiellement des traditions des groupes pastoraux et nomades vivant à la fois sur le plateau iranien et en Asie centrale. Ces produits, ainsi que les céréales, constituaient l’aliment de base des tribus nomades, étant bien plus importants que la viande dans leur alimentation.

Avec le lait et les œufs, la viande était bien sûr une source de protéines animales. Depuis toujours, les éleveurs ont fourni de la viande de chèvre, de mouton, de bœuf, de chameau et de la volaille.

Le riz blanc à grains longs (variantes iraniennes du basmati indien : « reine du parfum ») est le riz le plus apprécié en Iran.

Dans les régions dotées de ressources marines suffisantes, en particulier les côtes caspiennes (nord) et le Khouzestân (sud), et les localités situées au bord des rivières, la pêche a contribué encore largement à l’alimentation de la population. Depuis toujours, cependant, la plupart des viandes disponibles allaient souvent sur la table des classes supérieures, de même que tout le gibier (sous la dynastie sassanide, les cerfs, les gazelles, les lièvres, les sangliers et les oiseaux sauvages), à l’exception des zones qui dépendent encore de la chasse en tant qu’activité économique régulière.

L’inventaire des aliments traditionnels a toujours suivi des variations régionales. Les habitudes alimentaires étaient déterminées principalement par ce que le secteur pouvait produire. De nombreuses variétés de fruits et de légumes n’étaient produites que dans des zones spécifiques, souvent très étroites ; principalement en raison du coût élevé des transports, elles étaient considérées dans les régions et les villes lointaines comme un luxe exotique, et leur consommation était un privilège par lequel les classes supérieures pouvaient se distinguer. Les fruits secs et les noix, cependant, n’étant pas périssables, étaient moins chers et avaient un marché plus large.

 

Shâh Ismâïl Ier (1501-1524), fondateur de la dynastie des Safavides.

Histoire

 

Il n’existe pas d’informations au sujet du moment précis de l’introduction du riz sur le littoral caspien et sur le plateau iranien. Cependant, il existe des preuves secondaires permettant de supposer que le riz était relativement un « nouveau venu » peu cultivé en Iran avant la période islamique.

Berthold Laufer (1874-1934), historien, géographe et anthropologue américain, soutenait cette hypothèse pour deux raisons : premièrement, le mot « riz » n’a pas été mentionné dans l’Avesta, texte sacré du zoroastrisme. Deuxièmement, des auteurs grecs, en particulier Aristobule de Cassandréia (380-290 av. J.- C.), historien contemporain d’Alexandre, qui accompagna ce dernier dans ses campagnes d’Asie, évoqua la culture du riz à Babylone (Mésopotamie), à Suse (Khûzistân) et Bactriane (Asie centrale), mais ne dit rien sur une éventuelle culture du riz sur le plateau iranien.

Durant la période sassanide, les voyageurs chinois qui se rendaient dans les régions orientales de l’empire mentionnèrent la culture du riz dans la vallée fertile de Ferghana (aujourd’hui partagée à l’est de l’Ouzbékistan, le nord du Tadjikistan et le sud du Kirghizistan) et dans la Parthie historique, berceau de l’Empire parthe (région située au nord-est du plateau iranien, ancienne satrapie de l’Empire achéménide et province de l’Empire sassanide). Pourtant ces voyageurs chinois ne parlèrent point de la culture du riz à l’intérieur de la Perse. En effet, les premiers écrits d’auteurs iraniens à fournir des comptes rendus détaillés sur la culture du riz datent du IIe au VIIIe siècle de notre ère.

Le pourcentage de l’utilisation des ingrédients dans le Bulletin de cuisine et d’art culinaire (1521).

Cependant, les historiens modernes croient que ces arguments, bien qu’ils servent de fondement à une hypothèse plausible, ne constituent pas une preuve irréfutable. Les sources mentionnées par Berthold Laufer sont trop brèves pour conclure sans l’ombre d’un doute que le riz n’était pas cultivé sur le plateau ou dans les provinces caspiennes pendant les périodes achéménide et sassanide. De plus, pourquoi la culture du riz, qui s’était étendue de l’Inde vers les rives orientales de la Méditerranée des siècles avant l’ère chrétienne, n’aurait pas été pratiquée sur le plateau iranien ? En tout état de cause, les experts et historiens de la culture du riz en Asie estiment en général que le riz est cultivé dans les régions iraniennes du sud de la mer Caspienne depuis le IVe siècle av. J.-C.

Peu importe le moment où le riz a été introduit en Perse, deux points sont indiscutables, car la culture du riz et d’autres produits tropicaux (coton, canne à sucre, oranges et mûriers) prospérèrent dès le début de l’islamisation de la Perse en réponse à la croissance urbaine et à la demande des conquérants arabes, sous les premiers califats. Des sources ilkhanides du XIIIe siècle témoignent de la culture du riz en Azerbaïdjan, au Fârs, au Khûzistân et surtout dans les provinces du sud de la mer Caspienne, qu’elles présentent comme principales zones de production.

Le pourcentage de l’utilisation des ingrédients dans La substance de la vie, un traité sur l’art de la cuisine (1597) rédigé par le chef des cuisines de la cour de Shâh Abbâs Ier.

Aujourd’hui, le Chelow-kabâb (riz cuit et l’une des nombreuses variétés de kebab iranien) est sans aucun doute le plat national incontournable1, mais il faut souligner que le riz n’a pas toujours été l’aliment de base pour l’ensemble du territoire iranien. Dans les régions plus sèches, le pain a toujours été l’aliment de base. La consommation de riz fut pendant très longtemps liée aux conditions climatiques, régionales et sociales. Que le riz soit un élément essentiel du régime traditionnel dans les provinces de la Caspienne est confirmé par ce qui en est dit, par la manière dont il est préparé et par les quantités consommées pendant les repas. De nombreux documents historiques ont souligné les différences d’alimentation entre les habitants de la région Caspienne, mangeurs de riz, et ceux du plateau iranien qui se nourrissaient essentiellement de pain en tant qu’aliment de base.

Dans son livre intitulé Culture du tabac en Guilan (1911), Hyacinthe Louis Rabino (1877-1950) témoigne que les habitants de la province du Guilân ne consommaient pas beaucoup de pain, préférant le remplacer par le riz en tant qu’aliment de base. Il souligne néanmoins que dès la fin du XIXe siècle, la consommation de pain se répandit peu à peu parmi les habitants des provinces iraniennes de la région caspienne, bien que de manière inégale.

Contrairement à la cuisine turque et arabe, la propagation de la consommation du riz en Iran à partir du XVIe siècle a supplanté l’utilisation de plusieurs produits dans la cuisine urbaine iranienne, notamment l’utilisation du boulgour.

Selon différents témoignages, dans les provinces du Guilân et du Mâzandarân, les habitants de nombreuses régions mangeaient du riz aux trois repas quotidiens, comme on le voit encore parmi les personnes âgées de petits villages du sud de Tâlesh (Guilân), qui sont moins touchées par des modèles de consommation urbaine.

Selon certaines estimations, un riziculteur de la région Caspienne consommait autrefois presque autant de riz qu’un paysan vietnamien, mais de façon très différente. En Iran, seul le riz blanc poli est consommé. Bien que le riz représente 90% de l’alimentation d’un paysan en Asie du Sud-est, il ne représente que 40 à 65% de l’alimentation dans les provinces de la Caspienne, où de moins en moins d’agriculteurs mangent du riz aux trois repas. Ailleurs en Iran, le riz fut au début un aliment « de luxe » dont la quantité de consommation était plus importante à mesure que l’on montait sur l’échelle sociale. Par conséquent, le pain était toujours l’aliment de base des paysans et des citadins pauvres, qui préparaient du riz soit pour des invités soit lors d’occasions spéciales, ou en mangeaient à l’extérieur (restaurant).

 

Une miniature du XVIIe siècle montre un festin à la cour.

La cuisine safavide et l’évolution de la consommation du riz

 

En Asie centrale, dans la cuisine actuelle de l’Afghanistan, du Tadjikistan, du Turkménistan ou de l’Ouzbékistan, les préparations à base de pâtes, en particulier les raviolis fourrés occupent toujours une place importante, comme autrefois dans de nombreuses régions iraniennes avant l’augmentation de la consommation du riz.

Dans ces pays, voisins historiques de l’Iran actuel, le riz était proposé dans un nombre limité de recettes comme une sorte d’« aliment de prestige » lors de fêtes et de banquets, comme c’était d’ailleurs le cas dans la plupart des régions du plateau iranien. Mais dès le XVIe siècle, la situation changea radicalement en Iran, où l’utilisation du riz évolua pour devenir une branche majeure de la cuisine iranienne.

Au départ, le riz était une spécialité de la cuisine de la cour safavide. Très vite, deux méthodes de préparation du riz sont progressivement devenues populaires dans tout le pays : le chelow, qui est une combinaison non mélangée de riz blanc bouilli avec un ragoût (khoresh) ou une sauce, et le polow, riz blanc bouilli mélangé avec divers ingrédients.

Selon les historiens de l’art culinaire iranien, il s’agissait d’une inspiration iranienne des techniques de préparation du riz des pays de l’Asie centrale qui furent élaborées et diversifiées en Iran au cours du premier siècle du règne de la dynastie des Safavides.

Chelow avec une croûte croustillante et dorée de riz, appelé Tah-dig.

La demande croissante pour le riz entraîna une expansion de la riziculture, principalement dans les provinces côtières de la mer Caspienne. L’attention se concentra sur les variétés plus chères et mieux aromatisées du riz originaires du nord-ouest de l’Inde et il fut jugé nécessaire d’importer de manière récurrente des semences indiennes.

Contrairement à l’Afghanistan et à l’Asie centrale, les plats de pâtes jadis populaires disparurent progressivement des menus iraniens au profit des plats de riz. La consommation traditionnelle du millet, en usage depuis longtemps en Iran, chuta également parce que le riz était préféré et semblait mieux s’adapter au goût de la majorité des Iraniens. De même, la généralisation de la consommation du riz réduisit aussi l’utilisation de boulgour (du blé précuit à la vapeur, séché et enfin concassé), qui était cependant beaucoup plus répandue dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (pays arabes et Turquie) qu’en Iran.

D’autre part, la nouvelle mode du riz à la cour safavide influença beaucoup la haute cuisine de l’Empire mongol en Inde. La cuisine moderne du nord de l’Inde (parfois appelée « cuisine mongole ») évolua à partir de l’adaptation des compétences safavides aux traditions indiennes. De nombreux mots persans et turcs, importés d’Iran, sont encore présents dans le vocabulaire culinaire de l’Inde du Nord. Cependant, il est curieux de savoir que le riz, si largement utilisé en Iran dès la période safavide, resta dans l’ensemble étranger à la cuisine ottomane, bien que celle-ci se tournait traditionnellement vers l’Asie centrale et la Perse pour se perfectionner. Par conséquent, les Turcs et les habitants de leurs possessions dans le monde arabe et aux Balkans ne sont pas devenus de grands consommateurs de riz.

 

Une fresque du palais Tchehel-Sotoûn à Ispahan montre la fête donnée par l’empereur safavide Shâh Abbâs Ier (1588-1629) au gouverneur de Boukhara, Vali-Mohammad Khân.

L’art culinaire de l’époque safavide

 

Il est évident que les habitudes alimentaires des Iraniens à l’époque safavide (1501-1736) correspondent à la situation générale du pays du XVIe siècle jusqu’au milieu du XVIIIe siècle dans divers domaines sociaux et économiques, sans oublier le contexte de la vie rurale et urbaine, l’agriculture et l’élevage, etc. Les historiens estiment qu’à cette période, une certaine évolution se produisit dans le style culinaire iranien, façonné progressivement au cours des siècles par les traditions anciennes des habitants du plateau iranien combinées très habilement avec les traditions de l’Asie centrale. Ce style culinaire semble s’être développé avec un extrême raffinement à l’époque safavide et constitue jusqu’à présent la norme générale de la bonne cuisine, notamment pour les classes moyennes et supérieures de la société urbaine.

Il nous reste deux précieux ouvrages de l’époque de la dynastie des Safavides consacrés à la cuisine et à l’art culinaire : « Bulletin de cuisine et de l’art culinaire » et « La substance de la vie, un traité sur l’art de la cuisine ».

- Bulletin de cuisine et d’art culinaire est une œuvre en persan de Hadji Mohammad-Ali Bâvartchi, cuisinier originaire de Tabriz. L’unique exemplaire manuscrit de ce livre est conservé aujourd’hui au Centre de documentation de l’Université de Téhéran. L’auteur, qui était au service d’un notable de Tabriz sous le règne de Shâh Ismâïl Ier (1501-1524), fondateur de la dynastie des safavides, rédigea ce guide cuisine en 1521. L’ouvrage comporte 24 chapitres.

- La substance de la vie, un traité sur l’art de la cuisine est une œuvre en persan de Nourollah, chef des cuisines de la cour du cinquième empereur de la dynastie des Safavides, Shâh Abbâs Ier le Grand (1588-1629) à Ispahan. Ce livre fut rédigé en 1597, c’est-à-dire 76 ans après l’ouvrage de Bâvartchi. Nourollah souligne dans l’introduction de son livre que ses ancêtres travaillèrent dans les cuisines royales des Safavides, dès la fondation de la dynastie par Shâh Ismâïl Ier. Deux exemplaires manuscrits de cet ouvrage sont conservés l’un à l’Université de Téhéran, l’autre à la bibliothèque du Parlement iranien.

Une photographie du XIXe siècle montre la préparation du kebab par un cuisinier ambulant.

Plus tard, vers 1953, le chercheur et érudit iranien Iraj Afshâr (1925-2011) corrigea les deux manuscrits et les fit publier sous une forme réunifiée intitulée La cuisine de l’ère safavide. Les deux ouvrages de l’époque safavide présentent chacun près de 130 recettes. Bien que les recettes de ces deux anciens livres montrent qu’il y a 500 ans, l’art culinaire iranien est nettement différent de ce qu’il est de nos jours, on y trouve aussi que les principes fondamentaux de la cuisine moderne iranienne reposent sur l’évolution qui a commencé effectivement sous le règne des Safavides.

Les recettes comprennent des mesures des ingrédients souvent détaillées pour la préparation des plats, y compris des types d’ustensiles et casseroles à utiliser, ainsi que des instructions pour la décoration et le service. En général, les ingrédients et leurs combinaisons dans diverses recettes ne diffèrent pas significativement de ceux utilisés aujourd’hui.

En outre, les grandes quantités d’ingrédients données pour la plupart des recettes, ainsi que l’usage généreux et abondant des ingrédients de « luxe » comme le safran, suggèrent que ces plats étaient proposés à la cour ou aux grands ménages aristocratiques. Cependant, dans son introduction, Hadji Mohammad-Ali Bâvartchi, auteur de Bulletin de cuisine et d’art culinaire souligne qu’il adressait son livre « à la noblesse ainsi qu’au grand public ». 

Contrairement aux Iraniens modernes qui mangent généralement trois fois par jour (petit-déjeuner, déjeuner et dîner), les Iraniens d’il y a 500 ans ne mangeaient que deux fois par jour, c’est-à-dire le matin et le soir de bonne heure.

Les recherches effectuées sur Bulletin de cuisine et d’art culinaire (1521) et La substance de la vie, un traité sur l’art de la cuisine (1597) prouvent qu’il y eut des évolutions et des changements significatifs pendant les trois quarts de siècle qui les séparent l’un de l’autre.

Dans le premier ouvrage qui date du règne de Shâh Ismâïl Ier, les viandes rouges (essentiellement veau et mouton) sont les ingrédients les plus utilisés dans les recettes. Les repas semblent être plus épicés, alors que les légumes et les céréales (y compris le riz) sont abondamment utilisés pour la préparation des repas. Par contre, les œufs et les produits laitiers ont une très petite part dans la préparation des repas. En général, les plats ont un goût plutôt acide.

Trois quarts de siècle plus tard, le chef des cuisines de la cour de Shâh Abbâs Ier le Grand indique dans son ouvrage un usage sensiblement évolué des mêmes ingrédients. Les céréales (y compris le riz) deviennent les ingrédients les plus utilisés et prennent ainsi la place des viandes rouges. Les plats de riz (polow et chelow) deviennent plus nombreux et plus variés et les plats ont généralement un goût plus doux qu’acide.

 

La consommation du riz est devenue particulièrement populaire à partir du XIXe siècle.

La cuisson du riz

 

1) Kateh

Le kateh est la méthode la plus simple et la plus rapide de la cuisson du riz (plat de riz traditionnel du Guilân). Une fois lavé, le riz est cuit dans un récipient contenant une fois et demie d’eau par rapport à la quantité du riz. Lorsque l’eau est absorbée, de l’huile ou du beurre peuvent être ajoutés et le récipient doit être couvert jusqu’à la fin de la cuisson du riz. Le kateh est consommé à la maison avec des plats à base de viande, du poisson ou des ragoûts (khoresh) de toutes sortes.

 

2) Chelow

 

Le chelow ne diffère pas du kateh par ses ingrédients (riz et un peu d’huile ou de beurre) mais par la méthode de sa cuisson qui prend beaucoup plus de temps et de soins. Lavé à l’eau tiède, le riz est trempé pendant la nuit dans un récipient d’eau un peu salée. Il est ensuite jeté dans de l’eau bouillante pour être étuvé. Égoutté et rincé à l’eau froide pour arrêter sa cuisson, le riz est remis ensuite dans la casserole. La casserole doit être recouverte et placée sur feu moyen puis doux. Ces opérations (trempage, étuvage, cuisson à la vapeur) servent à empêcher les grains de rester collés (contrairement au kateh). Si le riz est cuit à la bonne température pendant un temps bien déterminé, une croûte croustillante et dorée de riz, appelé tahdig, se formera au fond de la casserole. Les Iraniens en raffolent et étant donné la quantité limitée de tahdig par rapport au riz cuit dans la casserole, la question est de savoir comment le partager à la table pour que tout le monde en ait au moins une petite part ! Le chelow est consommé avec les kebabs et la plupart des ragoûts (khoresh).

Autrefois, le chelow consommé avec des ragoûts était souvent le repas domestique préparé traditionnellement par les femmes, tandis que les chelow-kabâb, préparés en partie par les hommes, étaient souvent le plat de prédilection dans les tavernes et les restaurants. Même aujourd’hui, pour beaucoup de gens, aller au restaurant est synonyme de manger du chelow-kabâb.

 

Les fruits séchés sont des ingrédients importants de nombreux plats iraniens. Les abricots séchés sont utilisés dans la préparation du Motandjan, mais aussi pour de nombreux plats dans différentes régions iraniennes.

3) Polow

 

Pour la préparation du polow, le riz est cuit de la même manière que pour le chelow. Mais contrairement au kateh et au chelow, le polow est préparé en mélangeant le riz avec divers ingrédients pendant la cuisson, et il est généralement servi seul. Pour le polow, le riz est cuit d’abord de la même façon que le chelow, tandis que la viande, les légumes, les fruits, les épices, etc., sont frits ensemble, puis placés en couches alternées avec le riz dans la casserole, après le rinçage du riz. Le mélange est ensuite cuit à la vapeur. Parmi les nombreuses préparations de polow figurent : sabzi-polow (avec des herbes), baqla-polow (avec des fèves), adas-polow (avec des lentilles), estânboli-polow (avec de la sauce tomate), âlbâlou-polow (avec des griottes), keshmesh-polow (avec des raisins secs), loubia-polow (avec des haricots verts), ou encore le tahchin (avec du poulet, de l’agneau, etc.). Lorsque le chelow est dans la casserole, la chaleur est réduite et on place un tissu épais ou une serviette sous le couvercle pour absorber l’excès de vapeur.

 

Depuis plusieurs années, la cuisine moderne iranienne s’intéresse aux recettes de l’époque safavide en les adaptant au goût du jour. C’est ainsi que les noms des plats plus ou moins oubliés des deux ouvrages du XVIe siècle Bulletin de cuisine et d’art culinaire (1521) et La substance de la vie, un traité sur l’art de la cuisine (1597) apparaissent dans les nouveaux livres de cuisine en langue persane ou sur le menu de nombreux restaurants qui veulent se distinguer :

L’oignon est utilisé sous diverses formes dans la plupart des ragoûts (khoresh) en Iran.

- Polow Ghoureh (pilaf aux raisins non mûrs)

Ingrédients : viande (mouton), raisins non mûrs, oignons, pois chiches, riz.

- Molama’ Polow (pilaf aux différentes couleurs)

Ingrédients : poulet, raisins verts secs, pistaches, amandes, dattes, figues, pois chiches, baies séchées de Berberis, marrons, riz.

- Jamali Polow (pilaf à la perdrix farcie)

Perdrix (peut être replacée par le poulet), grenade fraîche, raisins verts secs, épices, oignons, riz.

 

* * *

Chelow

 

Riz cuit à la vapeur au safran et à la croûte dorée pour 6 personnes

Temps de préparation : 15 minutes

Temps de cuisson : 1 heure 20 minutes

 

Ingrédients :

4 tasses de riz blanc à grains longs

10 tasses d’eau

2 cuillères à soupe de sel de mer

4 graines de cardamome écrasées

1 cuillère à soupe d’huile essentielle de rose

 

Tah-dig

 

1 tasse d’huile

1 cuillère à café de safran en poudre dissoute dans 4 cuillères à soupe d’eau de rose ou d’eau chaude

2 cuillères à soupe de yaourt nature

1 cuillère à café de graines de cumin (ou graines de nigelle ou graines de coriandre), facultatif

La viande rouge est l’ingrédient incontournable d’un grand nombre de plats iraniens, sans en être souvent l’ingrédient principal.

1) Choisissez un bon riz blanc poli, c’est-à-dire un bon riz iranien à grains longs ou le riz Basmati. Une bonne variante de riz. Un bon riz est vieux d’une année après moisson pour développer pleinement sa saveur.

Lavez le riz en le plaçant dans un grand récipient et en le recouvrant d’eau tiède. Agitez doucement avec votre main, puis videz l’eau. Répétez quatre ou cinq fois jusqu’à ce que le riz soit complètement propre.

Sachez que lorsque le riz lavé est cuit, il dégage un délicieux parfum que le riz non lavé n’a jamais. Après le lavage du riz, il est alors souhaitable (mais non essentiel) de le faire tremper dans 8 tasses d’eau avec 2 cuillères à soupe de sel pendant 2 à 24 heures.

Attention : Faire tremper et cuire le riz avec beaucoup de sel le raffermit assez pour supporter le temps relativement long de cuisson et empêche le riz de se casser pendant la cuisson. Les grains gonflent sans se coller les uns aux autres. Le résultat sera un riz léger et délicieusement moelleux.

 

2) Faites bouillir 10 tasses d’eau dans une casserole antiadhésive à feu vif. Après ébullition de l’eau, ajoutez le sel, la cardamome et l’eau de rose. Versez ensuite le riz lavé et rincé dans la casserole.

 

3) Faites bouillir vivement à feu vif pendant 6 à 10 minutes (selon le type de riz que vous utilisez), en remuant délicatement à deux reprises avec une cuillère en bois pour détacher les grains éventuellement collés au fond. Mordre quelques grains. Le riz est prêt si le riz est moelleux et que tout le riz remonte à la surface de l’eau.

 

4) Égouttez le riz dans une grande passoire à petits trous et rincez-le avec 2 ou 3 tasses d’eau froide.

 

5) Pour préparer une croûte dorée : dans un bol, fouetter ensemble 1 tasse à thé d’huile, 1 tasse d’eau, 2 gouttes d’eau de safran, 2 cuillères à soupe de yogourt, 3 spatules de riz (environ 2 tasses) et les graines de cumin, de nigelle ou de coriandre (facultatif).

 

Si la viande est utilisée dans la préparation du Motandjan d’Ispahan, il est pourtant remplacé par le poulet dans le Motandjan qu’on prépare au Guilân (nord).
La noix en poudre est ajoutée au Motandjan. L’Iran est un grand producteur de noix, mais la majeure partie de la production nationale est consommée à l’intérieur du pays.

6) Étalez le mélange de yogourt et de riz dans le fond de la casserole, secouez-le pour l’équilibrer. Cela aidera à créer une croûte dorée tendre lorsque le riz est cuit.

 

7) Utilisez une spatule pour remettre le riz égoutté à l’intérieur de la casserole. Placez les premières spatules de riz sur le mélange de yogourt et de riz au fond de la casserole. Continuez pour façonner progressivement le riz en pyramide. Cette forme laisse de la place au riz pour s’étendre et s’agrandir.

 

8) Couvrez la casserole et laissez le riz cuire pendant 10 minutes à feu moyen pour former une croûte dorée.

 

9) Versez un mélange d’huile et d’eau sur la pyramide de riz que vous avez réalisée dans la casserole. Arrosez ensuite le riz avec un mélange d’eau et de safran. Enveloppez le couvercle avec un tissu propre et couvrez bien la casserole pour empêcher la vapeur de s’échapper. Faites cuire pendant 70 minutes de plus à feu doux.

 

10) Retirez la casserole du feu. Laissez-la refroidir sur une surface humide pendant 5 minutes sans la découvrir. Cela aide à détacher la croûte du fond de la casserole.

11) Il existe deux façons de démouler et de servir le riz. La première consiste à retourner la casserole de riz sur le plat de service. Le riz va émerger comme un gâteau en croûte d’or.

 

12) La deuxième façon est de prendre d’abord deux cuillères à soupe de riz au safran sur le haut et de les réserver pour la garniture. Se servir d’une spatule pour mettre le riz dans le plat sans détacher la croûte du fond de la casserole. Mettez ensuite du riz au safran sur le plat. Détachez la couche du fond à l’aide d’une spatule en bois. Placez les morceaux de croûte dans un petit plat et servez-les à part ou disposez la croûte autour du plat de riz.

 

Pour préparer le Motandjan, il faut transférer l’ensemble dans une casserole avant d’y ajouter le jus concentré de grenade, les abricots et les raisins rouges séchés.

Le motandjan polow

 

Le motanjan polow est un plat de l’époque safavide. Dans La substance de la vie, un traité sur l’art de la cuisine, Nourollah, chef de la cuisine de Shâh Abbâs, relate que le roi safavide Shâh Tahmasb aimait particulièrement ce repas.

 

Ingrédients :

300 grammes de viande rouge (mouton) coupés en petits morceaux de 1,5 à 2 cm.

16 à 20 abricots séchés

50 grammes de raisins rouges séchés

300 grammes de noix moulue

1 tasse de jus concentré de grenade

2 oignons

3 gousses d’ail

1 cuillère à soupe de sucre

Une quantité suffisante de gingembre en poudre, de sel et de poivre noir en poudre et d’huile.

 

1) Trempez les abricots séchés dans l’eau.

2) Hachez les oignons.

3) Mettez une poêle sur le feu pour frire légèrement les oignons hachés avec un peu d’huile.

4) Hachez les gousses d’ail et ajoutez-les au mélange d’oignons et d’huile dans la poêle.

5) Grillez légèrement les morceaux de viande avec le mélange d’oignons et d’ail dans la poêle. Ensuite, ajoutez un peu de sel, de poivre noir et de gingembre en poudre.

6) Attendez un peu pour que le parfum des épices se fasse sentir. C’est le moment d’y ajouter des noix moulues. Mélangez l’ensemble et attendez que l’huile de noix commence à se dégager.

7) Faites chauffer une casserole sur le feu et transférez le contenu de la poêle dans la casserole. Vous devez y ajouter de l’eau, mais ne versez jamais de l’eau froide sur le repas en préparation. Faites bouillir de l’eau dans la poêle vidée et versez cette eau dans la casserole.

8) Gardez la casserole sur le feu et laissez le repas absorber l’eau et cuire lentement.

9) Pendant les dernières minutes de la cuisson, ajoutez le jus concentré de grenade, les abricots et les raisins rouges séchés.

Bon appétit !

  1. Pourmazaheri, Afsaneh : Les incontournables de la table iranienne, in : La Revue de Téhéran, n° 57, août 2010, pp. 4-9. Accessible à : http://www.teheran.ir/?article1244#gsc.tab=0

 

Le Motandjan d’Ispahan est un plat qui date au moins de l’époque des Safavides.

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