N° 178, hiver 2022

Golpâyegân et son héritage architectural seldjoukide


Babak Ershadi


La plaine de Golpâyegân fut habitée par des groupes humains au moins à partir du Ve millénaire avant notre ère. Quant à la ville de Golpâyegân, des recherches archéologiques prouvent qu’elle fut fondée au Ve siècle av. J.-C. au milieu du règne de la dynastie des Achéménides (550-330 av. J.-C.). Très tôt, la ville se transforma en une grande garnison en raison de la situation stratégique de la plaine de Golpâyegân. Au début de la période islamique, vers le Xe siècle, lorsque le califat des Abbassides dominait la Perse, Golpâyegân était une petite ville prospère. Sous la dynastie turque des Seldjoukides, la ville arriva à l’apogée de son épanouissement, notamment sous le règne de Mohammad Ier (1108-1118) qui fut le septième et le dernier sultan de la branche principale des grands Seldjoukides.

Après l’invasion mongole (1219-1221) et les conquêtes de Tamerlan (1379-1403), Golpâyegân connut une période de déclin. Il fallut attendre le règne du souverain le plus puissant de la dynastie turcomane des Aq Qoyunlu, Ouzoun Hassan (1452-1457), pour que la ville de Golpâyegân reprenne sa prospérité en tant que relais important sur la route caravanière entre Ispahan et Hamadan. Sous la dynastie des Safavides (1501-1736) la ville connut une nouvelle période de prospérité notamment en raison de ses ressources économiques.

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, façade sud de la cour centrale avec des salles construites au XIXe siècle.

L’exemple historique du règne des Seldjoukides et des Safavides nous montre que chaque fois que la ville d’Ispahan fut choisie comme capitale, Golpâyegân vécut une période d’épanouissement et de développement. Aujourd’hui encore, c’est une ville importante de la province d’Ispahan.

Plan de la Mosquée du vendredi de Golpâyegân

Golpâyegân est le chef-lieu d’un département éponyme situé au nord-ouest de la province d’Ispahan. La plaine de Golpâyegân est située dans une région montagneuse où la température peut descendre sous la barrière des -20 C°. Le printemps est la meilleure saison pour y voyager avant que la chaleur (jusqu’à 37 C°) s’étende sur la région. Cependant, même au milieu de l’été, il fait toujours bon dans les zones montagneuses du département où nombreux sont les paysages naturels. La ville de Golpâyegân se situe à une altitude de 1830 m au-dessus du niveau de la mer.

Le département de Golpâyegân est un pôle important d’agriculture et d’élevage de la province d’Ispahan. La ville est surtout célèbre pour ses plantes médicinales, ses marqueteries, ses produits laitiers et notamment ses kebabs succulents. 

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, salle du dôme

 

Mosquée du vendredi :

 

Le haut dôme en brique qui surplombe les toits de la ville montagneuse de Golpâyegân annonce la Grande mosquée (ou Mosquée du vendredi) aux visiteurs qui s’approchent de la ville par l’oasis fluviale environnante.

La mosquée fut bâtie en 1114 sur ordre du sultan seldjoukide, Mohammad Ier, un fils de Malik Chah Ier, qui régna de 1105 à 1118. 

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, entrée principale

Seule une petite partie seldjoukide, couverte d’un dôme, a survécu. Le bâtiment a pris sa forme actuelle lorsqu’une cour et quatre iwans ont été ajoutés au bâtiment sous la dynastie des Qadjar au XIXe siècle.

En entrant dans la Mosquée du vendredi, le bâtiment se présente comme un complexe plutôt modeste, à l’exception de la salle principale du dôme qui est la partie la plus ancienne de l’édifice. Cette salle se distingue du reste de la mosquée par ses décorations architecturales, avec des motifs en briques et des ornements en stuc.

Sur cet édifice, deux éléments caractéristiques de l’art islamique peuvent être observés tout de suite : des muqarnas en rangées régulières ornant des trompes du dôme, et des inscriptions en coufique carré.

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, décoration en briques émaillées

Les muqarnas sont des éléments de décoration en forme de stalactites géométrique et le coufique est l’un des styles les plus anciens de calligraphie arabe largement utilisés dans les ornements de monuments religieux. 

La Mosquée du vendredi de Golpâyegân est un édifice aux normes architecturales remarquables, qui a connu de nombreux changements au cours des neuf derniers siècles. En outre, selon les experts, les études architecturales de la Mosquée du vendredi de Golpâyegân peuvent contribuer à clarifier des questions primordiales concernant l’histoire de l’architecture religieuse en Iran.

Un projet de recherche sur la Mosquée du vendredi de Golpâyegân a été mené dans le cadre d’une coopération entre les départements d’archéologie et d’architecture et d’urbanisme de l’Organisation iranienne du patrimoine culturel et du tourisme et un groupe d’archéologues et d’architectes de l’Université Otto-Friedrich de Bamberg (Bavière, Allemagne) à la fin de l’hiver 2007.

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, décoration de l’époque seljoukide

Parmi les mosquées seldjoukides dotées d’une salle couverte d’un dôme, la Mosquée du vendredi de Golpâyegân occupe une position importante en raison de son ancienneté. La date de 508 de l’hégire (1114-1115), inscrite sur le cadre inférieur du mihrab, a été découverte il y a une vingtaine d’années.

Cette date place le dôme de cette Mosquée du vendredi à environ vingt ans après les premières salles de dômes impressionnantes du dôme de la Mosquée du vendredi d’Ispahan. Le dôme de Golpâyegân serait ainsi contemporain de la salle du dôme de la Mosquée du vendredi de Qazvin, et bien avant les dômes seldjoukides de Barsiyân (département d’Ispahan) d’Ardestan (à environ 110 km au nord-est d’Ispahan) et de Boroujerd (province du Lorestan), pour ne citer que les exemples les plus importants.

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, décoration de l’époque seljoukide

En ce qui concerne sa position générale dans l’ensemble de la structure de la mosquée, la salle du dôme de la Mosquée du vendredi de Golpâyegân apparaît clairement séparée des parties adjacentes. Les salles voûtées entourant la cour centrale, ainsi que les deux portes d’entrée existantes, peuvent être datées du début de la période de la dynastie des Qadjar vers le début du XIXe siècle.

De même, deux murs perpendiculaires à l’avant de la salle du dôme, tout comme les murs latéraux d’un iwan, appartiennent à cette phase de construction au XIXe siècle, tandis que la salle du côté opposé de la cour a été remplacée par une construction moderne en béton. Il y a une distinction nette entre les parties appartenant aux époques seldjoukides (XIIe siècle) et Qadjar (XIXe siècle).

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, décoration de l’époque seljoukide

L’étude architecturale de la Mosquée du vendredi de Golpâyegân a visé une documentation exacte de la substance existante, une analyse des principes de construction et une reconstitution plus détaillée de l’histoire du bâtiment. Des plans au sol exacts de l’ensemble de la mosquée et de la salle du dôme ont été dessinés. Les archéologues et les architectes ont mené également une enquête sur les structures urbaines environnantes.

L’architecte de la salle du dôme a travaillé avec une précision admirable. Les recherches indiquent qu’une légère inclinaison de deux piliers, apparemment due à des inégalités dans leurs fondations, a été corrigée au cours de la construction, de sorte que les parties supérieures de l’édifice reposent sur un carré parfait.

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, mihrab

Certains éléments du plan vont à l’encontre de la symétrie, sans perturber l’harmonie d’ensemble de l’architecture. Il est évident que l’architecte a dû respecter une construction existante à côté de l’angle sud de la salle du dôme. De cette façon, le contrefort arrondi à ce coin, c’est-à-dire le mur servant d’appui au mur de la salle, s’avère être le dernier vestige d’un minaret ancien qui appartenait à une phase antérieure de la mosquée.

Au cours des périodes ultérieures, la mosquée n’a pas toujours été entretenue de manière régulière. Ceci est indiqué par de fortes traces de suie sur différentes parties de la salle du dôme, prouvant l’existence d’un foyer qui a été construit à l’intérieur de la mosquée pendant une certaine période. À partir du XIXe siècle, plusieurs reconstructions et restaurations ont apporté des changements dans la Mosquée du vendredi de Golpâyegân.

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, décoration du dôme

Les recherches confirment l’idée selon laquelle la mosquée a été utilisée à des fins différentes à un moment donné, probablement à la fin de la période des Safavides, pendant la première moitié du XVIIIe siècle. Deux pièces en argent de la période timouride (1370-1506) ont été découvertes à des couches de remplissage ultérieures et ne sont donc pas concluantes pour une datation exacte.

Les décorations en stuc sont les éléments les plus importants des phases les plus anciennes de la mosquée. Ces décorations qui peuvent en partie être attribuées à la phase de construction initiale de la salle du dôme sous la dynastie des Seldjoukides.

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, façade nord

Typiques de l’époque, ces décorations en stuc contiennent des quadrillages, des formes géométriques et des feuilles. Les bouchons de stuc utilisés entre les briques sont également caractéristiques.

Certains éléments semblent cependant dater d’une construction pré-seldjoukide. Parmi eux, une petite demi-palmette (ornement en forme de feuille de palmier) s’apparente aux éléments de l’époque de la dynastie bouyide (945-1055) de la Mosquée du vendredi d’Ardestan.

Des preuves claires de l’existence d’une telle mosquée pré-seldjoukide ont été déterrées par les archéologues dans la salle du dôme. Il s’agit des fondations d’un pilier, qui a manifestement été rasé pour ouvrir la voie à la construction de l’époque seldjoukide (1114-1115).

Mosquée du vendredi de Golpâyegân, éléments de décoration en stuc

Alors que les fondations ont un plan carré, les piliers eux-mêmes semblent avoir été cylindriques. Cela a été prouvé par un nombre considérable de briques en forme arrondie qui ont été découvertes dans les couches inférieures de la salle du dôme de l’époque seldjoukide ou ont été utilisées pour paver le sol, évidemment en usage secondaire.

On peut en conclure que la mosquée pré-seldjoukide de Golpâyegân a suivi le type de salle hypostyle avec un plafond soutenu par des colonnes. D’après le style des fragments de stuc, cet édifice peut probablement être daté du IVe siècle de l’hégire (Xe siècle). Selon des experts, des traces d’une phase de construction encore plus ancienne peuvent être vues dans les restes de briques crues qui étaient visibles dans les couches inférieures des sondages.

Le minaret de Golpâyegân

Ainsi, les archéologues et les architectes estiment que le tableau général de la Mosquée du vendredi de Golpâyegân se présente assez semblable à celui de la Mosquée du vendredi d’Ispahan. À Ispahan, la mosquée de l’époque de la dynastie bouyide, avec sa salle hypostyle aux piliers richement décorés, avait été en partie rasée pour dégager l’espace de la salle du dôme seldjoukide devant le mihrab, en 479-480 de l’hégire (1086-1087).

La situation dans les parties latérales et côté cour de la mosquée est moins claire. Aucune fondation de pilier n’a été mise au jour par les sondages dans ces parties. D’autre part, il existe des indications claires de constructions antérieures en briques crues dans ces zones latérales. Pour les murs de l’« iwan », la question reste ouverte de savoir s’ils ont été construits sur des fondations de la période seldjoukide. On ne sait pas non plus s’ils étaient en fait destinés à supporter une voûte de l’iwan de grande portée, ou si une forme différente de toiture était prévue d’avance. À Ispahan, en revanche, il est clair que l’iwan était une réflexion après coup, puisque la façade extérieure de la salle du dôme montre des traces de sa décoration de façade antérieure. On suppose généralement que l’iwan qui indique la direction de La Mecque, ainsi que les autres iwans, a été construit après un incendie qui a détruit une partie de la mosquée, et que l’on peut dater de 515 de l’hégire (1121). Si les fondations de l’iwan de la Mosquée du vendredi de Golpâyegân remontent à l’époque de la dynastie des Seldjoukides, cela indiquerait que la combinaison de la salle du dôme et de l’iwan était déjà solidement établie au début du VIe siècle de l’hégire (XIIe siècle).

Le minaret de Golpâyegân

Minaret de Gôlpâyegân :

 

Bien que ce monument soit connu sous l’appellation de minaret, c’est en réalité un mil (tour, en persan), c’est-à-dire une tour de guidage destinée à indiquer la bonne route aux caravaniers, notamment pendant la nuit, par le feu allumé à son sommet.

Aucune inscription sur le bâtiment ne permet de renseigner la date de sa construction. Cependant, les experts le datent de la période seldjoukide (XIe-XIIe siècles) par l’analyse de ses matériaux de construction, de sa technique de construction et des dimensions des briques.

Aujourd’hui, le minaret seldjoukide de Golpâyegân est un monument isolé au milieu d’un quartier ancien de la ville, mais les chercheurs estiment qu’il faisait partie autrefois d’un ensemble de bâtiments dont aucun n’a survécu.

Mil de Nourâbâd, construit sous la dynastie parthe des Arsacides

Haut de 18 mètres, ce minaret était l’un des plus hauts minarets de tout le pays à l’époque de sa construction. Il s’élève sur une base octogonale. Il y a des niches, avec des arcs en ogive sur chaque façade de l’octogone, décorées avec des motifs géométriques. Sur le corps du minaret, il y a des bandes ornées de motifs géométriques créés par différents agencements de briques.

L’inscription coufique du monument, juste au-dessus de la base, ne comporte aucune date, mais comprend quelques versets du Coran. 

Des losanges recouvrent le corps comme une natte de jonc. Les rangées de briques en forme de pilier, partant de la base, sont placées verticalement. Ils se connectent les uns aux autres à intervalles, en forme d’arc en fer à cheval. Une rangée de briques dans chaque arc, au niveau de la clé de voûte, relie un gros élément en losange aux murs principaux. À l’intérieur, il y a deux escaliers de 64 marches qui mènent au sommet du minaret.

Le minaret de Golpâyegân, servant également de « Mil » (tour, en persan), guidait les caravaniers et une lumière était allumée au sommet du minaret à cet effet. La porte sud du bazar de Chahar Sough était située devant le minaret.

Mil de Firouzâbâd construit à l’époque de la dynastie des Sassanides

 

* * *

 

Le mil ou la tour de guidage est une construction semblable aux minarets des mosquées destinée à indiquer la bonne route aux passagers ou aux caravanes par le feu allumé à son sommet afin que les caravaniers puissent le voir la nuit et trouver leur chemin. Son histoire en Iran remonte à l’Antiquité préislamique.

De nos jours, il existe encore plus de cinquante tours de guidage à travers l’Iran appartenant à différentes périodes historiques, qui ont été spécifiquement construites dans le but de guider les caravaniers.

Les vestiges du mil le plus ancien du pays se trouvent à sept kilomètres de la ville de Nourâbâd (province du Fars). Cette tour de guidage, appelée « Mil du dragon » fut construite sous la dynastie parthe des Arsacides (250 av. J.-C.-224 de notre ère). Contrairement aux tours de guidage de la période islamique construites en briques, ce mil antique fut construit en pierre. 

L’exemple le plus célèbre des mils de l’époque de la dynastie des Sassanides (224-651), se trouve au centre de la plus ancienne capitale des Sassanides, la ville de Gour, située tout près de Firouzâbâd moderne (province du Fars). Le monument imposant fut construit sur ordre d’Ardashir Ier (224-241), fondateur de la dynastie. La ville qu’Ardashir fit construire avait un plan circulaire et la tour se trouvait au centre. 

Pendant la période islamique, le plus grand nombre de tours de guidage fut construit sous la dynastie des Seldjoukides. Les tours de cette période furent construites en briques. Près des tours, des bâtiments ont parfois été édifiés, notamment pour réserver de l’eau (citernes), mais le plus souvent, les mils étaient des bâtiments isolés sans aucune construction annexe.

Le Mil Naderi, construit en plein désert de Lout, fut construit sur une route caravanière, sur ordre de Nader Chah (1736-1747). La tour a 17 mètres de haut et se situe à une centaine de kilomètres de la ville de Bam (province de Kermân).


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