N° 4, mars 2006

L’énergie, enjeu du XXIème siècle


Maaike Bleeker


"Les grandes puissances ont toujours été en concurrence pour la quête des ressources fossiles, mais il semble que la lutte pour s’approprier les dernières réserves soit plus que jamais acharnée. Cette compétition sera un des thèmes clé de la géopolitique de ce vingt et unième siècle."

Dixit Paul Roberts dans un article du " Washington Post. " Il se base sur la croissance de la demande enregistrée dans des pays comme le Brésil, l’Inde et surtout la Chine pour prédire que la demande aura doublé d’ici l’an 2020.

Le journal " Oil and Gas " dans son numéro d’avril 2005, présente l’Iran, avec ses quelques 125,8 milliards de barils, comme le deuxième pays en réserve pétrolière au monde. L’Arabie Saoudite, avec ses 260 milliards de barils, est incontestablement numéro un dans le domaine. L’Irak, qui en détient 115 milliards, occupe la troisième position. Il n’est donc pas étonnant que l’Iran soit convoité par des pays dont le développement est irrémédiablement lié à un approvisionnement en énergie.

L’exploitation de l’or noir en Arabie Saoudite tourne à plein régime et les experts doutent que ce pays puisse augmenter, dans les vingt prochaines années, de manière significative sa production, estimée aujourd’hui à dix millions de barils par jour. En revanche, l’Iran a un excellent potentiel de croissance ; à l’heure actuelle, ce pays produit environ quatre millions de barils par jour et a comme objectif d’élever sa production à sept millions dans les années à venir. "Ce potentiel accroît l’importance de l’Iran en tant que pays exportateur." souligne Mikel T. Klar, analyste de la revue " Tomdispatch. " Cette prérogative ne se limite pas au pétrole ; l’Iran abrite de fabuleux gisements de gaz. Alors que le besoin en gaz augmente plus rapidement que le pétrole, l’Iran détient dans ses sous-sols quelques vingt-huit trillions de mètres cubes de gaz qui représentent environ 16% de la totalité des réserves mondiales ; seule, la Russie peut prétendre à mieux.

L’embargo imposé par les Américains depuis 1995 a de toute évidence nui à leurs propres intérêts. Les grands contrats signés avec la société Total pour le développement des sites gaziers, notamment "Pars Sud" et ceux signés avec d’autres sociétés pétrolières qui ont défié l’embargo n’en est qu’un exemple. L’agence d’information pétrolière chinoise " Chana " présente aujourd’hui l’Iran comme le premier fournisseur de son brut. Jusque là, c’était l’Arabie Saoudite qui approvisionnait l’essentiel des besoins de plus d’un milliard deux cents millions de Chinois. "Chana" écrit : " L’achat de pétrole iranien, au mois d’octobre 2005, était de 39,66% supérieur au mois de septembre. En comparaison avec le mois d’octobre 2004, ces achats se sont accrus de 85,14 %. " Selon Mikel T. Klar " Il ne fait aucun doute que les grandes compagnies d’énergie américaines rêvent ces jours de participer à l’exploration et à l’exploitation de ces ressources si précieuses, mais l’embargo commercial signé par le président Clinton en 1995 et renouvelé par la suite par Georges W. Bush, leur interdit toute collaboration. En dépit des lois internationales, le gouvernement américain se permet même de sanctionner tout pays qui participe à des projets dans le domaine de l’énergie en Iran. Sur le terrain, l’embargo n’a pu empêcher de nombreux consortiums et sociétés à prendre part aux différents projets de développement du secteur. " Selon les statistiques du département américain de l’énergie (D.O.E ), en 2003, 14% de l’importation chinoise de pétrole était d’origine iranienne.

Pour une diversité géographique des ressources

La stratégie dominante est d’essayer de diversifier au maximum les points d’approvisionnement. Ces dernières années, la Chine et le Japon mènent une lutte sans merci afin de négocier des droits sur le pétrole de la Sibérie. Aujourd’hui, la Russie hésite à vendre son pétrole, par l’intermédiaire d’un gazoduc long de 2.240 km, à la Chine (la future superpuissance) ou de l’acheminer 3.860 km plus loin, en bordure de la côte japonaise (un des pôles industriels actuels.) L’enjeu est si important que le Japon offre les cinq milliards de dollars nécessaires à la construction du gazoduc, ainsi qu’un investissement de sept milliards de dollars dans le développement des réserves pétrolières de la Sibérie. Ajoutez à ceci deux autres milliards pour soutenir " des projets sociaux. " Si Tokyo gagne ce pari, sa relation, déjà froide en ce moment avec Pékin, pourrait atteindre son pic le plus glacial depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

D’autres sites riches en pétrole sont également convoités. La mer Caspienne, située entre cinq pays limitrophes, représente un des points chauds dans ce domaine. En Asie centrale, l’Iran, cette fois en compagnie de la Russie, de l’Azerbaïdjan, du Turkménistan et du Kazakhstan négocient encore l’exploitation et la répartition de cette zone pétrolifère. " En Afrique, l’attrait des réserves pétrolières de pays comme le Nigeria, le Cameroun et le Tchad, a suscité la création d’un réseau de base militaire ou de programmes politiques particuliers. " affirme le " Washington Post. " Mais, pour étancher cette soif inextinguible, le Moyen-Orient est une région incontournable puisqu’elle détient les réserves les plus importantes garantissant encore pendant des décennies l’énergie fossile indispensable au développement industriel mondial.

SINOPEC, une grande société pétrolière chinoise, a signé un important contrat avec l’Iran s’étalant sur vingt-cinq ans. Selon le protocole, la Chine participera au développement des grands sites gaziers de l’Iran et achètera du gaz GNL. Ce serait l’un des plus grands investissements chinois en dehors de ses frontières ; ce qui signifie un choix stratégique et implique un renforcement des relations entre les deux pays.

Après la Chine, l’Inde est un autre client de l’Iran. Ce pays se distingue par sa formidable progression industrielle. En janvier, la société " Gas Authority of India Ltd.GAIL " a signé un contrat avec la société nationale d’exportation de gaz de l’Iran. Le contrat stipule l’achat annuel d’environ cinq millions de tonnes de gaz pendant vingt-cinq ans pour un montant de 22 milliards de dollars. La péninsule est en pleine négociation pour le développement du site "Yâdâvaran. " dans la province de Khouzestan. L’Inde et le Pakistan peaufinent les dernières clauses d’un contrat pour la mise en place d’un gazoduc qui acheminerait le gaz iranien jusqu’en Inde, en traversant le Pakistan. Désormais connue sous l’appellation de " la ligne de paix", ce gazoduc alimenterait les deux pays hostiles et permettrait au Pakistan de bénéficier d’environ trois cents millions de dollars de taxe annuelle de transit. Showkat Aziz, premier ministre pakistanais, a déclaré : "Dans ce projet, tout le monde est gagnant ; l’Iran, l’Inde et le Pakistan. " Bijan Nâmdor Zanganeh, ex-ministre du pétrole en Iran, a annoncé au printemps 2005, que l’industrie du pétrole et du gaz iranien aura besoin d’injecter 30 milliards de dollars dans les dix années à venir pour pouvoir produire sept millions de barils de pétrole par jour et en même temps, répondre aux 20% de la demande mondiale en gaz.

Atteindre un tel objectif peut paraître fantastique, voire irréel, mais la République Islamique, dans son programme intitulé "Panorama pour les vingt ans à venir", l’envisage de manière très sérieuse.


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