N° 126, mai 2016

Les points chauds de biodiversité et les espèces animales en danger d’extinction au nord-ouest de l’Iran


Bahman Noghreh Alizâdeh*
Traduit par

Minâ A’lâyi, Zeinab Golestâni


Durant les deux derniers siècles, les activités humaines ont suscité des changements fondamentaux dans la nature. Si certains se sont avérés positifs, la majorité a entraîné une destruction de l’environnement et d’écosystèmes entiers. Certains endroits ont cependant été largement préservés et bénéficient d’une grande diversité biologique, malgré leur superficie restreinte. Ces lieux, qui se font de plus en plus rares, sont appelés "points chauds" (hotspots en anglais) ou "points chauds de biodiversité". A une échelle mondiale, ces endroits ont besoin d’une protection et surveillance particulières. La réduction de la superficie de ces régions à moins de 10% de leur superficie d’origine renforce la nécessité de leur protection. Jusqu’à présent, 34 points chauds sont officiellement reconnus dans le monde. Étant donné les conditions climatiques et topographiques diverses de l’Iran ainsi que l’abondance des espèces biologiques que le pays abrite, deux régions font partie de ce réseau. Nous allons ici présenter ces points chauds de la diversité biologique iranienne, pour ensuite évoquer deux espèces animales du nord-ouest de l’Iran menacées d’extinction, ainsi que les solutions permettant de protéger ces espèces rares.

Coq de bruyère (lyrurus mlokosiewiczi)

Le point chaud irano-anatolien a une superficie inférieure à 900 000 km2, avec moins de 135 000 km2 de flore ayant survécu. Au nord-ouest, le point chaud irano-anatolien recouvre le massif du Zagros jusqu’à la réserve biologique du mont Geno [1], et le massif Alborz jusqu’aux monts Kopet-Dag au Turkménistan. Ce point chaud rassemble 2500 espèces végétales, trois espèces de mammifères et deux espèces d’amphibiens qui sont menacées ou en voie d’extinction. Cet espace rassemble en moyenne 58 individus au km2 ; la superficie des zones protégées de ce point s’étendant à plus de 56 000 km2. Ses régions les moins élevées sont les collines de Kopet-Dag et l’ouest du massif du Zagros qui atteignent une hauteur de 300 mètres, tandis que les régions les plus élevées de ce même point sont les volcans d’Ararat en Turquie et de Damâvand dans le massif Alborz qui ont respectivement une hauteur de 5165 et 5671 mètres. Le plateau d’Anatolie s’étend jusqu’à la frontière de l’Arménie et l’ouest de l’Iran. Sa hauteur varie de 800 à 2000 mètres. Du point de vue du climat, les étés sont chauds et les hivers très froids. Les précipitations moyennes annuelles varient de 100 à 1000 millimètres. Parmi les mammifères particuliers de ce point chaud figure l’écureuil iranien.

Hotspot de biodiversité en Iran marqué par un cercle

Le point chaud du Caucase rassemble une zone s’étendant du nord-est de la Turquie, presque toute la Géorgie, une grande partie de l’Azerbaïdjan, et enfin une partie de l’Arménie et de la Russie près des côtes de la mer Noire. Ce point chaud recouvre une partie des forêts d’Arasbârân, de Tâlesh et les bandes côtières de la mer Caspienne, jusqu’à la frontière des forêts du Golestân. Ce point du Caucase a une superficie de plus de 532 600 km2 et il ne reste de sa flore qu’une superficie de moins de 144 000 km2. Jusqu’à présent, on y a recensé 1600 espèces végétales.

Réserve biologique du mont Geno

Cette région compte au moins deux espèces de mammifères et deux espèces d’amphibiens menacées d’extinction. La densité démographique de ce point chaud est de 68 individus par km2, et la superficie de l’ensemble de ses régions protégées atteint plus de 42 700 hectares. Cette région jouit d’une diversité climatologique assez grande ainsi que de précipitations annuelles de 150 à 4000 millimètres. Le point chaud caucasien possède divers écosystèmes et une flore variée. La partie septentrionale du Caucase est entourée d’un écosystème de steppes et de prairies.

Réserve biologique du mont Geno

Comme nous l’avons constaté, étant donné la diversité écologique et le type de nourriture des espèces végétales et animales dans le monde, les points chauds font partie des zones biologiques les plus riches et importantes. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de connaître la nature et le rôle écologique de l’ensemble des espèces végétales et animales et leurs relations réciproques avec l’environnement, afin de pouvoir protéger au mieux ces zones. Cependant, au regard de la diversité des espèces végétales existant dans cette région, nous nous limiterons à présenter deux espèces animales que sont le coq de bruyère et le léopard iranien, toutes deux menacées d’extinction. Ces deux espèces sont originaires de l’Azerbaïdjan de l’est et se trouvent dans le nord-ouest de l’Iran.

Le coq de bruyère (lyrurus mlokosiewiczi) est l’une des espèces animales les plus importantes en voie d’extinction. Il est originaire d’Azerbaïdjan de l’est et peuple depuis des siècles les forêts d’Arasbârân, avec la couleur sans pareil de son plumage.

 

Réserve biologique de l’Alborz central

Le coq de bruyère ne se trouve pas seulement en Iran, mais aussi dans différentes parties du monde dont les régions orientales d’Europe et des pays tels que la Géorgie, la Russie, la Turquie, l’Azerbaïdjan ou encore l’Arménie. Il mesure de 40 à 84 centimètres et fait partie de la catégorie des grands oiseaux. Le plumage du mâle est noir, avec des reflets bleu-vert. Sous ses ailes courbées vers l’intérieur, à côté de sa queue fourchue et sur ses ailes se trouve du blanc, tandis qu’une tache rouge ressemblant à une crête se trouve au-dessus des yeux. La femelle est plus petite que le mâle et possède de multiples raies transversales foncées sur ses ailes rousses. Le ventre de la femelle est gris, le bout de sa courte queue est rectangulaire et la crête au-dessus de ses yeux n’est pas très visible. Le coq de bruyère mâle d’Arasbârân pèse de 800 à 1000 grammes et la femelle 800 grammes. Le nombre des œufs varie de 4 à 8 à chaque ponte.

L’écureuil iranien

Du point de vue des codes de la protection nationale de l’environnement, le coq de bruyère fait partie des espèces en voie d’extinction et du point de vue international, c’est une espèce menacée, d’où l’interdiction de sa chasse. Malgré l’importance de cette espèce dans plusieurs régions du monde, peu d’attention a été portée au coq de bruyère, et les recherches le concernant sont rares - et ce malgré son statut d’espèce menacée. Une exception existe cependant : en partenariat avec la section environnement de l’UNESCO, deux spécialistes internationaux ont réalisé des recherches à propos de son habitat, de sa dispersion et de sa situation. Les résultats de cette étude ont été publiés en 2002. La zone d’Arasbârân, qui est enregistrée à l’UNESCO, est un de ses habitats. Elle se trouve dans la ville de Kaleybar qui est une zone protégée, et couvre une superficie de 27 564 hectares, dont 20 000 conviennent à la vie et à l’habitat du coq de bruyère. Les gardes forestiers et les pêcheurs locaux ont confirmé la présence de cette espèce dans deux endroits de la zone protégée d’Arasbârân, Duqroune [2] et Kelen [3].

Coqs de bruyère (lyrurus mlokosiewiczi)

Concernant la reproduction de cette espèce, les parades nuptiales commencent à la fin du mois de mars et continuent jusqu’à fin avril. Le coq de bruyère pond en moyenne de 4 à 8 œufs de début mai à début juin. Après une période de couvaison de 20 à 42 jours, la femelle sort accompagnée de ses petits. Aucune information récente au sujet du nombre actuel de coqs de bruyère n’est disponible. Parmi les facteurs essentiels qui les menacent en tant qu’espèce rare, nous pouvons citer la pâture excessive du bétail dans l’habitat de cette espèce, la destruction des forêts, et la destruction des pâturages au sein de l’habitat de cet oiseau par les habitants locaux.

Réserve biologique de l’Alborz central

Le léopard iranien, sous-espèce de la panthera pardus saxicolor, fait aussi partie des espèces en danger d’extinction. Vivant en grande majorité en Iran, on peut également voir des membres de cette sous-espèce dans les chaînes de montagnes de Kopet-Dag, au Turkménistan, dans le Caucase, au Tadjikistan, en Ouzbékistan, en Arménie, en Afghanistan, dans une partie de la Turquie, et peut-être dans le Kurdistan irakien. Pourtant, nous ignorons aujourd’hui le domaine de dispersion de cet animal, et cela du fait du manque d’information nécessaires sur la dispersion et les variations interspécifiques de ce félin remarquable. Il est cependant évident qu’un vaste territoire géographique dont l’Iran se trouve au centre est caractérisé par la présence de cet animal. Le léopard iranien est considéré par les chasseurs comme étant l’un des plus beaux félins au monde, dont la disparition prochaine est souvent annoncée par les spécialistes.

 

Réserve de biosphère d’Arasbârân

En tant que plus grand félin prédateur d’Iran, le léopard a assumé pendant des années le rôle de régulateur de la faune iranienne. C’est pourquoi sa disparition provoquerait une catastrophe écologique réelle pour le pays. Aujourd’hui, les traces de cet animal subsistent dans presque toutes les zones de l’Azerbaïdjan oriental.

Guépard d’Iran

Du fait des nombreuses chasses dont il a été l’objet, les régions montagneuses et dans certains cas très difficiles d’accès de l’Azerbaïdjan oriental sont pour le léopard iranien un abri permettant la préservation de son espèce. S’efforçant de définir le statut biologique du léopard iranien, les spécialistes de la faune de l’Administration de l’Environnement de l’Azerbaïdjan oriental présentent des statistiques selon lesquelles 50 léopards seraient présents dans cette province, bénéficiant selon eux d’un écosystème propice à cette espèce. On le retrouve donc dans l’aire protégée d’Arasbârân, ainsi que dans la réserve naturelle de Kiâmaki, qui serait l’une des meilleures zones lui permettant de survivre. Ainsi la réserve naturelle de Kiâmaki abrite-t-elle aujourd’hui près de dix léopards. De plus, le léopard mâle empêche l’entrée de tout autre léopard mâle sur son territoire. Le léopard mâle d’Afrique occupe un territoire de 500 hectares, alors que le territoire du léopard de l’Asie de Sud-Est s’étend parfois sur une surface allant jusqu’à 30 000 hectares. La taille de ce territoire en Azerbaïdjan oriental est de 5000 hectares dans les aires protégées, et de 10 000 hectares dans les zones libres.

Réserve naturelle de Kiâmaki

 

Le léopard iranien ne chasse que pendant la nuit. Durant une semaine, il ne fait qu’une chasse importante et une autre de moindre envergure. Ne se livrant à la chasse que selon ses besoins, ce félin ne décime pas les troupeaux. Le mouton forme l’essentiel de sa nourriture, même s’il lui arrive également de manger du sanglier. Redoutable prédateur, cet animal fait preuve d’une grande habileté à se camoufler, ainsi qu’à varier sa nourriture en fonction de son habitat, d’où vient sa notable capacité d’adaptation comparée à d’autres félins tels que le lion ou le tigre. La présence du léopard est confirmée dans l’ensemble de l’Iran, sauf dans la province de Hamedân. La croissance de la population de cet animal qui, à l’exception de certains cas exceptionnels, n’attaque pas l’homme, ne présente d’ailleurs aucun danger pour l’être humain. Durant les trente dernières années, aucun cas d’attaque par un léopard n’a été rapporté. D’autre part, l’abondance de la nourriture en Azerbaïdjan oriental permet d’éviter des menaces telles que l’attaque du bétail élevé dans les campagnes. Dans cette perspective, la destruction de l’habitat du léopard est le facteur le plus important de la possible extinction de son espèce. Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), la disparition de 75% des oiseaux et des mammifères depuis 1600 est due à l’homme.

Léopard iranien, Parc National du Golestân. Photo : Mohammad Shakibâ

L’extinction des espèces animales peut être issue de nombreuses activités humaines telles que la destruction ou la perturbation de l’habitat, l’exploitation de la faune en vue du commerce, le contrôle des espèces connues comme étant des organismes nuisibles, la pollution de l’environnement, le développement de parasites, ou encore l’accroissement des constructions humaines. De plus, des facteurs naturels comme les changements climatiques et la diminution de la nourriture d’une espèce animale du fait de la disparition d’autres espèces de la même chaîne alimentaire, entraînent dans certains cas la décroissance de la population d’une certaine espèce, et en dernier lieu son extinction totale.

Réserve naturelle de Kiâmaki

Un animal en danger d’extinction requiert donc une attention particulière, sinon cette régression peut mener à la disparition totale de l’espèce. Sa préservation nécessite donc des décisions pragmatiques non seulement de l’Etat, mais aussi des organisations non gouvernementales. La création de réserves naturelles protégées constitue de fait l’une de ces initiatives réussies permettant de préserver diverses espèces animales dans leur propre habitat et de les éloigner des chasseurs et d’autres menaces extérieures. En conclusion, la protection de l’environnement constitue un enjeu mondial dont la nécessité est renforcée dans les zones appelées hotspots, et cela à cause de leur influence sur la biodiversité de la planète.

* Titulaire d’un master en écologie

Notes

[1گنو

[2دوغرون

[3کلن


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