N° 68, juillet 2011

Le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh à Qom


Djamileh Zia


Le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh [1], au centre de la ville de Qom, est l’une des plus fréquentes destinations de pèlerinage en Iran. Qom est une ville de transit, située au carrefour des routes allant dans toutes les directions et reliant les régions du nord, du sud, de l’est et de l’ouest de l’Iran.
Ainsi, les voyageurs qui arrivent à Qom profitent d’une courte halte pour se rendre au mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh et y prier.

Le dôme et quatre des minarets du mausolée de
Hazrat-e Ma’soumeh

Tous ceux qui passent par Qom ou habitent dans cette ville se rendent régulièrement au mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh, qui est le lieu de pèlerinage le plus important à Qom [2] et le deuxième lieu de pèlerinage important de l’Iran après Mashhad. C’est une coutume iranienne que de se rendre régulièrement sur la tombe des gens que l’on chérit ou que l’on vénère. Hazrat-e Ma’soumeh a été très vénérée tout au long des siècles qui ont suivi son décès, et plusieurs souverains ont soutenu des projets de construction qui ont ajouté de la splendeur à son mausolée.

Les circonstances de la mort de Hazrat-e Ma’soumeh

Hazrat-e Ma’soumeh était la fille du septième Imâm des chiites duodécimains (Imâm Moussâ Kâzem), la sœur du huitième Imâm des chiites duodécimains (Imâm Rezâ), et la tante du neuvième Imâm des chiites duodécimains (Imâm Javâd). La date de sa naissance n’est pas connue avec certitude, mais la plupart des historiens estiment qu’elle est née en 173 de l’Hégire (789) [3] à Médine. Elle était enfant quand son père fut empoisonné dans une prison à proximité de Bagdad par ordre du calife abbasside Haroun al-Rashid en 183 de l’hégire (799). Elle grandit sous la protection de son frère, l’Imâm Rezâ, à Médine. En l’an 200 de l’Hégire (815), l’Imâm Rezâ reçut l’ordre d’aller vivre auprès de Ma’moun, calife abbasside qui régnait à Marv. [4] Un an plus tard, Hazrat-e Ma’soumeh entreprit un voyage pour rejoindre son frère. Elle tomba malade au cours du voyage, alors qu’elle était arrivée à Sâveh, à proximité de Qom. L’un des dignitaires de Qom, Moussâ Ibn Khazraj Ash’ari, alla au devant d’elle et l’amena chez lui. [5] Elle fut alitée pendant dix-sept jours et décéda au domicile de Moussa Ibn Khazraj. Elle était alors probablement âgée de 27 ans, et ne s’était jamais mariée. Elle fut enterrée dans un jardin qui appartenait à Moussâ Ibn Khazraj, en dehors de la ville, près de la rivière de Qom. Celui-ci bloqua la vente de ce jardin et en fit un waqf [6] pour qu’il devienne un cimetière public. Le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh, situé dans ce lieu, fut en dehors des murs de Qom au moins jusqu’à l’époque des Safavides. Au cours de ces derniers siècles, les habitants de Qom ont construit leur domicile à proximité du mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh, qui est devenu de ce fait le centre de la ville, tandis que les anciens quartiers situés à l’est de la ville ont été dépeuplés.

Les ornements du plafond du mausolée de
Hazrat-e Ma’soumeh et du haut du
zarih qui entoure sa tombe

Le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh

Après l’inhumation de Hazrat-e Ma’soumeh, Moussâ Ibn Khazraj mit un auvent tissé en natte au-dessus de sa tombe pour faire de l’ombre. Cet auvent a probablement existé jusqu’au milieu du troisième siècle de l’Hégire. Le premier dôme qui fut construit sur la tombe de Hazrat-e Ma’soumeh était en brique, pierre et plâtre, et avait la forme d’un cône. Une femme nommée Zeynab fit construire ce dôme. Les historiens ne sont pas tous du même avis quant à l’identité de cette femme. La version la plus juste est probablement celle de Hassan Qomi, qui a écrit un livre intitulé Târikh-e Qom (L’histoire de Qom) en 378 de l’Hégire (988). Selon cet historien, Zeynab était la petite-fille de l’Imâm Javâd. Au fur et à mesure que d’autres femmes descendantes de l’Imâm Ali furent enterrées à proximité de Hazrat-e Ma’soumeh, deux autres dômes furent construits à côté du premier. Ces trois dômes ont existé jusqu’en 447 de l’Hégire (1055).

En 447 (1055), le mausolée fut reconstruit sur ordre d’Abolfazl Arâghi, vizir de Sultan Toghrol seljoukide. Les travaux durèrent dix ans. Abolfazl Arâghi fit remplacer les trois dômes par un seul, qui recouvrait toutes les tombes des femmes inhumées dans ce lieu. Ce dôme était beaucoup plus élevé que les précédents. Il était orné de briques et de céramiques avec des motifs picturaux en couleurs. Les céramiques du mausolée sur lesquelles sont dessinés des cavaliers mongols datent de cette époque. Le bâtiment construit sur ordre d’Abolfazl Arâghi était encore en place à l’époque des Safavides et ne subit donc probablement pas de détériorations importantes lors de l’invasion des Mongols. Plus tard, l’un des sultans mongols, Soltan Mohammad Oljaïtu, entreprit des constructions dans Qom et restaura le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh en 716 de l’Hégire (1316).

La ville de Qom et le mausolée de
Hazrat-e Ma’soumeh sous la neige

A l’époque des Safavides, le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh fut à nouveau restauré et devint un monument prestigieux. Les rois safavides élevèrent la hauteur du bâtiment et ajoutèrent des ornements. Ces derniers, qui étaient très croyants, payaient un salaire aux gens qui s’occupaient du mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh et prenaient en charge les dépenses des pèlerins, ce qui favorisa la fréquentation de ce lieu saint. Le bâtiment qu’avait fait construire Abolfazl Arâghi a existé jusqu’en 925 de l’Hégire (1518). A cette date, Shâh Beygom, fille du roi Shâh Ismâ’il Ier safavide, fit construire un nouveau mausolée octogonal avec huit terrasses, un iwan et deux minarets au devant du bâtiment central. On ajouta des ornements en mosaïques sur les murs et le dôme.

Le dôme et l’entrée principale du mausolée de
Hazrat-e Ma’soumeh avec un iwan et deux minarets

A la fin du règne des Safavides, les tribus afghanes qui avaient envahi l’Iran furent repoussées par Nâder Afshâr en 1142 (1729). Lors de leur fuite, les Afghans emportèrent toutes les dorures et les objets précieux qui étaient dans le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh. A l’époque des Qâdjârs, le mausolée fut restauré et retrouva la splendeur du temps des Safavides. En 1218 de l’Hégire (1803), lors du règne de Fath-Ali Shâh, le dôme du mausolée fut décoré avec des briques dorées. Le sol fut recouvert de dalles en marbre et les murs furent ornés avec des petits morceaux de miroir. Les restaurations débutèrent lors du règne de Fath-Ali Shâh qâdjâr et furent terminées en 1264 (1847) à l’époque de Mohammad Shâh qâdjâr.

Le monument funéraire

En 605 de l’Hégire (1208), le céramiste le plus réputé de l’époque, qui s’appelait Mohammad Ibn Abi Tâher Kâshi Qomi, entreprit la fabrication des mosaïques qui devaient orner le tombeau de Hazrat-e Ma’soumeh. Son travail dura huit ans. Les mosaïques fabriquées par Mohammad Ibn Abi Tâher Kâshi Qomi sont encore en place et font partie des objets les plus anciens et les plus précieux du mausolée. Le monument funéraire de Hazrat-e Ma’soumeh mesure 2,9 mètres de long, 1,2 mètre de large et 1,2 mètre de haut. En 950 de l’Hégire (1543), le roi safavide Shâh Tahmâsp fit construire un mur en brique autour du tombeau pour le protéger. Le mur mesurait 4,8 mètres de long, 4,4 mètres de large et 2 mètres de haut. Il était orné de mosaïques multicolores. Quelques années plus tard, Shâh Tahmâsp fit construire une grille en acier blanc autour de ce mur. Ce genre de grille existe dans tous les mausolées des saints en Iran. Elle est appelée zarih. Le roi Shâh Abbâs Ier fit construire un nouveau zarih pour le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh en l’an 1000 (1591).

Il y avait une porte en bois dans le mur en brique qui entourait le tombeau afin que les personnes autorisées puissent entrer dans l’enceinte du mur et s’approcher de la tombe. La porte en bois fut remplacée par une porte en or par ordre du roi Fath-Ali Shâh qâdjâr, qui fit également couvrir le zarih en acier blanc avec des plaques en argent en 1245 de l’Hégire (1829 J.-C.), et suréleva le zarih en le plaçant sur un mur en marbre de trente centimètres de hauteur. Le zarih fut restauré à deux reprises, en1872 et en 1945, et on modifia sa forme en 1969 pour lui donner un aspect plus artistique.

Les restaurations récentes

En 1998, le monument funéraire placé sur la tombe de Hazrat-e Ma’soumeh fut rénové. Le nouveau tombeau est composé de céramique et de pierre. De plus, la face interne du mur qui entoure le tombeau a été recouverte de marbre vert. Le zarih entourant la tombe de Hazrat-e Ma’soumeh a également été restauré en 2001, et le dôme recouvert de briques dorées (construit lors du règne de Fath-Ali Shâh qâdjâr) a été rénové à cette date.

Sources bibliographiques :
- Article intitulé Astâneh-ye hazrat-e Ma’soumeh (Le mausolée de Hazrat-e Ma’soumeh) du Dâyerat-ol-maâref-e Bozrog-e Eslâmi (Grande Encyclopédie Islamique) ;
- Nobân, Mehrozzamân, Simâ-ye miras-e farhangui-ye Qom (Panorama de l’héritage culturel de Qom), Edition du Centre de recherche de l’Organisation nationale de l’héritage culturel, 1381 (2002).

Notes

[1Hazrat vient de l’arabe hadrat qui signifie littéralement "présence". Placé devant un nom propre, il fait référence au rang élevé d’une personne, ici du point de vue spirituel, et pourrait être traduit par "son excellence".

[2Il existe à Qom et ses environs une centaine de lieux de pèlerinage correspondant aux sépultures des descendants des Imâms chiites. Le grand nombre de ces sépultures s’explique par le fait que les habitants de Qom furent des partisans de la famille de l’Imâm Ali au cours du califat des Omeyades et des Abbassides, probablement parce que les premiers musulmans qui s’installèrent à Qom étaient des partisans de cet Imâm. Les descendants de l’Imâm Ali (qui est le premier Imâm des musulmans chiites) contestaient la façon de gouverner des califes, ce qui mit souvent leur vie en danger, et ils se réfugiaient en Iran.

[3Les dates entre parenthèses correspondent à celle du calendrier grégorien.

[4Marv (ou Merv) était le nom d’une vaste région du nord-est de l’Iran dont une partie correspond à l’actuelle province de Khorâssân.

[5Selon une autre version, Hazrat-e Ma’soumeh demanda elle-même à ce qu’on la transporte à Qom.

[6Pour plus d’informations sur le waqf, cf. le numéro 56 de La Revue de Téhéran (juillet 2010).


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