N° 152, juillet 2018

Histoire de la première participation
d’un représentant iranien
dans les compétitions ­internationals


Hossein Kohandani


Poster présenté par le CIO comme le poster officiel des Jeux olympiques de Paris de 1900 - Jean de Paleologue (1855-1942)

On accepte généralement comme point de départ de la participation iranienne aux Jeux Olympiques l’envoi de 38 athlètes aux Jeux de Londres en 1948, durant lesquels Jafar Salmâssi réussit à obtenir une médaille de bronze en haltérophilie. Cependant, l’Iran a un précédent de participation aux Jeux Olympiques qui a été signalé dans un site sportif [1] : les Jeux Olympiques d’été, tenus à Paris en 1900. Comme beaucoup d’autres pays, l’Iran, à cette époque, n’a pas de comité national olympique - ce n’est qu’en 1947 que le Comité national iranien est fondé et reconnu.

Ces Jeux Olympiques d’été coïncident avec l’Exposition universelle de Paris de 1900 et avec le voyage de Mozaffareddin Shâh Qâdjâr (1853-1907) à Paris. Ce dernier désirait développer la présence de l’Iran dans différentes instances internationales et il envoya pour ces jeux un représentant, le fils de Mirzâ Malkom Khân (1833-1908) [2]. Après avoir été ambassadeur d’Iran en Angleterre sous le règne de Nâssereddin Shâh (1831-1896), Malkom est alors ambassadeur d’Iran en Italie et accompagne le roi dans son voyage européen. Naturellement, son fils, Fereydoun, né à Londres en 1875, l’accompagne.

A l’époque des Jeux olympiques de Paris, Fereydoun a 25 ans. Il a fait ses études à l’école militaire de Saint Cyr en France [3] et sait manier l’épée.

Selon les mémoires de Mozaffareddin Shâh, tirés de son deuxième carnet de voyage à l’étranger et relatant sa rencontre avec Fereydoun :

« Après déjeuner, je me suis reposé. Quand je me suis réveillé, il y avait des gens qui s’entraînaient à l’épée dans le jardin de l’hôtel. Des fauteuils furent installés. Je suis venu et me suis assis. Il y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui s’entraînaient. Puisque Fereydoun Khân, le fils de Malkom Khân savait manier l’épée, j’ai ordonné qu’il participe aussi. Il s’est bien entraîné. » [4]

Une des nombreuses affiches pour l’Exposition Universelle de Paris 1900

Suite à cet entraînement, le roi qâdjâr décide tout naturellement d’envoyer Fereydoun participer aux Jeux Olympiques.

C’est peut-être suite à cet événement qu’en 1901 le père de Fereydoun, Malkom, offrit au roi une bague en diamant afin que ce dernier accorde le titre de prince à son fils Fereydoun.

Fereydoun participa donc aux Jeux Olympiques d’été de 1900 à Paris dans les compétitions d’escrime, dans la branche épée individuelle. Il fut battu 6 à 4 et obtint la 19e place. Sa défaite l’élimina et mit fin à sa participation.

Il est intéressant de savoir que Fereydoun, puisque né à l’étranger mais Iranien de naissance, ne connaissait pas la langue persane. Une lettre écrite de sa main et qui nous est restée était remplie de fautes d’orthographe et de grammaire. [5] Huit ans après les jeux de Paris et l’année du décès de son père, Mohammad Ali Shâh, successeur de Mozaffareddin Shâh, bombarda le Parlement pour mettre fin au Mouvement constitutionnel. Fereydoun, qui séjournait alors en Angleterre, voulait aider les activistes à sortir d’Iran pour échapper à la répression. Pour ce faire, il écrivit dans le Times en demandant l’aide mondiale pour les partisans du mouvement constitutionnel. [6] Les dernières nouvelles que l’on peut retenir de cet athlète est qu’à l’époque de la Première Guerre mondiale, il écrivit un article dans un journal français pour dénoncer la neutralité de l’Iran. Suite à cela, le ministère des Affaires étrangères lui retira son titre de Prince. [7] 

Et depuis, nous sommes sans nouvelles de cet athlète éphémère. Qu’est-il devenu ? Nous n’avons même pas réussi à trouver une photo le concernant. Au Comité national iranien, c’est la photo de son père, Mirzâ Malkom-Khân, qui est exposée.

Notes

[1sports-référence.com

[2Mirzâ Malkom Khân est un important intellectuel de l’époque qâdjâre.

[3Adamyat, Fereydoun, Fekr âzâdi va moghadame-ye nehzat-e mashrooteh-ye Irân (La pensée de la liberté et les débuts du mouvement constitutionnel en Iran), Téhéran, éd. Sokhan, 1962 (1340), p.112.

[4Mozaffereddin Shâh, Deuxième carnet de voyage à l’étranger le 19 Rabi al’Thani 1320 lunaire, Téhéran, éd. Kavosh, 1983, p. 95.

[5Râïn Esmâïl, Mirzâ Malkom Khân, Téhéran, éd. Safiali Shâh, 1975, pp. 170-172.

[6Journal « Yad », numéros 57 58 59, printemps - été 1379, page 88.

[7Op. Cit. p.173.


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