N° 161, avril 2019

Les routes et leur construction
dans la Perse antique


Manoutchehr Ehtechâmi
Résumé et traduction :

Khadidjeh Nâderi Beni


Les deux voyageurs sont habillés en style mède.

Les recherches archéologiques montrent que les Iraniens connaissent, depuis longtemps, les charrettes et les chariots. Depuis l’invention de la roue vers 3500 avant J.-C., l’homme a dédié cet outil, plein d’intérêts, aux dieux mythologiques. Dans certaines traditions, elle symbolisait la vie et le temps qui passent. Cette invention a révolutionné la vie et est devenue un outil indispensable pour le transport. Dans de nombreuses mythologies du monde, le char solaire symbolise la course du Soleil dans le ciel en transportant les dieux d’est en ouest et d’ouest en est.

Parmi les divers objets découverts lors de fouilles archéologiques dans le Lorestân, on peut trouver quelques chariots datant du deuxième millénaire avant J.-C. ainsi qu’une charrette en fer fabriquée par d’anciens peuples persans qui y habitaient aux alentours de 1200 avant J.-C..

Les ouvrages revenant sur l’histoire de l’orfèvrerie en Iran notent la découverte d’un chariot en or sur les rives du Syr-Daria en Asie centrale. Ce chariot, conservé actuellement dans un musée en Angleterre, représente le mode de transport utilisé par les Iraniens de la Perse antique.

ہ l’ère achéménide, la cavalerie de l’armée persane, lors de guerres, se servait du chariot militaire pour le transport de ses commandants. Toutefois, durant les Arsacides (247 avant J.-C. – 224 après J.-C.) et des Sassanides (224-651), le chariot a été remplacé par le cheval dans la cavalerie de l’armée persane.

Sceau en agate ayant appartenu à Darius l’Achéménide conservé au British Museum. Le dessin du sceau représente le roi achéménide monté sur un char, chassant le lion à l’arc.

Les routes actuelles de l’Iran, reliant le sud au nord et l’est à l’ouest du pays, se trouvent pour la plupart sur les anciens itinéraires hérités de la Perse antique. La plupart de ces routes ont été tracées lors des grandes migrations de divers peuples vers la Perse durant les périodes anciennes allant de 2400 ans avant J.-C. jusqu’aux Sassanides et Arsacides.

Le plateau iranien est une vaste région qui se trouve entre le Moyen-Orient et l’Asie centrale. Il est entouré par la chaîne Alborz et la mer Caspienne au nord, le golfe Persique et la mer d’Oman au sud, la chaîne de Zagros à l’ouest et le fleuve Amou-Daria à l’est. Ce vaste territoire a été, depuis les périodes préhistoriques, fréquenté par divers peuples, dont les Perses et les Mèdes, qui s’y sont installés.

Les Perses sont venus habiter le pays d’Anzân, au nord-est du golfe Persique dans les vallées du nord de la chaîne de Zagros. Quant aux Mèdes, peuple aryen, ils pénétrèrent en Iran à partir des frontières est et s’installèrent dans les régions sud de la chaîne d’Alborz ainsi que sur les pentes ouest de la chaîne de Zagros. Les deux peuples formèrent le royaume d’Elam avec deux capitales : la région du Fârs actuel nommée alors Anzân (ou Anchân) et la plaine de Suse habitée surtout par des montagnards nomades. Les ةlamites se mirent à exploiter les ressources minières de la région et à contribuer aux échanges commerciaux avec d’autres civilisations, dont celle de la Mésopotamie, en fondant un réseau routier permettant de relier aisément et rapidement les grands centres urbains et commerciaux.

Bas-relief représentant un cavalier arsacide à Palmyre

Les ةlamites furent attaqués et vaincus par les Assyriens et finalement, disparurent en 654 avant J.-C.. Suite à la révolte de Cyrus Ier, les Achéménides arrivèrent au pouvoir et fondèrent l’Empire perse, successeur du royaume mède. ہ l’époque, on construisit plusieurs routes importantes menant à Hamedân, capitale de la Perse.

Les Mèdes, puis les Achéménides développèrent le réseau routier de la Perse en créant de nombreuses routes qui existent toujours de nos jours, comme les axes : Arâk-Qom, Arâk-Sâveh, Hamedân-Sâveh, Hamedân-Abhar-Tâkestân et Hamedân-Zandjân qui relient pour la plupart le sud au nord-ouest. D’ailleurs, certaines routes sont considérées de nos jours comme des routes historiques et archéologiques. C’est le cas pour la route reliant Sâveh à Hamedân où l’on peut découvrir des passages au milieu des montagnes, ces dernières abritant des tablettes cunéiformes datant des époques élamite et mède. Il s’agit, en fait, d’épigraphes et d’inscriptions réalisées sur les rochers relatant l’histoire de certaines attaques assyriennes contre les troupes mèdes. L’entrée des Assyriens dans la région mède s’est faite via deux routes principales : 1) la route qui passait par Dour-Assour, située au sud du Kurdistan irakien actuel et qui aboutissait à Ravânsar et à Mâhidasht, situées dans la province actuelle de Kermânshâh ; 2) la route qui passait par la plaine est de Soleymânieh (en Irak actuel) et qui, en traversant le côté nord de Marivân (Kurdistan iranien) aboutissait à la plaine de Hamedân.

Cheval sur poterie retrouvée au site archéologique de Tépé Sialk, Kâshân

ہ l’époque achéménide, les routes ouvertes, auparavant, par les Mèdes, étaient encore fréquentées par les voyageurs et les commerçants internationaux. Grâce aux victoires des Achéménides dans différentes guerres, les frontières persanes se développèrent de plus en plus et lors des grandes conquêtes persanes, le réseau routier s’étendit. Durant le règne de Cyrus le Grand, on trace un grand nombre de routes améliorant la communication entre les différentes régions.

Selon Hérodote (historien grec, entre 480 et 425 avant J.-C.), les Achéménides sont les premiers dans le monde à avoir créé des ponts afin de franchir les cours d’eau. ہ cette époque, afin de pouvoir envoyer des messages et des informations, on a édifié des tours sur des collines élevées desquelles on envoyait des signaux de fumée et faisait des feux surtout la nuit. Ceux qui voyagent dans les déserts iraniens afin de découvrir les routes de la Perse antique, peuvent admirer les vestiges de ces tours historiques. ہ Rey, près de Téhéran, on peut visiter un ensemble de collines le long de la route historique.

Voici un bref aperçu de deux routes remarquables de l’époque achéménide : la Voie royale et la Route de la soie.

La Voie royale (râh-e shâhi) de plus de 2500 km, l’ère achéménide

 

La Voie royale (râh-e shâhi) :

 

La Voie royale, de plus de 2500 km, est sans aucun doute, la voie la plus remarquable et la plus impressionnante de l’ère achéménide. Tout au long de cette route, on avait construit de nombreux caravansérails pour les voyageurs et commerçants. La particularité la plus importante de cette route réside dans le fait qu’elle était la route la plus sécurisée de la Perse. Elle traversait bon nombre de grandes villes dont les plus importantes sont : Suse, Râmhormoz, Behbahân, Pasargades et Sardes (ancienne ville d’Asie mineure). Grâce à un réseau routier fort développé et plus particulièrement la Voie royale, le commerce international devient de plus en plus florissant à l’ère achéménide. Une grande partie de cette route, ayant comme objectif stratégique de transmettre les messages confidentiels royaux, avait été tracée dans les montagnes difficiles d’accès de la chaîne Zagros.

Une partie de la Voie royale à Pasargades

Outre la Voie royale, les Achéménides ont créé de nombreuses autres routes dont les plus importantes sont : 1) la route reliant Pasargades aux villes sud dont Suse, Kerman, Deylamân, Hormoz et les rives du golfe Persique ; 2) la route d’Hamedân jusqu’à l’Azerbaïdjan actuel ; 3) la route reliant Suse à Hamedân et à Pasargades ; 4) la route reliant Rey à l’Azerbaïdjân au nord aussi bien qu’à Dâmghân et à Paritakân (Fereydan actuel dans la province d’Ispahan) ; 5) la route reliant Dâmghân (actuel) à l’embranchement de Astarâbâd (Gorgân actuel), Rey et Kerman ; 6) la route reliant Kerman à Pasargades en passant par Hormoz et Tapaleh (sur les rives de l’Indus).

Parmi d’autres villes achéménides, Rey, ancienne capitale des Mèdes, et Suse, ancienne capitale des ةlamites, revêtaient une importance particulière. Grâce à cette centralité, les deux villes étaient le point de jonction de plusieurs grandes routes que fréquentaient les marchands.

 

Les principales routes de la soie entre 500 av. J.-C. et 500 ap. J.-C.

La Route de la Soie (râh-e abrisham) :

 

La Route de la Soie est une expression générique, forgée il y a un siècle. Cette route, après la Voie royale, est la deuxième route importante et très fréquentée de l’ère achéménide. Elle forme un réseau de routes caravanières traversant les grandes cités allant de l’Europe jusqu’à l’Asie centrale. Tracée au IIIe siècle avant J.-C., la Route de la Soie facilitait la transmission non seulement des marchandises mais aussi des cultures, des religions, des technologies, etc. entre les grandes civilisations dont celle de la Perse. En outre, comme étant la première voie commerciale de longue distance, la Route de la Soie favorisait les échanges et la communication entre les grands marchands de différentes nationalités. Les rois persans construisirent plusieurs caravansérails, visant à accueillir les grands commerçants asiatiques et européens et grâce à la présence de ces grands personnages en Iran, on vit l’épanouissement économique et social de la société achéménide.

Le caravansérail de Rabat Sharaf sur l’ancienne route de Marv-Neyshâbur, l’une des Routes de la Soie à l’ère du Sultan Sanjar, situé aujourd’hui à 45 km de la ville de Sarakhs

Dès leur arrivée au pouvoir au IIIe siècle avant J.-C., les Arsacides ou Parthes commencent à développer le réseau routier afin de faciliter les communications entre les différentes contrées ; on utilise les itinéraires hérités de l’époque achéménide. Les Arsacides choisissant la région ouest de la Perse comme capitale, la progression des routes se concentre surtout sur la partie ouest du pays et la plupart des routes aboutissent aux grands centres urbains et commerciaux de l’époque dont Ctésiphon, Ecbâtân, Suse et le Dâmghân actuel. Il faut souligner qu’à l’époque, l’ensemble des routes de la Soie est parfois remplacé par les voies maritimes, en particulier quand les guerres menacent la sécurité des routes et interrompent donc le trafic. Il s’agit surtout de liaisons maritimes effectuées via le golfe Persique et la mer d’Oman aussi bien que les voies maritimes reliant l’Empire romain à l’Inde via la mer Rouge et l’océan Indien.

Sur le chemin de Fahraj, des vestiges de route à Zâhedân, datant de la période achéménide. La route pavée achéménide a une largeur de 4 mètres et est décorée de rochers noirs et rouges

ہ cette époque, les Parthes essayent de conserver le rôle intermédiaire des routes iraniennes pour faire transiter les marchandises et plus particulièrement, la soie chinoise et autres productions exportées de Syrie et d’Asie Mineure. Au cours de la dynastie arsacide, la Route de la Soie, allant de la Chine aux rives de la Méditerranée orientale, rend possible les relations commerciales mais aussi les relations politiques, scientifiques, techniques, culturelles et religieuses. ہ l’époque des Arsacides et ensuite des Sassanides, le marché de la soie est exclusivement dirigé par les Iraniens bien que les Romains se soient efforcés d’importer directement la soie chinoise en dominant les routes de la Soie et en maîtrisant ainsi, le commerce de cette marchandise précieuse.

Les vestiges de la route des Achéménides près de Tang-e Abu al-Hayât, Kâzeroun

Il reste à dire que les rois arsacides manifestaient un grand intérêt à édifier des caravansérails, des hôtelleries et des auberges où les grands marchands internationaux pouvaient se rencontrer et trouver un abri pour eux-mêmes, pour leurs marchandises et leurs bêtes. Grâce à la présence de ces grandes figures commerciales du monde, la Perse connaît à l’époque un grand essor économique, social et culturel.

Pièce d’orfèvrerie découverte en 1880 en Afghanistan, représentant un char achéménide.

Ce char est orné sur le devant par une effigie de Bès, dieu égyptien.


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