N° 169, décembre 2019

Le folklore et les traditions de la province de Qazvin


Zahrâ Moussâkhâni


Aperçu sur l’histoire de Qazvin

Les recherches archéologiques montrent que la province de Qazvin a été témoin de la sédentarisation et du développement de l’agriculture dès le VIIe millénaire av. J.-C. Les habitants avaient un artisanat relativement perfectionné et un système social proto-urbain. Des habitations, des temples, des ateliers, des objets décoratifs, des statuettes et d’autres objets découverts lors de fouilles montrent l’installation et la sédentarisation de peuples anciens dans la plaine de Qazvin, il y a plusieurs milliers d’années.

Les recherches archéologiques, notamment menées à Tappeh Sagazâbâd près de la Bouyin-Zahrâ, ont également montré que de nombreux groupements différents se sont succédés dans la région. Plusieurs autres collines préhistoriques récemment découvertes près de la route Karaj-Qazvin fournissent de précieuses informations sur la vie des habitants de la région durant le IVe millénaire av. J.-C.

 

La fête de la pluie et sa célébration le 50e jour du printemps est un rituel spécial des Qazvinis

Les historiens estiment que la région de Qazvin appartenait au territoire des Caspiens, et des linguistes pensent que le nom Qazvin serait un dérivé de Caspien. Mais c’est en particulier durant la période mède, au IXe siècle av. J-C., que la région prend une grande importance. Elle deviendra ensuite une étape incontournable sur la Route de la Soie, passé dont témoigne aujourd’hui la vingtaine de caravansérails antiques et historiques que l’on peut visiter dans cette province. La province de Qazvin fut conquise par les troupes arabes vers le milieu du VIIe siècle. La bataille fut courte, mais importante en raison de l’importance géostratégique de la ville. Des révoltes sporadiques éclatèrent dans cette région pendant près d’un siècle et demi, obligeant les califes omeyyades et abbassides à montrer une attention particulière à cette province. Des révoltes historiques d’importance eurent lieu, notamment la révolte des Alavis qui commença en l’an 791 et dura une vingtaine d’années. Dès le troisième siècle de l’hégire, l’importance de Qazvin en fait une région administrative indépendante et séparée de Aragh Ajam. Après les Abbassides, Qazvin devient une province tahiride. Suivent les dynasties des Bouyides, des Ilkhanides, des Seldjoukides, puis la parenthèse du régime ismaélite, remplacé par les Safavides, qui font de la ville de Qazvin leur capitale pendant 57 ans. Durant cette période, la nouvelle capitale se développe notablement et de nombreux faits historiques d’importance y ont lieu. Après la chute des Safavides et la période de chaos qui suit, c’est au tour de Nâder Shâh Afshâr de régner puis suivent les Zend et les Qâdjârs. La période qâdjâre est également remarquable dans le développement de la ville et de la province sous l’impulsion du gouverneur Saadosaltaneh. Finalement, Qazvin et ses intellectuels tels que Aref Qazvini, Ashrafeddin Hosseini (éditeur du journal « Nassim-e Shomâl ») et Mirza Hossein Khayyat (Farniâ) jouent un rôle fondamental durant la Révolution constitutionnelle qui dura de 1905 à 1911.

Enfin, la ville de Qazvin est la première en Iran en nombre de monuments historiques et la 3e au monde.

Tappeh Sagazâbâd près de la Bouyin-Zahrâ

Les groupes ethniques de Qazvin

La province de Qazvin est peuplée majoritairement de Persans, qui parlent le persan avec l’accent caractéristique de Qazvin. Mais y vivent également des Kurdes, des Lors, des Guilaks, des Tâts et des Azéris Shâhsavan, dont les langues sont aussi parlées.

Selon plusieurs historiens, les Kurdes et les Lors de Qazvin y ont émigré durant la période safavide, en particulier sous le règne de Shâh Abbâs. Cependant, des anthropologues estiment que cette migration est plus récente et aurait commencé au XVIIIe siècle sous le règne du fondateur de la dynastie qâdjâre, Aghâ Mohammad Khân.

 

La tribu nomade des Shâhsavan, elle, serait présente dans cette province depuis la fin du XVIIIe siècle – c’est en tout cas l’avis d’Henry Field, auteur du livre Anthropologie de l’Iran. Quant aux Tâts, bien qu’ils vivent généralement plus au nord et qu’aucune recherche approfondie n’ait été menée sur la date de leur présence à Qazvin, ils sont estimés être l’une des plus anciennes ethnies de la province.

Il existe aussi une communauté nommée « Marâghi » aux traditions et coutumes peu étudiées. Les membres de cette communauté ont émigré à Qazvin de la ville de Marâgheh, d’où le nom de Marâghi.

Saadosaltaneh

Les langues parlées dans la province de Qazvin

Avant l’arrivée de l’islam et même jusqu’à la période de l’invasion mongole, le pahlavi était la langue dominante de la région. Aujourd’hui, ce sont le persan, le tâti, le marâghi, le kurde, le lori, le turc azéri et le romanlui que l’on entend dans cette province.

Le persan est la langue dominante de la ville de Qazvin et de l’ouest de la province. Les Qazvinis parlent le persan avec un accent caractéristique, de la famille des accents du nord et du nord-est du pays. De plus, il existe une sorte de sous-grammaire pour le persan de Qazvin, fait quasiment unique dans les différents accents du persan. Il existe trois variantes de l’accent qazvini persan :

- la variante güy-o-meydâni, parlée dans l’ouest de la ville. Cette variante se caractérise par un important vocabulaire turc et était initialement parlée par les migrants azéris et turcophones.

 

- la variante maghlavâki. Cet accent est celui du bazar de Qazvin et a été popularisé par les tanneurs. Il se caractérise par l’ironie et un franc-parler particulier, avec des longueurs sur les prononciations.

Aref Qazvini

- la variante râh-e rey. Cet accent est ce que l’on désigne communément comme l’accent de Qazvin. Il est le plus connu des accents du persan parlé dans la région.

 

Le marâghi est une variante du persan parlée dans toutes les zones de la province en milieu rural. Il est parlé sans différence notable d’accent dans cette région et ce à la différence des autres langues de Qazvin, qui ont toutes été influencées par leur ancrage géographique et les échanges avec les langues voisines. Des populations Roms vivent également à Qazvin, notamment dans plusieurs villages. Les gitans parlent une langue appelée localement le romanlui. Certains habitants pensent que les Roms de Qazvin ont quitté la Roumanie pour s’installer dans cette région il y a très longtemps.

Le pavillon Tchehel Sotoun est le dernier vestige du palais du premier roi safavide Shâh Tahmasp, XVIe siècle, Qazvin

 

Le tâti est une autre langue de la province de Qazvin, qui se démarque du tâti pratiqué plus au nord. Selon les linguistes, le tâti appartient à la famille des langues médianes anciennes. En général, la proximité historique et géographique de cette région avec le Mâzandarân (autrefois nommé le Tabarestân) a permis l’association des parlers régionaux avec les parlers tabari du Mâzandarân, et la langue guilaki parlée dans le Guilân. Des recherches linguistiques ont clairement mis en évidence les ressemblances et les emprunts entre ces langues régionales. Le tâti s’entend à l’est, au nord et au nord-est de la province, notamment à Roudbâr ou Alamout. C’est la langue parlée dans les zones avoisinant les provinces voisines, c’est-à-dire Alborz, Mâzandarân et Guilân. Le tâti est également une langue majeure de la préfecture de Buin-Zahrâ, où deux des six chefs-lieux de la préfecture, notamment la ville de Tâkestân, le parlent comme langue dominante. Le tâti est aussi parlé dans plusieurs autres zones de la province de Qazvin, notamment plus au sud, ce qui fait d’elle la principale province des Tât. Notons par ailleurs que le tât de Qazvin est surnommé « la reine des Tât ».

Le turc azéri est la langue principale des résidents des départements d’Alborz et du Takestân, ainsi que des habitants d’Avaj et de Târom Soflâ.

Ashrafedin Hosseini, rédacteur en chef du journal Nasim-e-Shomal

Qazvin, capitale de la calligraphie en Iran

De par son rôle dans l’histoire de la calligraphie et le nombre de maîtres calligraphes qu’elle a produits, Qazvin a naturellement pris le titre de « capitale de la calligraphie persane ».

Œuvres de Malek Mohammad Qazvini

Cette province a toujours joué un rôle important dans le développement de cet art et continue d’être un pôle de la calligraphie mondiale. Citons parmi les grands maîtres calligraphes originaires de cette ville, Mir Emâd Hassani Qazvini, l’un des maîtres indiscutés du style nasta’liq. Citons également parmi les contemporains et les modernes, Mirzâ Mohammad-Hossein Seyfi Qazvini, surnommé Emâd-ol-Kottâb, également un grand maître du style nasta’liq et disciple de Mirzâ Kalhor, qui développa et diffusa en plus de son propre style, celui de son maître.

Mirzâ Mohammad-Hossein Seyfi Qazvini, surnommé Emâd-ol-Kottâb

Parmi les contemporains, nous pouvons aussi mentionner les maîtres Ali-Akbar Kâveh et Ebrâhim Bouzari. Un autre calligraphe de Qazvin, Mirzâ Mohammad Ali Khyâraji Qazvini est l’inventeur et le calligraphe du premier Oiseau Toghrâ de Bismillâh. Citons également Abdolmajid Tâleghâni, Malek Mohammad Qazvini, Mir Ebrâhim Qazvini, Mir Mohammad Amin Hassani Seyfi Qazvini ou encore Yahyâ Qazvini. Les maîtres cités, ainsi que de nombreux autres ont fait de Qazvin, une ville réputée pour son art. Ainsi, aujourd’hui, chaque année, des événements ponctuels, comme des festivals, des biennales ou des expositions de calligraphie se tiennent dans cette province fière de sa réputation.

Calligraphe du premier Oiseau Toghrâ de Bismillâh par Mirzâ Mohammad Ali Khyâraji Qazvini

Le développement extraordinaire de la calligraphie à Qazvin a commencé dès la période tahiride et a connu son apogée classique à l’époque safavide.

La Fête de la Grenade

Quelques fêtes et traditions de la province de Qazvin

La Fête de la Grenade

La fête de la grenade est spécifique à la région de Târom et se tient de fin septembre à début octobre. Durant cette période, la récolte de la grenade se fait en grande pompe avec une procession d’agriculteurs qui se déplacent d’un verger à l’autre pour cueillir ce fruit à la signification particulière dans la culture iranienne, et ce au son d’instruments musicaux traditionnels tels que le dâyereh, le sornâ et le dohol. Cette fête annonce le début de la récolte et il est mal vu de cueillir ces fruits avant cette cérémonie.

La récolte de la grenade, Qazvin

La Fête de la Noisette

La noisette est l’une des productions agricoles importantes de la région montagneuse et froide d’Alamût et chaque année, la Fête de la Noisette s’y tient au début du mois d’août. De même que pour la Fête de la Grenade, les cultivateurs organisent des processions et se rendent dans tous les vergers pour annoncer le début de la récolte d’une façon spéciale. La cueillette commence avec la récitation de poèmes.

 

La fête de la Noisette est aussi un festival amoureux puisqu’il est coutumier de cueillir aussi, séparément, en particulier pour les jeunes femmes, des noisettes qui serviront à la fabrication d’un collier bucolique nommé le Golvân que l’on offre à l’être aimé plusieurs mois plus tard, au cœur de l’hiver.

Le festival et la fête de la Noisette

 

Norouzi-khâni

Le Norouzi-khâni est une cérémonie musicale et communautaire qui a lieu à la fin de l’année et a pour objectif de souhaiter la bienvenue au Nouvel An.

Les chanteurs du norouzi-khâni sont traditionnellement originaires d’Alamût et de Tâleghân. Ils s’avancent dans les rues et ruelles des villes et villages par groupe de deux à quatre et récitent en chantant des poèmes, en annonçant régulièrement l’arrivée de l’an nouveau. En entendant le chant des Norouzi-khân, les habitants sortent de leurs maisons pour leur donner la réplique et leur offrent des étrennes et des pâtisseries.

Norouzi-khâni

Tchamtcheh khâtoun

Le Tchamtcheh khâtoun est une cérémonie de vœu de pluie. Elle peut se faire individuellement ou en groupe. Pour faire un vœu d’averse, on monte sur le toit avec un bol d’eau dont le contenu est projeté en l’air avec une cuillère au fur et à mesure de la prière.

Tchamtcheh khâtoun est une cérémonie de vœu de pluie

 

Koloukh andâzân

Cette coutume, qui se perd de plus en plus aujourd’hui même dans les milieux ruraux, se tient un jour avant le début du Ramadan. Durant cette journée, les villageois se rendent chez des voisins ou des amis en s’équipant de victuailles à distribuer et tous s’installent ensuite ensemble pour raconter des histoires, jouer à des jeux de société ou autres, festoyer, plaisanter et passer un bon moment.

C’est une journée festive qui prépare les gens corps et âme au mois du jeûne. Cette tradition n’est pas propre à Qazvin et se pratique dans d’autres régions de l’Iran. On la connaît ailleurs sous le nom de Golkhandâni (Sourire comme une fleur).

Coutûme de Golkhandâni (Sourire comme une fleur), Qazvin

Bibliographie :
- Bahrâmi, Fereshteh, Hammâm-hâye khâmoush (Les hammams éteints, Croyances populaires de Qazvin), Téhéran, 2010.
- Site de la mairie de Qazvin : http://www.qazvin.ir


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