N° 177, automne 2021

Le Panorama de la Perse : un témoin des relations historiques irano-russes


Arash Khalili


Le musée de l’Ermitage

Fondé en 1764, le musée d’État de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg (Russie) est le plus grand musée du monde en termes du nombre d’objets exposés (plus de 60 000), tandis que près de trois millions d’objets sont conservés dans ses réserves. Il est le troisième grand musée du monde après le Louvre (Paris) et le Metropolitan Museum (New York) en ce qui concerne la superficie consacrée aux expositions (66 000 m2), avec une superficie totale de 230 000 m2.

Alexandre II de Russie et le roi de Perse Nâssereddin Shâh à Saint-Pétersbourg en 1874, œuvre du peintre hongrois Mihaly Zichy (1827-1906).

Le musée de l’Ermitage possède une très précieuse collection d’objets d’art iranien dont une partie est exposée de façon permanente dans la galerie Pierre le Grand située dans le bâtiment du Petit Ermitage. Il s’agit de plus de 300 peintures, sculptures et œuvres d’art iranien de l’Antiquité à la fin du XIXe siècle. L’un des objectifs de l’exposition d’œuvres d’art iranien au sein de ce musée est de refléter une image générale des relations entre la Russie et le monde iranien via la diversité des œuvres exposées. À titre d’exemple, les cadeaux diplomatiques et les trophées militaires sont à l’origine de l’exposition d’une collection unique d’art qâdjâr (XIXe siècle). En 2004, le musée d’État de l’Ermitage exposa pour la première fois au grand public les peintures panoramiques de Pavel Pyasetsky qui avait accompagné Alexeï Kouropatkine lors de sa mission diplomatique à Téhéran. 

Le général Alexeï Kouropatkine
Portrait de Pavel Pyasetsky

Alexeï Kouropatkine

En 1895, Alexeï Nikolaïevitch Kouropatkine (1848-1925) reçut une mission diplomatique spéciale de la part du gouvernement russe pour se rendre à la cour royale des Qâdjârs. Général de l’armée et homme politique célèbre, Kouropatkine fut nommé ambassade extraordinaire en Perse. Sa mission consistait à porter le message du dernier tsar de Russie, Nicolas II (1894-1917), monté sur le trône quelques mois plus tôt, le 1er novembre 1894.

Talar-e Salâm (Salle de réception) au palais du Golestân où le Shâh reçut les membres de la délégation russe, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

À la tête d’une délégation diplomatique, le général Kouropatkine partit en bateau pour le port iranien d’Anzali sur la mer Caspienne. La délégation continua son chemin en prenant la route montagneuse reliant le Guilan à Qazvin puis à Téhéran, la capitale. Plus tard, l’empereur Nicolas II nomma Kouropatkine ministre de la Guerre (1898-1904). Un membre de la mission qu’il dirigeait en Iran était Pavel Pyasetsky.

Le rouleau du « Panorama de la Perse », large de 48,5 centimètres et long de 59,6 mètres, exposé au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Pavel Pyasetsky

Pavel Yakovlevich Pyasetsky naquit en 1843 à Orel (Russie). Après avoir terminé ses études secondaires en 1861, il étudia la médecine à l’université de Moscou.

Palais Bahârestân à Téhéran, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

Déjà dans sa jeunesse, il démontrait un fort intérêt pour le dessin. Au cours de ses études médicales, Pyasetsky réalisa des centaines de dessins sur l’anatomie, l’histologie, la médecine légale, l’obstétrique, les maladies de la peau. Ces dessins servirent à l’époque de supports pédagogiques à la Faculté de médecine de l’université de Moscou.

Ayant continué ses études médicales pour devenir chirurgien, il développa en 1869 à Moscou les travaux du chirurgien suisse Jaques-Louis Reverdin (1842-1929) et inventa une méthode de greffe de peau. Pyasetsky fut donc l’un des premiers scientifiques russes à développer les méthodes modernes de transplantation d’organes. En 1871, il reçut son doctorat en médecine. Après avoir soutenu sa thèse, Pyasetsky déménagea à Saint-Pétersbourg en tant que médecin. Pendant son temps libre, il fréquentait l’atelier de l’artiste Pavel Tchistiakov (1832-1919), peintre et maître à l’Académie impériale des Beaux-arts.

Le port d’Anzali, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

En 1872, il entra au service de l’armée dans la Direction médicale. Il participa en 1874 à l’expédition de l’armée russe en Chine. Pendant cette mission militaire, Pyasetsky fut à la fois médecin et artiste. Il réalisa pendant cette expédition sa première peinture panoramique « Du centre de la Chine à la Sibérie occidentale ». Il écrivit ensuite son livre « Le voyage en Chine » qui reçut la médaille d’or de la Société géographique impériale russe.

Résidence à Rasht, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

Pendant les années 1894-1900, sur ordre d’un comité chargé de la construction du chemin de fer de la Sibérie, Pyasetsky réalisa un panorama géant du chemin de fer transsibérien. Ce panorama fut présenté à l’Exposition universelle de 1900 à Paris. Pour ce panorama, il reçut la Légion d’honneur.

Palais du Golestân à Téhéran, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

En 1897, Pyasetsky voyagea en tant qu’artiste en Angleterre pour l’anniversaire de la reine Victoria. En 1902, il visita la Bulgarie et en 1903, il fit un voyage en Extrême-Orient, en compagnie du général Alexeï Kouropatkine, devenu ministre de la Guerre. Pavel Pyasetsky décéda en 1919 à Saint-Pétersbourg à l’âge de 76 ans. 

Ville de Rasht, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.
Pir-Bazar, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

Panorama de la Perse

En janvier 1895, le général Kouropatkine invita Pavel Pyasetsky à participer à la mission extraordinaire en Iran que l’empereur lui avait confiée. La délégation russe Kuropatkine voulait que Pyasetsky fasse des croquis pittoresques de leur chemin sur le territoire iranien, du port d’Anzali sur la mer Caspienne jusqu’à la capitale, Téhéran. Le résultat de ce projet confié à Pyasetsky fut le « Panorama de la Perse » dont le nom officiel était : « Panorama de la Perse sur la route de l’ambassade extraordinaire de Russie dirigée par le lieutenant-général A. N. Kuropatkine, d’Anzali à Téhéran. » Le « Panorama de la Perse » est une série de paysages en aquarelle peinte par Pyasetsky les unes après les autres sur un long rouleau de papier large de 48,5 centimètres et long de 59,6 mètres. Pyasetsky commença à peindre les paysages dès l’arrivée du bateau à Anzali et compléta son travail à Achgabat (Turkménistan) près d’un an plus tard. Quelques années plus tard, Pyasetsky exposa le « Panorama de la Perse » à l’Exposition universelle de 1900 à Paris où le roi Mozaffareddin Shâh (1896-1907) le vit le 7 août 1900. Le « Panorama de la Perse » était exposé par l’installation du rouleau sur un mécanisme le faisant tourner lentement pour que les visiteurs puissent admirer les aquarelles défilant les unes après les autres sous une forme cinématographique. Le « Panorama de la Perse » fut longtemps conservé au Musée géographique de Saint-Pétersbourg avant d’être finalement remis au Musée de l’Ermitage.

Mont Damavand, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.
Route montagneuse de Harâz, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

En 2015, le « Panorama de la Perse » fut la pièce centrale d’une exposition organisée au Musée de l’Ermitage, dédiée à la culture et à l’art de l’Iran du VIIIe siècle au XXe siècle dans le cadre d’une conférence européenne sur les études iraniennes. À cette occasion, un livre au sujet du « Panorama de la Perse » fut publié par le Musée de l’Ermitage (2015).

Montagnes enneigées d’Alborz, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.
L’entrée de la ville de Qazvin, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.

Les aquarelles de Pavel Pyasetsky illustrent l’influence du réalisme occidental sur le peintre russe. Dans cette collection panoramique, nous apprécions le « regard de l’autre » sur les paysages du monde iranien de la fin du XIXe siècle : les espaces urbains, l’architecture urbaine ou rurale, les routes, les auberges, les caravansérails, les villes (Anzali, Qazvin, Téhéran), les palais et les paysages naturels.

La ville de Qazvin, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.
Bâb-e Homâyoun (Porte de Sa Majesté) à Téhéran, tableau du « Panorama de la Perse » de Pavel Pyasetsky.
Voyageurs du pôle Nord : portrait de Pavel Pyasetsky (à droite) et d’un inconnu, photographiés à Novgorod (nord-ouest de la Russie) par Andrei Osipovich (1837-1906), artiste et photographe russe.

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